Jusqu’à présent, je ne considérais qu’un seul groupe comme étant intouchable. Incapable de mettre en boîte un disque que l’on pourrait simplement qualifier de
« passable ». Comme quoi, tout arrive - et ma première grosse déception de l'année, par la même occasion.
Je n’arrive pas à expliquer cette grosse gamelle, même en revenant sur le parcours de
Darkspace – tu vois les étapes du deuil ? J’ai peu ou prou suivi le même cheminement. Une carrière sans faute, laissée en suspens après la sortie du très bon
»Dark Space III I », en 2014 (un poil trop généreusement noté, j’en conviens), et retour au silence… Relatif. Émaillé tant par des prestations
live de plus en plus discutables que par quelques petits "coups d’éclat". D’abord, la rupture avec Avantgarde Music, consommée en 2021. J’imagine que le groupe la voulait relativement discrète – d’autant que la communication avec leur public n’a jamais été leur priorité, que ce soit sur scène ou sur les internets. C’était sans compter sur Roberto Mammarella, se fendant, dans la foulée, d’un long
communiqué, salé à point, beau bouquet garni retraçant querelles internes, problèmes d’égo, et j’en passe. Qui raconte la vérité ? Je n’en sais rien, pas plus que je n’en ai quelque chose à foutre, dans l’absolu. Je me sentais bien plus concerné (et peiné) par le départ de Zorgh, bassiste historique de la formation, présente depuis les débuts – et dont le regard hypnotique, glacial, en a retourné plus d’un sur scène. Bref.
Une signature chez Season of Mist et quelques
repress hors-de-prix plus tard, vint enfin l’heure d’annoncer un successeur au dernier
full-length du trio Suisse, qui souffle ses dix bougies cette année. Un sacré laps de temps, même pour
Darkspace. Je bouillonnais. A la fois plus que saucé de pouvoir découvrir la suite des aventures de ce qui est, et restera à jamais, mon groupe de Black Metal favori – mais également un poil inquiet. Cette longue période de chômage et l’arrivée d’Yhs à la basse auront-elles terni la magie du groupe ? Efface ce vieux sourire en coin : oui, c’est bien de ça qu’il s’agit, de
magie.
Darkspace est un groupe unique, définitif, initiateur et maître d’un genre tout entier – pour paraphraser, une fois de plus, Laurent Michelland :
« La construction d’un monde sans parois, dont on ne s’évade pas. » Et dans le cas présent, j’aurais préféré une sortie de secours.
Il faudrait, en théorie, 258 jours pour rejoindre la planète Mars, depuis la Terre – c’est pas moi qui le dit, c’est Matt Damon. Ça te paraît longuet ? A moi aussi. Et c’est un peu le ressenti des quarante-sept minutes de
«Dark Space -II ».
« Dans l’espace, personne ne vous entendra vous faire chier ». Je n’ai pas trouvé meilleur aphorisme pour résumer cet unique et interminable titre (arrêtez de faire ça, sérieux), bien indigne du pedigree de ses géniteurs. Le Nostromo en panne sèche (à moins que ce ne soit l’inspiration ?), l’Event Horizon recyclé en navire de croisière pour riches septuagénaires obèses, l’USS Ishimura qui patine ? Un peu des trois, mon capitaine. La désagréable impression d’être condamné à tourner en rond dans la file d’attente de Space Mountain – au moins, dans cette dernière, les moutards qui chialent assurent l’animation.
Exit le planétarium transformé en kaléidoscope, les corps célestes glaciaux qui lèchent les parois de la fusée… Les montagnes russes folles, qui faisaient les plus belles heures de la discographie de
Darkspace, ont été remplacées par le petit train touristique du centre-ville de Saint-Flour. Tu saisis un peu l’ambiance ? On ne chevauche plus les anneaux de Saturne : on s’en tresse une corde pour se pendre d’ennui.
« Dark -2.-2 » est une introduction qui ne décolle jamais – Si j’étais taquin, je dirais qu’on attend 47 minutes que ça démarre, avant d’être soulagé par le
fade-out des douze dernières secondes. On y croit, pourtant,
Darkspace étant coutumier des plages ambiantes qui s’éternisent, pour mieux nous saisir à revers une fois que la machine s’emballe. C’est bien pour cette raison qu’on persévère, en attendant désespérément, et naïvement, un signal, un riff, une saillie qui viendrait nous sortir de la torpeur. La balayette, la pelle, l’étiquette… Tu connais le dicton. Dix ans de réflexion pour accoucher d’un tempo drastiquement ralenti, de kicks électro rachitiques, de claviers maigrelets, sur lesquels nos trois compères tartinent des riffs réchauffés, laborieux, quelconques, bien loin des accélérations foudroyantes qui faisaient les plus belles heures du troisième opus – qui s’impose, définitivement, comme leur sommet absolu. Le titre n’est pas à mettre intégralement à la poubelle, hein. Mais noyer dix minutes juste correctes dans trente-sept de remplissage éhonté pour pouvoir appeler ça un "album", c'est un peu triste. Vraiment, ce nouvel opus souffre autant du manque d'idées fortes (et nouvelles) que de la comparaison avec ses aînés, du premier au quatrième. L'épisode de trop ?
Bien sûr, l’on pourra arguer, vu l’intitulé « -II », que ce nouvel album des Suisses est à prendre comme une transition avant
« Dark Space III II », qui verra probablement
Darkspace revenir à sa formule, celle dont il est géniteur et maître – et qui nous séduit tous intégralement. J'espère, en tout cas. Pour l'heure, et après de multiples écoutes (qui a crié
"purge" dans le fond de la salle ?) de cette nouvelle offrande du trio, j'ai peine à trouver quelque chose qui, à défaut de me faire bander comme les
full-length précédents, me fasse au moins esquisser un sourire, ou ne me procure ne serait-ce que le début d'une chatouille au bas-ventre. Surtout après dix longues années d'attente. Certains crieront certainement au génie, je ne peux que faire part de mon immense déception - c'est comme ça, les vrais chagrins d'amour donnent toujours lieu à des réactions épidermiques. Sur ce, je vous laisse avec ce nouveau-né en surcuisson, je vais réécouter le troisième en repensant, non sans émotion, à leur mémorable prestation à l'Helvete Underground.
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