Samothrace - Reverence To Stone
Chronique
Samothrace Reverence To Stone
Samothrace est une île grecque au nord de la mer Égée, même si elle n’est pas la plus connue de la myriade des îles de cette mer, elle doit cependant sa renommée à son sanctuaire des Grands Dieux, et plus particulièrement, à cette statue de la Victoire retrouvée durant le dix neuvième siècle par un archéologue français et depuis exposée, après quelques rénovations, au musée du Louvre. Une statue, qui a été retrouvée sans tête, et qui représente une Athéna - Niké. Considérée comme un chef d’oeuvre de la sculpture grecque de la période hellénistique, on la retrouve sur cette pochette du second album de Samothrace, Reverence To Stone, dont le titre ne parait pas comme étant anodin. Le groupe nous provient des États-Unis, formé en deux mille six, il s’était fait remarquer par un premier album Life’s Trade en deux mille huit, avant de revenir en cette année deux mille douze avec ce Reverence to Stone, non sans s’être relocalisé à Seattle, après avoir quitté leur Kansas natal, ayant connu quelques changements de musiciens entre temps, même si l’on retrouve quasiment les mêmes acteurs que sur le premier album sur celui-ci, à l’exception du batteur Joe Axler. Est-ce que cela a changé la donne pour ce qui est de la musique pratiquée par Samothrace?
Je serais tenté de vous faire une belle réponse de Normand, oscillant entre le oui et le non. Samothtrace évolue dans les sphères du sludge mais avec un versant atmosphérique prononcé. J’entends par-là que si les racines southern sont proéminentes, et en cela le changement de région et de climat n’ont point eu trop d’influences sur le résultat, l’on est tout de même assez loin d’un propos qui fait juste dans le gras et le groove pour faire comme les autres parangons de cette scène, surtout en plein boom de cette scène. Évidemment, la musique du quatuor se veut lourde, et en cela le riffing des Américains n’a rien à envier par rapport à d’autres formations. Le groupe se prend ainsi un malin plaisir à étirer ses compositions durant de longues minutes, nous faisant ainsi voyager, c’est déjà là l’une des caractéristiques propres au quatuor. Car l’on n’est pas du tout dans la mise à nue de ses maux ou de ses déviances chez Samothrace, mais bien plus dans quelque chose de plus rêveur. En cela, l’on n’est pas loin des moments les plus extatiques de Thou, ceux où la musique va prendre une teinte orangée de coucher de soleil. Il est ainsi plus question de grands espaces et de forces primaires que tout autre chose, quelque chose de bien tellurique, pour ainsi dire.
Samothrance se distingue ainsi par la grande place laissée aux guitares sur cet album, le chant, dans un registre saturé inhérent au sludge, se limite à quelques apparitions éparses, tenant plus du cri primal qu’à toute autre forme vindicative. Et c’est parce que Bryan Spinks sait se taire que la musique de Samothrance prend une toute autre ampleur. Effectivement, si la base reste un riffing pesant, Bryan Spinks et Renata Castagna éblouissent surtout par la complémentarité de leurs jeux de guitares, où les mélodies prennent volontiers les devants. Et c’est vraiment cet aspect qui fait la différence chez cette formation, tant c’est très complet. Les duettistes tissent des mélodies par le biais de leads, soli et autres harmonisations qui sont tous somptueux et sont un vrai régal. Les deux se répondent ou viennent se compléter à merveille, pour notre plus grande plaisir. Ils n’éclaboussent pas ces deux titres par leur technique, encore que nous sommes loin de quelque chose de primaire ici bas, mais bien plus par leur inspiration, sans faille à vrai dire. Et l’on a surtout un juste milieu entre un côté aérien et pour ainsi dire presque planant par le biais de ces mélodies cajoleuses et ce côté totalement tellurique, qui nous rappelle l'existence de la gravité, par le biais de ces riffs plombés et des rythmes ralentis. Si l’on pourrait croire à quelque chose d’épique, eût égard au patronyme du groupe, l’on est plutôt dans quelque chose d’assez nostalgique et contemplatif, avec, de temps à autres des tournures plus homériques.
En cela, l’on pourrait dire que la formule proposée sur ce Reverence To Stone est peu ou prou la même que sur Life’s Trade, c’est en partie vrai sur les instantanés les plus plombés. Car la grande nouveauté de cet album, c’est justement un plus grand soin apporté à l’écriture des morceaux et la mise en oeuvre de moments plus dynamiques. Ainsi, le quatuor n’hésite aucunement à changer le rythme au sein de ses compositions et, surtout, d’accélérer pour y faire monter l’intensité. L’on a ainsi de très belles montées en tension sur ces deux titres, donnant ainsi bien plus de relief à ces derniers, les passages les plus véloces, comparables dans cette veine à ce que peut proposer Yob depuis son retour, mettant ainsi en exergue les moments les plus pesants de chaque titre, avec à la clef une reprise du riff principal. C’est en tout cas le gros plus qui fait la différence avec le précédent opus et qui donne tout l’intérêt de cet album. Et sans doute que le jeu du batteur Joe Axler n’y est pas étranger, ayant apporté plus de force à l'ensemble, avec une belle utilisation des toms. Son instrument est bien mis en valeur par une production à la hauteur des espérances pour ce type de musique, à la fois ample et chaude, et qui laisse de l’espace tout autant aux guitares, qu’à la basse. Et ce n’est pas rien car cette dernière se démarque souvent de l’ensemble, allant aussi de temps à autres à ses propres soli. Une chose qui ne surprendra guère lorsque l’on sait que c’est Dylan Desmond de Bell Witch qui est derrière cet instrument.
Tout à la fois pesant et enivrant, Reverence To Stone est un album qui mérite amplement le détour, Samothrace faisant bien plus que confirmer tout le potentiel dévoilé sur son premier album. Il y a quelque chose d’assez unique chez ce groupe, dans cette volonté d’allier passages lourds et aériens, puissance et mélodies, sévérité et imagination; un groupe qui sait jouer sur les contrastes en tout circonstance et qui le fait avec grande classe, ce n’est pas rien. Cet album est tout simplement un appel au voyage, aussi bien intérieur qu’extérieur, le genre de disques parfaits pour contempler des espaces infinis ou les traces laissées par le passé. Ce n’est pas le genre d’album qui va vous exploser à la figure ou jouer sur la table de celui qui sera le plus maladif qui soit, mais plutôt du genre à vous surprendre par ses mélopées contemplatives d’un autre temps et que l’on garde souvent en tête, qui prend souvent aux tripes et qui ne perd en rien de ses facultés évocatrices au fil des écoutes. Rien de tel en cette période troublée que de faire une pause et ce Reverence To Stone a aussi ce principal atout.
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