Cave In - Heavy Pendulum
Chronique
Cave In Heavy Pendulum
Après le décès tragique de Caleb Scofield en mars 2018 et un Final Transmission en forme de dernier hommage, on pouvait légitimement se demander si le groupe de Boston serait en mesure de se remettre de cette disparition douloureuse et soudaine. Une question qui ne sera cependant pas longtemps restée en suspens puisque Stephen Brodsky, Adam McGrath et John-Robert Conners auront rapidement été rejoints par leur pote Nate Newton (Jesuit, Converge, Doomriders, Old Man Gloom...). Les choses auraient pu néanmoins se compliquer avec cette pandémie mondiale qui nous a tous bien enquiquiné pendant des mois mais les membres de Cave In ont su mettre à profit ces longues journées de confinement pour écrire et composer l’essentiel des quatorze titres qui constituent aujourd’hui ce nouvel album particulièrement généreux.
Intitulé Heavy Pendulum en référence au temps qui passe et à l’absence totale d’emprise que nous pouvons avoir sur celui-ci, ce septième album des Américains est illustré par l’artiste anglais Richey Beckett (Mastodon, Hexvessel, Killswitch Engage, The Swords, Victims...) qui signe à cette occasion une oeuvre particulièrement réussie à l’atmosphère pour le moins cataclysmique. Une fin du monde haute en couleurs qui forcément fait quelque peu écho à ces dernières années mouvementées. Dans ce chaos où les astres s’entrechoquent dans de somptueux panaches de vapeur et de fumée, certaines choses demeurent néanmoins immuables. On retrouve ainsi derrière les potards l’indéboulonnable Kurt Ballou (guitariste de Converge) dont on saluera ici la qualité du travail avec cette production moderne mais au caractère bien trempé : guitares chaudes et abrasives, basse vibrante bien décidée à s’affirmer et à prendre la place qui lui est due, batterie équilibrée et relativement naturelle (le son de la caisse claire me chagrine un petit peu par moment), voix impeccables avec chacune leur particularité. Bref, on est plutôt pas mal.
En dépit de ces atouts évidents, Heavy Pendulum risque malgré tout de faire grincer quelques dents avec ses soixante-dix minutes au compteur. En effet, ce genre d’album particulièrement généreux demande à avoir tout de même un petit peu de temps devant soit pour être apprécié comme il se doit, c’est à dire dans son intégralité, sans raccourci ni aucune liberté prises vis à vis d'un tracklisting pensé dans les moindres détails. Un engagement devenu désormais compliqué à une époque où l’on zappe bien volontiers au moindre petit obstacle rencontré (baisse d’intensité, passages jugés moins convaincants, durée quelque peu excessive...). Pour autant, ce serait mentir de vous dire que l’immersion dans ce nouvel album n’est pas chose aisée. Déjà parce qu’Heavy Pendulum est un album varié qui, sans nécessairement faire le pont entre toutes les périodes qu’à connu Cave In depuis ses débuts en 1995, offre cependant à l’auditeur différentes sonorités allant dans les grandes lignes du Post-Hardcore au Stoner Rock en passant par un peu de Space Rock et même une pointe de Grunge. Ensuite parce qu’il n’y a tout simplement rien à jeter sur ces quatorze titres et qu’indépendamment du rythme imposé et des genres abordés par les Américains tout au long de ces soixante-dix minutes, on ne s’ennuie absolument jamais.
Face à la durée de cet album et bien conscient qu’il lui était impératif de marquer le coup d’entrée de jeu, le groupe de Boston va nous offrir trois premiers titres particulièrement corsés, notamment "New Reality" et "Blood Spiller" qui serviront d’ailleurs de singles en amont de la sortie de Heavy Pendulum. Avec son riff franc et direct et cette batterie volontaire et particulièrement entrainante, le premier n’a aucun mal à convaincre et à s’imposer comme l’un des moments forts de l’album. Le second, plus chaloupé, séduira à n’en point douter l’amateur d’Alice In Chains par ces vocalises un brin nasillardes qui effectivement ne sont pas sans évoquer celles du regretté Layne Staley ainsi que par ce riffing lourd que n’aurait probablement pas renié Jerry Cantrell. "Floating Skulls" s’inscrit quant à lui dans un registre plus proche du Cave In des dernières années avec cette approche davantage orientée Post-Hardcore. Un titre dynamique porté par un riffing à l’avenant ainsi que par le chant mélodique aux intonations Pop évidentes d’un Stephen Brodsky en très grande forme. Bien entendu, ces trois compositions ne font pas exception et ce septième album est plutôt bien fourni en la matière avec par la suite des titres tels que "Careless Offering", "Amaranthine" et "Searchers Of Hell" qui à leur manière permettent également de hausser le ton. On constatera cependant lors de ces quelques titres une propension plus élevée à la digression comme par exemple cette longue séquence instrumentale entamée à 2:08 sur "Careless Offering" ou encore ces transitions là encore instrumentales entamées à 1:46 sur "Amaranthine" et à 1:52 sur "Searchers Of Hell".
À ces titres dynamiques viennent s’opposer d’autres morceaux plus en retenue. Ainsi, outre "Pendulambient" et "Days Of Nothing" qui servent d’interludes sympathiques mais pas non plus inoubliables, on retiendra surtout "Heavy Pendulum", "Blinded By A Blaze", "Nightmare Eyes", "Waiting For Love", "Reckoning" et "Wavering Angel" qui là encore dans des registres relativement différents présentent un tout autre visage de Cave In. Le morceau-titre est une franche réussite avec son riffing particulièrement addictif, sa lourdeur sous-jacente et ses lignes de chant particulièrement entêtantes. Même constat avec les excellents "Blinded By A Blaze" et "Nightmare Eyes" qui s’étirent tous les deux sur plus de sept minutes et lors desquels le groupe prend le temps de poser ses riffs et de développer des ambiances lancinantes empreintes d’un certain défaitisme. Avec "Waiting For Love", Cave In embrasse pleinement ses influences Stoner Rock avec ce fuzz bien chaud et rugueux, ces riffs pesants, ce solo lumineux et ces lignes de chant désinvoltes. "Reckoning" voit quant à lui Stephen Brodsky laisser sa place à Adam McGrath sur ce titre mené pour l’essentiel par une guitare acoustique à laquelle viennent tout de même s’ajouter quelques riffs saturés en arrière-plan ainsi que quelques percussions. Enfin, l’album se clôture sur un "Wavering Angel" de plus de douze minutes. Un titre tout en relief et en progression avec un premier tiers particulièrement intimiste (guitare acoustique, chant tout en retenu et synthétiseur discret) un second tiers plus explosif avec des guitares saturées et à l’attaque et une batterie plus appuyée et enfin une dernière partie beaucoup plus aérienne avec ces solos mélodiques et cette longue séquence instrumentale qui petit à petit va laisser place au silence après plus de soixante-dix minutes à l’image de cette illustration, c’est à dire haute en couleurs.
Certes, Heavy Pendulum est effectivement un peu long mais la bonne nouvelle c’est que dans les faits, on ne s’en rend même pas compte. On aurait peut-être pu l’amputer de ces deux interludes qui n’apportent pas grand chose mais réduire la voilure de trois ou quatre minutes seulement n’aurait finalement rien changé au "problème". Ce que l’on retiendra surtout à l’issu de ces soixante-dix minutes c’est que la perte de Caleb Scofield semble avoir insufflé une énergie toute particulière aux membres restants de Cave In qui accouchent ici d’un album parfaitement maitrisé, sans accro ni temps mort ni même une seule faute de goût. Heavy Pendulum est un album particulièrement soigné et abouti qui traduit, malgré certaines difficultés rencontrées dans le process, cette envie de briller et d’exceller dans un registre qu’il survolait déjà très largement. Bref, c’est long mais qu’est-ce que c’est bon.
| AxGxB 25 Octobre 2022 - 1160 lectures |
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