J'ai ma première déception de l'année. Le sentiment est rarement agréable, et dans le cas présent, crois bien que ça me rend vraiment chiffon.
Il te suffit de lire mon papier sur l'EP
"Warsaw", paru en 2018 chez Cricket Cemetery, pour que prennes la juste mesure des espoirs immenses que je plaçais dans ce
"Siege of Self", premier
full-length de
Bandit. Un nom assez passe-partout pour un groupe qui l'est beaucoup moins, même s'il n'a pas été des plus productifs durant ses (presque) dix années de vie. Du split, de la démo, des titres sur compilations en pagaille, autant de petites sorties qui dévoilaient un sacré potentiel, confirmé par l'EP sus-nommé, déflagration d'à peine plus sept minutes, continuant encore aujourd'hui de me rappeler l'hystérie communicative d'un
Pig Destroyer, période
"Terrifyer" - et les soupirs de nostalgie qui vont avec, bien évidemment.
D'abord prévu pour l'année dernière, puis repoussé pour on-ne-sait-quelle-raison et sans grandes explications (j'avoue ne pas avoir creusé outre-mesure),
"Siege of Self" débaroule presque sans crier gare sous l'égide de GCBT et Holy Goat Records, fin Avril dernier. Le truc partait pour me plaire : déjà par un petit changement de line-up, puisque Michael Thomas cède sa place derrière les fûts à Gobinda Senchury, l'un des deux batteurs de
Chepang - vrais gars connaissent la solidité du bonhomme en matière de grand galop. L'on connaissait déjà le sens du riff acide de Jack McBride, les prestations ultra-énergiques de l'inénarrable Gene Meyer derrière le micro... Avec un monstre pareil à la batterie, l'ensemble ne pouvait que gagner en pêche.
Le bonhomme derrière les manettes, ensuite.
Exit Kevin Bernsten et Brad Boatright,
"Siege of Self" se paie le luxe d'un enregistrement, d'un
mix et d'un
mastering signés Colin Marston - bien plus intéressant à tripoter une console qu'à tricoter sur sa guitare, diront certains taquins. Petite pique mise à part, le bonhomme est loin d'en être à son coup d'essai, et son intérêt non-dissimulé pour les formes musicales les plus extrêmes me faisait saliver d'avance.
Le concept du disque, pour finir. Gene Meyer est travailleur social dans le civil, aime à écrire des textes en forme d'aphorismes empruntés à ses patients, funestes pour certains, invitation à la résilience pour d'autres, traduits à merveille par "Midnight", courte et douce introduction dont le final parlera à tous mes gars sûrs les deux pieds dans la résignation et la dévalorisation :
"It's better to have this self-hatred than to have nothingness. Better to construct a concept of yourself as bad rather than yourself as nothing."
Ouais, avec un tel alignement d'astres, l'album ne pouvait que transformer l'essai, hein ? Une certitude de plus qui s'écroule. Plat, paresseux et long sont les trois qualificatifs qui me viennent en tête à force d'écoutes et de déshabillages des vingt-trois minutes de ce tout premier longue durée. Appelez Pfizer, de grâce,
"Siege of Self" bande mou.
Cette production, déjà, quelle horreur. Marston semble avoir sué sang et eau pour rendre ces treize nouveaux titres aussi morne que possible. Tristes comme un plateau repas de restoroute, seul, un soir d'hiver. Rien ne dépasse, les guitares manquent cruellement d'attaque, la batterie est reléguée au second plan (un gâchis quand on connaît les phalanges qui tiennent les baguettes), et ce pauvre Gene Meyer a beau se démener comme un diable, ses saillies de gorge tiennent plus du clac-doigts que de la nitroglycérine. Des compositions qui sont, de base, loin d'être transcendantes ou efficaces, à mille lieues des courtes détonations de
"Warsaw", se retrouvent encore plus handicapées par ce son complètement fade, organique, certes, mais jamais convaincant. Une sorte de
Graf Orlock en format marque pouce, un
Pig Destroyer encore moins convaincant que tout ce qui a suivi
"Book Burner", bref : pas grand chose à se mettre sous la dent, ni pour se réveiller.
Le sens du riff casse-tête, de la tournure qui provoque le froncement de sourcils, utilisés avec parcimonie sur les précédentes sorties du combo, sonnent ici comme du Mathcore générique, la caution
"regardez, je suis différent", parfois complètement à côté de la plaque ("Juniata" et son solo aux fraises), souvent tombant comme un cheveu sur la soupe, en ne manquant pas, évidemment, de couper les pattes de parties pas désagréables : ces effets inutiles sur la guitare à 0:23 dans "United in Torment", la coupure nette construite sur des roulements lambins et des rires captés dans l'IME du coin à 0:48 sur "Body Horror", le riffing complètement générique sur la première moitié de "The Hopeless Romantic", le grand final de
"Siege of Self" à base de
tapping autiste et de clavier piqué dans la cave de Jean-Michel Jarre - Je vous épargne volontairement l'interminable titre final, "End of the Rainbow", réchauffant les riffs plus vite et plus fort qu'un micro-ondes de cantine scolaire... Les gars, j'ai pas signé pour ça, moi, hein. Je voulais une raclée, retrouver les papillons dans le ventre, la sueur au front et le sourire idiot greffé en travers de la tronche. Pas commencer à regarder la montre après trois titres et quatre minutes. Même les titres les plus directs sont parfaitement transparents, inoffensifs. Violents en surface. Comme des gamins qui jouent les durs devant les copains, mais attendent le feu vert pour traverser la rue, même déserte - et bien dans les clous, s'il-vous-plaît.
Je suis amer, hein ? Forcément, un peu. J'ai tellement tourné et retourné
"Warsaw" dans tous les sens, savouré la branlée avec un tel plaisir que ce
"Siege of Self" me paraît bien trop coquet pour être réellement convaincant. Au mieux passable, ce n'est pas le lynchage en bonne et due forme que j'attendais avec impatience. C'est une simple petite tape sur le dos de la main, administrée avec le sourire, me faisant promettre de ne pas recommencer la bêtise. Promis, Maman, je ne le réécouterai plus.
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo