Morrigan - Anwynn
Chronique
Morrigan Anwynn
Morrigan, voilà bien un groupe qui risque de ne pas évoquer grand-chose à l’amateur de black metal actuel. Et pourtant, il existe sous cette appellation depuis l’année deux mille, le duo constitué par Balor et Beliar officiant auparavant dans Mayhemic Truth, depuis mille neuf cent quatre vingt douze, avant ce changement de patronyme, - sans doute plus en accord avec les thématiques abordées, depuis lors, par le duo. Si le groupe fut assez actif pendant sa première décennie d’existence, avec six albums au compteur, dont les fabuleux Celts et Headcult, il se sépara une première fois en deux mille dix. Il revint à la vie en deux mille douze avant de se séparer de nouveau en deux mille treize, non sans avoir proposé son septième album Diananns Whisper, pas des plus mémorable, et un split avec Blizzard. Mais cette séparation sonna la fin de cette relation musicale entre Balor et Beliar, le premier s’occupant de ses autres projets, Doomentor et Blizzard. De son côté, Beliar a quitté son Allemagne natale pour s’installer en Finlande et a surtout recruté le batteur Impudicus – Totalselfhatred, ex Slugathor -, pour redonner naissance à Morrigan une année après le second split. Cela étant dit, l’on ne peut guère dire que le duo a été très actif depuis lors, tombant dans une sorte d’état léthargique et sortant même de mes radars. Autant dire que je ne m’attendais aucunement à la sortie d’un nouvel album en cette année deux mille vingt-deux.
Dans ce genre de contexte, l’on est souvent confronté à deux options : ou bien le groupe a bien fait de prendre son temps pour soigner ses compositions, ou bien il tombe dans l’exercice forcé et ne peut que décevoir. Ce d’autant que les dernières réalisations du groupe étaient plutôt correctes dans l’ensemble, avec un resserrement vers quelque chose de plus incisif. Mais mes craintes se sont rapidement estompées à l’écoute de l’introduction Anwynn qui pose rapidement l’ambiance avec ce côté nostalgique par les mélodies de claviers et ces quelques bruits de nature au loin. Pas besoin de plus d’artifices pour entrer pleinement dans le monde particulier et enchanteur de la formation. Et l’enchaînement avec le titre Herald of the Sleep confirmera tout ceci : le Morrigan tant aimé est bien de retour. C’est même très plaisant de voir le groupe renouer avec ce qu’il fit sur ses albums épiques que sont Celts et Headcult. Et malgré les décennies, le style n’a quasiment pas changé, à quelques détails près. Qu’en est-il du style pratiqué ? L’on ne va pas se mentir, Beliar a conservé la seule et unique influence du groupe : Bathory, et plus particulièrement celui couvrant la période allant de Blood Fire Death à Twilight of the Gods. C’est une constante pour ainsi dire éternelle chez Morrigan, au point que beaucoup y voient un mauvais clone du projet de Quorthon, alors que nous en sommes très loin, et qu’il faut plutôt y voir un hommage permanent au défunt Suédois.
Au menu donc de ces neuf titres, un black metal épique qui privilégie les mid tempi et les tempi lents, en s’accordant toutefois des petites accélérations bien senties, notamment sur Blind Witch. Cela peut parfois faire penser au Graveland actuel, ou bien à Ereb Altor, et l’on pourrait parler de black viking metal, même si les thématiques n’ont rien à voir avec cette période historique, et encore moins avec ce qu’a pu devenir le style. Dans tous les cas, il faut s’attendre à des compositions qui, si elles n’éclatent pas aux premières écoutes, et si elles ne sont en rien des plus démonstratives, prennent leur temps pour déployer une ambiance tantôt épique, tantôt nostalgique. En cela les ingrédients sont simples : des riffs assez simples mais ô combien mélodiques qui tiennent la dragée haute à beaucoup de formations, quelques nappes de claviers pour renforcer cette emphase, des acoustiques de temps à autres, et des chœurs omniprésents. Oui, c’est tout simple et pourtant Morrigan fait encore des merveilles ici, même s’il nous ressert encore et toujours la même formule. L’on appréciera toujours ce poignet folk dans cette manière de jouer de la guitare chez Beliar, je pense notamment à ce qu’il fait sur les très beaux Herald of the Sleep, White as Snow et Ivy, même s’il est tout autant capable de sortir des riffs plus incisifs. Cela est toujours fait avec goût et soin. Des qualificatifs que l’on peut aussi appliquer pour l’utilisation des claviers sur l’entièreté de l’album, aussi bien sur les titres instrumentaux, que lors des introductions des titres, comme c’est le cas sur White as Snow et sur Feoladaire.
Tout ceci est bien beau et dégage clairement une grande solennité et la magie opère assez facilement. Si le style n’a quasiment pas changé d’un iota, l’on doit avouer que Morrigan apparaît ici des plus inspirés, et il a bien fait de prendre son temps avant de nous proposer cet album. C’est assez simple, il n’y a aucun titre plus faible que les autres ici, et l’on n’a pas non plus cette impression de remplissage comme c’eut été le cas sur les précédentes réalisations. C’est rebattu mais c’est tellement bien fait. L’on saluera cette très belle qualité aussi bien pour l’écriture des titres et que pour leurs arrangements, avec des détails qui pourraient sembler n’être rien mais qui font clairement plaisir. Je pense en particulier à cette montée en puissance sur le final de Herald of the Sleep. Et si le premier quart d’heure de musique est sous le signe de l’émerveillement, l’on constate que le duo est encore capable de nous caler des titres plus furieux dont ce Blind Witch où Impudicus s’en donne à cœur joie au niveau des blasts. Mais même sur un titre de cet acabit, le binôme est capable de temporiser et d’éviter d’être redondant, avec ce passage au chant clair en son sein, avant de repartir de plus belle, avec un solo bien furibard exécuté par l’invité Blackvenom du groupe Flame. En parlant d’Impudicus, il n’a aucunement à rougir de son prédécesseur, apportant même bien plus de puissance à l’ensemble, car la batterie a son importance chez cette formation, et un titre comme Feoladaire, avec cette montée aux toms, suffira à vous convaincre des qualités de cette bonne recrue.
Et pourtant, il y a bien une petite nouveauté sur cet album, et elle m’a un peu rebuté au début: l’apparition de growls, sans doute de la part d’Impudicus. Et je dois avouer que j’ai eu un petit temps d’adaptation à ce type de chant chez Morrigan. Encore, que c’est bienvenu qu’il est plutôt dans un registre caverneux, avec pas mal de réverbération dessus, histoire de mieux se marier à l’ensemble. Néanmoins, ces growls ne sont pas très présents et ils viennent même parfois compléter le chant de son acolyte, donnant ce côté un peu plus barbare sur ces passages. Toutefois, Beliar reste le maître du jeu, alternant entre chant clair, le plus majoritaire, et un chant black metal, qui est assez classique dans l’ensemble. Pour ce qui est du chant clair, l’on retrouve ce timbre assez particulier du leader, un petit peu nasillard, avec ce côté très poignant et gorgé d’émotion. Et je dois avouer qu’il n’a jamais aussi bien chanté, j’ai l’impression qu’il a encore pris de l’assurance, ce d’autant que la production, très bonne de surcroît, le met bien en valeur. Dans tous les cas c’est aussi un grand sentiment de satisfaction, couplé à cela à des compositions vraiment excellentes. Si le trinôme d’ouverture est majestueux, le titre Feodalaire est à couper le souffle dans sa construction. Mais cela ne veut pas dire qu’il éclipse les titres suivants, loin de là. Ce, d’autant plus, que l’on a une sorte de crescendo au niveau de l’émotion au fil des titres, et l’on est presque déçu de voir cet album se terminer sur les dernières notes de claviers d’Arawn, avec cette impression de devoir quitter cet autre monde.
Il est évident que Morrigan a accompli ici une très belle réalisation avec Anwynn. L’on retrouve ici le Morrigan épique et majestueux que l’on a tant aimé. Même si, dans les grandes lignes, les choses n’ont point changé avec les années, il n’en demeure pas moins que nous avons ici un excellent album avec des compositions bien ficelées et surtout avec un duo particulièrement inspiré. Effectivement, l’on reste toujours dans un registre musical très restreint et l’influence majeure du groupe reste évidente. Et pourtant, la magie opère avec toujours autant de succès, avec ce style reconnaissable d’entre tous et sans temps mort à déplorer sur cet album. Il est évident que le style de Morrigan n’est pas des plus tapageurs, ni des plus clinquants de primes abords, mais il conserve une aura toujours aussi héroïque et passéiste, et il sait dévoiler ses charmes au fil des écoutes. C’est même assez plaisant de voir le duo revenir à un niveau d’inspiration digne de ses plus grands faits d’armes. Est-il besoin de préciser que c’est tout autant une très belle surprise qu’une réussite, et qu’il serait bon de se pencher sur cette formation, dont ce huitième album sera sans nul doute une très belle porte d’entrée.
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