Ne jamais dire... J'en avais, des certitudes sur comment j'aimais mon sludge, ce qu'il devait être ou non, les questions de pureté, authenticité, A.O.C. et compagnie et à quel point Thou, avec son mélange fait de sludge, post-rock, post-hardcore et black metal bon teint n'était qu'un argument servant à (me) prouver l'absurdité qu'il y a aujourd'hui dans l’extrémisme forcené à prétendre au sale pour donner au final l'impression plate et pseudo-poétique type « grâce rime avec crasse ». Une formule dont le fameux « sludge atmosphérique » s'est notamment fait la personnification musicale. Inutile de rappeler ce que ce libellé possédait de contradictoire pour moi
il y a encore peu de temps !
Pourtant, comme pour toutes les certitudes, il a suffi d'un contre-exemple pour que ces idées vacillent. Et celui-ci n'est pas n'importe lequel : Thou qui sort son disque qui « fonctionne » (n'ayant pas encore (ré)écouté la masse de splits, albums, Eps et compilations portant son nom, on se contentera de cette affirmation pour le moment) revient à se confronter à une harmonie des contraires, où la splendeur ne fait pas que côtoyer l'ordure mais s'y mêle avec tant de naturel que l'exercice laisse hébété, forcément muet. Le groupe de Bâton-Rouge paraît avoir atteint ici ce que ses écarts visaient jusque-là : rendre le sludge « beau » sans déranger la nocivité qui le définit.
Ce qui revient à faire un voyage des plus étranges, à dos d'oiseau parcourant les paysages écrasés de Louisiane.
Heathen donne constamment l'impression de surplomber les mangroves, circulant au milieu des étoiles. Aucun doute sur la toxicité de la chose devant la prestation vocale de Bryan Funck, pile-poil entre le cri congestionné hérité du black metal et l'obsession naissant de l'addiction du sludge. C'est cependant dans une nuit fraîche, merveilleuse, que sont prises ses éructations de déjà-mort, dans le cristallin d'arpèges enveloppants et désespérés où se contemple une nature sauvage et pourrissante, dont les couleurs ternies par la lueur de la lune semblent à deux doigts de s'éteindre à jamais.
Sans avoir fait une étude approfondie des textes présents dans le livret de ce quatrième album (une fois n'est pas coutume, leur lecture est ici conseillée),
Heathen fait imaginer une terre condamnée dont se révèle une dernière fois la beauté, sa mort prochaine se cachant dans sa paix de surface. Un sentiment doux-amer que Thou transmet par des guitares surfant sur le sol, toujours au bord de l'envolée, ainsi qu'un batteur donnant une signification commune aux mots « aérien » et « fatigué ». Impossible de ne pas féliciter une nouvelle fois Bryan Funck, sa voix parvenant, derrière son apparente agressivité, à insuffler une dose supplémentaire d'onirisme à l'ensemble. Il suffit d'écouter le morceau « Immorality Dictates » où intervient le chant maternelle et éplorée d'Emily McWilliams pour voir ce que le bonhomme, sous ses airs de bourrin formé à l'école Fistula, est capable de transporter d'épique et magique dans sa coulée de bave, sans dépareiller avec la majesté de sa conjointe dix minutes durant.
Un morceau imposant, qui révèle à la fois toute la finesse de
Heathen et ce qu'il a de maladroit. Les dix compositions (dont quelques interludes, parfaitement placées) le constituant s'écoulent avec une fluidité que le côté âpre de la production ne laisse pas deviner mais le tout se termine en une queue de poisson qui, sans frustrer, laisse à croire qu'un dernier titre aurait dû succéder à « Ode To Physical Pain ». Difficile pourtant d'imaginer fin plus punitive que celle-ci, rappelant que ces minutes dépassant l'heure, bien que remplies de moments magnifiques, restent avant toutes choses une sanction. Du sludge, mais vécu dans l'atmosphère, ainsi qu'une belle oraison à cette Louisiane mutilée à maintes reprises et dont le sol semblable à une dentelle au milieu des eaux menace de disparaître à long terme.
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