Toujours la même mélasse quand il s’agit de parler de Fange : musique en mutation constante et à la saveur aigre-douce, transmettant une humeur terne d’un quotidien fade comme une blanquette, riffs death metal en ragoût, voix raclant les fonds de cuves de la misère et des tonneaux de vin rouge ne calmant pas le battement aux tempes… Et patati et patatras, la vie qui va à vau-l’eau et les rythmiques industrielles qui avancent dans ce marasme tout de guingois.
Toujours. Et une nouvelle fois sur
Perdition. Pourtant, voilà sans doute ce que les Français ont sorti de plus définitif, accompli et époustouflant. On la sent bien, la difficulté à parler de nouvelle transformation avec les mots habituels, de sludge transformé en death metal qui serait en fait de l’industriel ? De romantisme abscons, touchant les atmosphères des frères de Hangman’s Chair ? On sent surtout que Fange a fini de tourner autour du pot, élevant d’un bon cran d’arrêt sa musique. Prenant pour base l’affirmation
Privation – bouillon servant de brouillon à ces nouvelles compositions (dont une reprise de Bernard Lavilliers avec « La Haine », chez elle au milieu des autres titres) –, ces nouvelles trente minutes appuient plus fort, maîtrisent davantage, points finaux qui oscillent entre exclamations (la force des riffs de « Césarienne Au Noir » ; l’impact du refrain de « Toute Honte Bue » avec la participation d’Olivier Guinot de Lodges au chant) et suspensions.
C’est bien ces derniers, en lévitation, qui épatent sur
Perdition, malgré l’attention de Fange de faire voir sur les planches toute l’assurance nouvelle qu’il a trouvée récemment par des prestations impitoyables (magnifique concert à la maison des chœurs de Montpellier, tenant la dragée haute à Ulcerate suivant juste après). On assume de se perdre, faisant de chaque trouvaille en chemin un trésor. Le format resserré permet d’enchaîner les grands moments, aucun gras inutile étant présent ici. Entre accumulations dont on ne finit pas de peler les oignons (l’équarrissage « Mauvais Vivant ») et instants de larmes une fois le tout découpé (ces guitares à la The Cure flirtant avec le trottoir comme avec une belle de nuit, cf. la copulation de « Lèche-Béton »), la bande tient enfin d’une main ferme ce qu’elle paraissait tâtonner depuis
Pantocrator : un syncrétisme qui doit autant à Morbid Angel qu’à Proton Burst, la France de Patrick Dewaere comme territoire brumeux où les lier.
Du coup, on n’a également pas envie de lambiner, quitte à frustrer de ne pas aller nous aussi plus loin.
Perdition est l’album qui fait passer Fange au grade supérieur des grands groupes français de nos musiques, d’OVNI à nom à mettre au-dessus des autres. Sûr qu’on avait déjà cela en tête les concernant, notamment au regard d’une discographie où à chaque fois le nouveau balaie l’ancien sans lui enlever ce qui faisait sa qualité à sa sortie (j’aurai toujours un plaisir fort à réécouter
Pudeur,
Poigne ou
Pourrissoir par exemple). Mais
Perdition est bien l’œuvre à mettre en exemple, celle où Fange se dépasse et devient paradoxalement pleinement lui-même. Je baisse mon chapeau, messieurs.
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