Mystras - Empires Vanquished and Dismantled
Chronique
Mystras Empires Vanquished and Dismantled
Si l’on vous dit Black Metal Médiéval, vous pensez certainement à des groupes faisant la part belle aux héros, parfois légendaires, du Moyen-Âge, aux hauts faits d’armes de cette période, aux différentes vagues d’invasions dites barbares, parfois avec des sonorités en plastique dignes des fans de la génération X-Box, avec souvent bien plus dans le message que dans la musique elle-même, quand tout n’est pas mis dans le maquillage, le décorum en carton pâte, ou bien le pastiche. Cela peut aussi rimer pour les plus décérébrés de cette scène avec la mise en avant de notions telles que le patriotisme, le nationalisme, l’affirmation d’une sorte de supériorité ou celle d’une héroïsme, en se contentant de bomber le torse sur les photos et à exprimer leur haine des autres par des pourceaux masculinistes, souvent fans de cosplay - pardon, de reconstitutions toutes aussi authentiques qu’une série de Netflix -, qui n’auraient sans doute point survécu à cette même période. Et il y a la catégorie des groupes intelligents dans laquelle l’on peut mettre Mystras, projet d’Ayloss de Spectral Lore, qui a décidé de mettre à l’honneur dans ses compositions aux laissés pour compte de l’Histoire médiévale, ces paysans et anonymes qui devaient courber l’échine sous le joug de la tyrannie. Si le Grec nous avait bien surpris l’an dernier avec son premier effort, Castles Conquered and Reclaimed, il est revenu à la charge cette année avec une nouvelle livrée, le présent Empires Vanquished and Dismantled, toujours pour le compte d’ I, Voidhanger.
S’il y a bien un trait de caractère qui peut réellement définir Mystras, c’est bien l’authenticité, et même une certaine forme d’intégrité. L’authenticité c’est non seulement dans cette volonté de revenir à un black metal plus traditionnel dans ses fondements et dans sa manière de faire mais également dans cette capacité à nous faire replonger dans ces périodes médiévales. Dans les faits, l’on peut dire que rien n’a grandement changé entre cet album et son prédécesseur, Mystras est toujours cette brillante formation proposant un black metal assez cru, direct et véloce, qui n’a rien perdu de son mélodisme. C’est même en cela que se distingue Ayloss de la mêlée, et s’en sort même vainqueur si je devais filer une métaphore par rapport au Moyen-Âge. L’on retrouve donc ce bouillonnant black metal aux compositions assez immersives, la production, de meilleure qualité que sur le premier album, y aidant grandement. Chaque titre, enfin pour ceux purement black metal, regorge de riffs épiques et tellement poignants, que l’on se laisse aisément prendre au jeu, dans un tourbillon de notes et de mélodies à vous faire redresser la tête fièrement et à vous lancer dans l’assaut en direction de vos oppresseurs. Il faut dire que c’est même assez copieux dans ce domaine, l’on a souvent plusieurs pistes de guitares qui viennent se superposer, parfois jouant des mélodies ou des contrepoints venant se compléter, je pense notamment au break de The Fall of the Kingdom of Jerusalem. Mais il n’y a pas seulement sur ce genre de breaks que l’on retrouve ce genre de finesses, c’est évidemment le cas sur les passages les plus intenses. Il n’est pas rare qu’en plus des guitares électriques, l’on retrouve des accords ou des arpèges de guitares classiques, apportant, une fois de plus cette coloration médiévale à l’ensemble.
Lorque je disais qu’Ayloss a accompli un superbe travail avec une certaine authenticité, c’est qu’il s’est clairement approprié la musique médiévale, quelle qu'en soit sa provenance, pour parfaire ses compositions, à tels points que les emprunts aux musiques de cette très longue période sont fréquents ici. Surtout, et c’est ici ce qui fait toute l’originalité du projet, c’est que l’on retrouve des mélodies jouées aux guitares électriques qui font clairement penser à des ritournelles de cette époque, je pense notamment aux musiques des douzième et treizième siècle, renvoyant pas mal aux oeuvres de l’époque des Croisades. Cela est clairement la source, ou en tout cas l’influence, de pas mal de mélodies, à l’instar de celles de The Fall of the Kingdom of Jerusalem, qui est clairement un très bon exemple en la matière. Certes, cela n’a rien d’original comme façon de procéder, mais pour le coup cela est clairement un plus au niveau de l’ambiance et des sensations que l’on peut avoir lors des écoutes répétées de cet album. Qui plus est, les compositions sont loin d’être linéaires, même si la redondance des motifs sont évidemment de mise, ce qui est somme toute logique au vu des influences d’Ayloss, mais l’on a une bonne alternance entre passages aux rythmes soutenus et plein d’intensité à d’autres plus nuancés. Mais ce qu’il y a de très fort, et c’est en cela que la qualité d’écriture du Grec est assez époustouflante, c’est qu’en dépit de la durée des titres, l’on ne voit pas le temps passer. Ce d’autant qu’il y a aussi une richesse dans les arrangements, je pense notamment aux différents types de chants que l’on va rencontrer sur les titres. Il y a évidemment un chant black metal assez classique, quoique bien belliqueux dans l’esprit, qui se démarque de l’ensemble, mais il n’est pas rare de rencontrer des choeurs guerriers ou plus traditionnels sur certaines compositions. Ce qu’il y a de bien, c’est qu’il ne prennent pas les devants quand il apparaissent, étant plutôt utilisés comme une nappe mélodique supplémentaire dans leurs traitements sonores qu’autre chose.
Dans tous les cas Ayloss parvient à accomplir le tour de force, ce que l’on savait déjà pour son autre projet Spectral Lore, de nous proposer des titres assez riches en ambiances, arrangements et fourmillant de pas mal d’idées, tout en gardant quelque chose de très fluide à l’écoute, je pourrais citer tous les titres classiques de cet album, mais peut-être que To The Builders vous donnera confirmation de tout ceci, en à peine dix minutes. Car tout s’enchaine très bien sur chaque composition, et tout cela garde une grande puissance, très grande devrais-je dire. Parce qu’il ne faut pas oublier que le propos est clairement épique. Toutefois, cette fluidité et cette authenticité se retrouvent aussi sur la manière dont les titres s’enchainent alternant le plus souvent entre les compositions classiques et les interludes qui sont au nombre de quatre. Et lorsque je parlais d’authenticité plus haut, je pensais également à cette démarche d’avoir réinterprété des musiques médiévales, en s’entourant de musiciens extérieures pour cela, avec des instruments assez divers tels que violons, flûte ottomane et santûr, mais aussi différents chanteurs. Ce qu’il y a de bien également avec ces interludes c’est que l’on voyage aussi bien dans le temps que d’un point de vue géographique entre la Grèce, avec The Nightingale, composition du quatorzième siècle, l’Arabie avec Ah Ya Zein, la Perse avec Cheragheh Zolmezalem et l’Allemagne avec Wie Schändlich Es Ist, qui relate les premières invasions des Goths face à l’empire romain. Ces interludes ne sont pas uniquement des ornementations entre deux titres black metal, mais viennent bien apporter une richesse supplémentaire à cet album, complétant agréablement les compositions traditionnelles et n’étant aucunement futiles. Surtout, elles renforcent pleinement cette ambiance assez unique qui se dégage de cet Empires Vanquished and Dismantled.
Le tableau ne serait d’ailleurs pas complet si l’on ne devait pas s’intéresser aux textes écrits par Ayloss, bien plus intelligents et significatifs et dont la thématique principale est bien donnée par le titre même de l’album: si les empires peuvent être grands et puissants, ils peuvent également être vaincus et démantelés. Et je dois avouer qu’en cette période où la fange et la bêtise prennent les devants à tous crins et s’expriment sans aucune honte et sans avoir justement tiré de leçons de l’Histoire, je trouve que des paroles telles que celles extraites de In The Company of the Heretics font, quelque part, du bien: « Empires will break into nations, Nations into tribes, Tribes into Communities, We will be there ». Oui, cela fait du bien aussi de voir qu’un groupe qui se réclame de l’époque médiévale n’a pas qu’en tête de porter aux nues un passé glorieux fantasmé mais qui occulte tellement celles et ceux qui ont souffert pour la gloire d’une minorité, à l’instar de ce que l’on retrouve sur le titre To The Builders!: « Even if by gold and whig they directed their hands, They are forever owned by everyone that’s toiled and sweat ». Le message est on ne peut plus clair et sonne comme une évidence qu’il faut parfois rappeler aux uns et aux autres. Ayloss a préféré se documenter et s’imprégner des différentes sphères culturelles de cette époque que de se limiter à quelques biographies ou récits chronologiques, et affirme ici son talent et un réel travail d’artisan, au sens noble du terme, plutôt que de brandir fausse épée et corne à boire en plastique.
Ce sont bien tous ces éléments qui font de cet album une réalisation assez unique en son genre, tant tout y a été très bien pensé. Tout, ici, s’enchaîne à merveille, entre ces très beaux interludes et ces compostions vraiment puissantes et authentiquement épiques et, d’une certaine manière, vengeresses lorsque l’on s’attarde un peu plus longtemps sur les paroles. Empires Vanquished and Dismantled est bien plus qu’une confirmation du talent d’Ayloss, c’est une remarquable démonstration de la part de Mystras en terme de black metal médiéval. Voilà le type d’album à la fois bien composé, adéquatement produit, travaillé et riche qu’il est assez rare de rencontrer de nos jours. Il y a surtout une démarche à saluer de la part de son géniteur qui n’a pas du tout bâclé son oeuvre. Mais si la richesse est de mise, c’est avant toute chose au service d’une ambiance unique et il ne vous faudra pas plus de quelques secondes pour vous laisser aller et transporter dans cette oeuvre d’excellente qualité et qui n’en finira pas de vous enivrer sans vous lasser. Mystras c’est du black metal à la fois mélodique, épique, puissant et tellement pertinent tant dans son approche que dans son authenticité et cet album en est une très belle démonstration.
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