Après cette série de chroniques marquées du sceau de "2023", permettez-moi de m’octroyer un petit écart afin de me pencher à nouveau sur le cas de Cave In, groupe américain qui aux côtés de formations telles que Botch, Converge, The Dillinger Escape Plan ou encore Coalesce va dès la seconde moitié des années 90 contribuer de manière particulièrement significative (même si rien de tout cela n’aurait été possible sans l’aide providentielle d’Internet et de labels comme Hydra Head Records, Equal Vision Records, Revelation Records et Edison Recordings) au renouveau d’une scène Hardcore alors en pleine ébullition (bien que les prémices de ce que l’on va très vite nommer le "Hardcore Chaotique" soient plutôt à chercher du côté de Rorschach, Born Against, Deadguy, Dazzling Killmen, Bloodlet, Kiss It Goodbye ou bien encore Starkweather...). Aussi, après vous avoir parlé en long, en large et en travers de
Beyond Hypothermia, très chouette compilation parue quelques mois auparavant, il est enfin temps pour moi d’aborder dans ces pages le véritable premier album des Américains, celui qui aura permis de placer le nom de Cave In au cœur de toutes les discussions...
Bien que 1998 soit considérée un petit peu partout comme l’année de sortie de ce premier album intitulé
Until Your Heart Stops (la faute à 100 exemplaires cassettes éditées à l’occasion de la participation de Cave In au Krazy Fest de 1998 et à un test press vinyle limité à seulement 6 exemplaires paru à la même époque), sa parution officielle ne se fera pourtant que l’année suivante (le 20 mai 1999 pour être exact) sur le label Hydra Head Records (structure fondée en 1993 par Aaron Turner d’Isis, Old Man Gloom, SUMAC...). Enregistré par Kurt Ballou (Converge, Eulcid, Kid Kilowatt, The Huguenots...) au God City Recording Studio et illustré par Jacob Bannon (Converge),
Until Your Heart Stops marque en quelque sorte un nouveau départ pour la formation avec un line-up quelque peu chamboulé suite au départ de Dave Scrod (chant) remplacé à quinze jours de l’enregistrement par le guitariste Stephen Brodsky et à l’arrivée d’un nouveau bassiste en la personne du regretté Caleb Scofield (futur Old Man Gloom et Zozobra). Un effectif voué à s’entendre comme cul et chemise puisque celui-ci restera en effet inchangé pendant près de vingt jusqu’à ce terrible jour de mars 2018... Un effectif également soucieux de faire jouer les copains puisque l'album est également marqué par les participations vocales et/ou instrumentales de Jacob Bannon, Kurt Ballou, Jay Randalls (Agoraphobic Nosebleed), Travis Shettel (Piebald) et Matt Lacasse (Bury Your Dead, The Year Of Our Lord)
Acheté à sa sortie chez Overcome Records, je me souviens encore de l’enthousiasme débordant des deux tôliers (David Mancilla et Loic Lepillet) face à ce qui s’est rapidement imposé comme un véritable "game changer" pour à peu près toute la scène Hardcore. Un constat sans appel rendu encore plus dingue par le fait que derrière
Until Your Heart Stops se cachaient à l’époque des gamins de tout juste vingt piges qui, il faut bien se rendre à l’évidence, avaient déjà tout compris tout en profitant de l’occasion pour mettre à l’amende toute la scène européenne. En effet, entre la qualité indiscutable de ces compositions (de leur écriture à la fois complexe, originale et ultra-efficace à leur exécution sans faille), cette excellente production qui encore aujourd’hui n’a pas pris une ride (même si l’album a été récemment remasterisé dans le cadre de ces rééditions proposées par Relapse Records afin de célébrer comme il se doit ses vingt-cinq années d’existence) et cette restitution habile d’influences plus ou moins variées (du Metal au Hardcore en passant par l’Indie Rock et même la musique Electronique), difficile d’imaginer qu’un tel album ne soit finalement pas le fruit de musiciens et de collaborateurs plus âgés et expérimentés.
Dans la continuité de ce Hardcore métallique qu’il peaufine depuis 1995, les dix titres d’
Until Your Heart Stops attestent des progrès réalisés par le groupe en l’espace de seulement quelques mois. S’il n’y avait pourtant pas grand chose à reprocher aux morceaux figurant sur
Beyond Hypothermia, on sentait tout de même les Américains encore un petit peu dispersés. Sur ce premier album les choses sont effectivement nettement plus centrées sans pour autant complètement mettre de côté ces sonorités et autres influences plus mélodiques que l’on pouvait trouver à l’époque des premiers enregistrements de la formation et qui referont d’ailleurs largement surface dès la sortie la même année de
Creative Eclipses, court EP sur lequel je reviendrai probablement dans les mois à venir.
Ainsi, outre cette production incroyable qui, comme je le disais plus haut, s’avère encore aujourd’hui particulièrement pertinente par sa puissance, sa précision et sa clarté, on reste vingt-cinq ans plus tard (allez bientôt vingt-six) toujours autant bluffé par la virulence du propos, par la force et l’intensité qui se dégagent de ces compositions, par leur complexité et en même temps par leur grande fluidité ainsi que par leur personnalité évidente même si celles-ci s’inscrivent pourtant dans une relecture d’influences plus ou moins évidentes allant de Converge à Metallica en passant par Slayer, Failure et même Alice In Chains... Le travail sur les riffs s’avère ainsi particulièrement remarquable entre agressions métalliques aux accointances Thrash particulièrement prononcées et tricotages Post-Hardcore / Noise de haute volée. De "Moral Eclipse" qui ouvre l’album de manière extrêmement virile à "Terminal Deity" et son caractère un poil plus chaotique en passant par "Juggernaut", "The End Of Our Rope Is A Noose" et "Halo Of Flies" aux aspirations aériennes évidentes sans oublier "Until Your Heart Stops", "Ebola" ou "Controlled Mayhem Then Erupts" à l’agressivité retrouvée, l’adulte que je suis conserve exactement le même enthousiasme et le même émerveillement que j’avais à dix-neuf ans face à ces compositions intenses, intelligentes, variées et surtout absolument redoutables. Seule véritable différence entre hier et aujourd’hui, mon seuil de tolérance à l’égard de ces "Segue" et autres digressions électroniques (certaines que l’on doit à Stephen Brodsky ("Segue 1", "Segue 2" et "Segue 3") et d’autres à Jay Randall (les sept dernières minutes de "Controlled Mayhem Then Erupts")) que je tolérais difficilement à l’époque (je crois me souvenir que j’avais même fait en sorte qu’elles ne figurent pas sur la cassette que je m’étais faite à l’époque pour mon Walkman) et qui dorénavant passent comme une lettre à la Poste (d’ailleurs on ne peut même pas dire que celles-ci plombent la dynamique de l’album). Saluons également le rôle de Caleb Scofield qui bien que débarqué au sein de la formation quelques mois auparavant n’a pas traîné pour trouver sa place et réussir à s’imposer. Entre ces lignes de basse vibrantes dont on peut se régaler tout au long de ces cinquante-quatre minutes et ces éruptions vocales dont il se fera par la suite une spécialité, le jeune homme n’a en effet aucun mal à briller. Dans le même ordre d’idée, chapeau bas à Stephen Brodsky pour sa montée en gamme lui qui n’a pas flanché au moment de passer derrière le micro. Le désormais « leader » de Cave In livre ici une prestation impeccable à travers des lignes de chant âpres et écorchées qui bien évidemment vont participer à leur manière au sentiment d’agressivité et de violence qui anime
Until Your Heart Stops mais également des séquences plus mélodiques et aériennes par le biais d’une voix claire encore timide mais déjà bien solide ne demandant effectivement qu’à s’affirmer (une chose qui là encore va se faire dès la sortie de
Creative Eclipses).
Sorti à la même époque que des albums comme
When Forever Comes Crashing,
Calculating Infinity,
American Nervoso,
We Are The Romans,
Functioning On Impatience et
0:12 Revolution In Just Listening,
Until Your Heart Stops aurait pu avoir beaucoup de mal à trouver sa place parmi ce qui est aujourd’hui encore considéré comme des maitre-étalons en matière de Hardcore dit chaotique. Porté par Hydra Head Records dont la réputation déjà bien installée allait de fait continuer à croître de manière exponentielle, Cave In n’a cependant eu aucun mal à s’imposer parmi les meilleurs représentants du genre. Il faut dire que l’on a rarement fait premier album aussi maitrisé que celui-ci et cela même si la formation a effectivement eu le temps de parfaire sa formule durant quelques années. Bref,
Until Your Heart Stops reste vingt-cinq ans après sa sortie cet album en tout point parfait qui aura donc largement contribué au développement de ces sonorités alambiquées et torturées au sein de la scène Hardcore. Un disque absolument incontournable ayant à l’instar de quelques autres réussi à marquer de son empreinte la petite histoire du Hardcore. Un disque
P.S. : Je profite de cette chronique pour vous conseiller de visionner les vidéos diffusées l’année dernière par Relapse Records et Cave In dans le cadre une fois de plus de la réédition de
Until Your Heart Stops. Trois vidéos qui vous permettront d’en apprendre davantage sur les fondements de cet album que ce soit par exemple le rôle de Dave Scrod au sein de Cave In, celui de Jacob Bannon dans la réalisation de cet artwork emblématique, l’enregistrement de l’album au God City Recording Studio en compagnie de Kurt Ballou ainsi que tous les lieux emblématiques qui auront marqué les premiers pas d’un groupe incroyable capable de se réinventer au fil des années et des difficultés rencontrées. Bon visionnage et surtout bonne écoute !
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