Préposé à la chronique des EPs de Fluisteraars dans la mesure où mon collègue Sakrifiss n’a jamais été particulièrement porté sur l’exercice, c’est donc moi qui ait la charge de vous présenter aujourd’hui la dernière sortie en date du duo néerlandais.
Intitulé
De Kronieken Van Het Verdwenen Kasteel - I - Harslo, ce modeste deux titres paru en mars dernier sur le label allemand Eisenwald s’inscrit dans le cadre d’une trilogie dont les deux prochains volets devraient suivre cette année. Proposé sous la forme d’un vinyle 10" pressé à 1000 exemplaires numérotés à la main, celui-ci est doté d’un packaging sobre mais toujours aussi soigné avec notamment une véritable photo en guise d’illustration ainsi qu’un épais carton dont les volets intérieurs sont agrémentés par de chouettes illustrations. Pour l’occasion, Bob Mollema (chant) en a également profité pour s’acquitter d’un nouveau logo en accord avec la thématique médiévale abordée ici par Fluisteraars.
En effet, comme à son habitude, le duo néerlandais puise toute son inspiration dans l’histoire, le folklore et l’atmosphère de la Gueldre, cette province verdoyante dont il est originaire. Mais si
Gelderland,
Bloem et
Gegrepen Door De Geest Der Zielsontluiking évoquaient des paysages bucoliques et ruraux,
De Kronieken Van Het Verdwenen Kasteel - I - Harslo et les deux EPs qui suivront s’attachent comme le suggère ce titre à mettre en lumière d’anciens châteaux néerlandais aujourd’hui disparus ou bien en ruines. Alors c’est vrai, rien de bien nouveau pour un groupe de Black Metal sauf qu’ici on touche au tangible et à l’existant et non à l’imaginaire comme c’est habituellement le cas. Ce pied fermement ancré dans une réalité plus froide et matérielle semble être l’opportunité pour le duo de sortir un petit peu de sa zone de "confort" en optant effectivement pour une approche sensiblement différente, au moins en matière d’atmosphères.
Aussi, malgré une différence de durée particulièrement significative entre "Dromen Van De Zon" (quatre minutes trente) et "De Koning Die Werd Ontdekt Tijdens De Blootlegging Van De Nieuwe Dimensie" (presque huit minutes), on va vite se rendre compte que les deux compositions présentes sur ce EP s’avèrent finalement assez proches en terme de construction. Menée toutes les deux pied au plancher, ces dernières se caractérisent en effet par une dynamique haletante se traduisant par des riffs qui fusent et une batterie qui bien souvent n’a de cesse de cavaler. Un rythme soutenu nuancé cependant par quelques transitions et autres séquences plus ou moins longues permettant d’apporter un soupçon de relief naturellement bienvenu (les cinquante secondes étranges servant d’introduction à "Dromen Van De Zon" suivi de ce break entêtant entamé à partir de 2:38 ou bien encore la deuxième partie quasi-instrumentale et beaucoup plus lancinante de "De Koning Die Werd Ontdekt Tijdens De Blootlegging Van De Nieuwe Dimensie") ainsi que par quelques touches mélodiques bien senties et finalement typiques du Black Metal de Fluisteraars (ce riffing entendu à partir de 1:03 sur "Dromen Van De Zon" que le groupe ne va pas manquer de répéter à plusieurs reprises, la deuxième partie de "De Koning Die Werd Ontdekt Tijdens De Blootlegging Van De Nieuwe Dimensie" dont émane une évidente mélancolie ainsi qu’un certain romantisme).
Malgré cette variété dynamique, ces mélodies signées du sceau des Néerlandais et ces atmosphères d’un autre temps, ces deux excellents morceaux pourraient pourtant ne pas trouver grâce aux yeux de tous les amateurs de Fluisteraars. Pourquoi ? Probablement parce que "Dromen Van De Zon" et "De Koning Die Werd Ontdekt Tijdens De Blootlegging Van De Nieuwe Dimensie" se font tous les deux plus froids (ce rapport à la pierre plutôt qu’à la terre et à la campagne verdoyante de la Gueldre) et qu’ils sont, il faut bien l’avouer, un petit peu moins chargés émotionnellement parlant là où ses récents prédécesseurs plus lumineux et plus éloquents (en fait depuis l’excellent
Gelderland) nous attrapaient plus facilement par les tripes.
Si
De Kronieken Van Het Verdwenen Kasteel - I - Harslo ne devrait donc pas faire l’unanimité parmi tous ceux qui se sont jusque-là régalés des précédents enregistrements de la formation, il n’en reste pas moins un excellent EP composé de deux titres partageants autant de similitudes que de différences. Surtout, cette sortie est pour Fluisteraars le moyen d’aborder les choses de manière un petit peu différente puisque sans délaisser un instant ce qui participe à son identité, le duo apporte ici quelques variations dans quelques uns de ses dosages (moins de lumière, moins de chaleur, moins d’évocations fleuris et rurales) pour proposer un Black Metal plus froid évoquant ces pierres délaissées et pourtant chargées d’histoire, ces donjons oubliés et toutes ces vies passées. Un romantisme plus dur et tangible qui, moins éloquent, ne manque pourtant pas de séduire. Bref, voilà un premier volet particulièrement convaincant, en tout cas en ce qui me concerne.
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