Vircolac n’est peut-être pas le groupe le plus excitant que compte actuellement la scène Death Metal et encore moins ce groupe dont tout le monde parle à longueur de temps, encensé par une presse qui n’aurait d’yeux que pour lui ou presque. Il n’est pas non plus ce groupe exubérant ou complètement à côté de la plaque rendu "célèbre" pour ses frasques, déclarations et autres prises de positions outrancières, clivantes ou encore complètement déconnectées de la réalité. Non, il est ce groupe qui taille son petit bout de chemin depuis maintenant plus de dix ans en toute discrétion, sortant des disques à son rythme sans chercher à imposer son image sur les réseaux sociaux ou encore à braquer les projecteurs dans sa direction. Mais surtout Vircolac continue d’avancer ses pions bien loin des autres, proposant ainsi à ses auditeurs un parti pris intéressant sur un genre pourtant assez peu ouvert sur l’originalité.
Quatre ans après un premier album particulièrement sympathique (
Masque), le quatuor irlandais (devenu depuis un trio suite au départ en fin d’année dernière de Jason Keane au profit de Coscradh et Sacrilegia) marque de son empreinte ce premier trimestre 2024 avec la sortie de son deuxième album paru une fois de plus chez Dark Descent Records et Sepulchral Voice Records. Un disque intitulé
Veneration passé cette fois-ci entre les mains de Shaun Cadogan (Coscradh, Dread Sovereign, Hasturian Vigil, Malthusian, Sacrilegia, Verminous Serpent...) et Marco Salluzzo Vermiglio (Grave Infestation, Ultra Silvam, Transilvania, Malokarpatan, Thulsa Doom...). Pour l’occasion les deux hommes signent une production des plus abrasives et dépouillées qui a le bon goût de ne jouer ni la carte de la lourdeur ni celle de l’opacité. Un parti pris qui en plus d’offrir un petit peu de fraîcheur à nous autres auditeurs va également permettre à Vircolac de sortir des sentiers battus et de tirer d’emblée son épingle du jeu sans même avoir à nous convaincre avec ses nouveaux morceaux.
Bien entendu, cette production ne va pas suffire à faire de
Veneration un album de choix. En effet, même si elle va y contribuer à sa manière, ce sont bel et bien ces sept nouvelles compositions qui tiennent ici le rôle principal. Ainsi, sans forcément apporter quoi que ce soit de nouveau à cette formule qui est la sienne, Vircolac semble pourtant avoir pris du galon. Une maturité fraîchement acquise qui, sans rien changer à son identité passée, laisse tout simplement le sentiment d’être face à un groupe grandi qui, fort de ses expériences et de ses personnalités multiples dirigées vers un seul et même but, n’a semble-t-il jamais été aussi convaincant qu’aujourd’hui.
Puisant une partie de son inspiration dans ces figures de pierre érigées à la mémoire d’ancêtres disparus,
Veneration porte en lui et cela dès cette illustration d’une autre époque un bout de cette Irlande qui l’a vu naître. Un héritage que le groupe a déjà porté à travers sa musique ne serait-ce que par ses thématiques ou ses ambiances mais qui va prendre ici une tournure plus évidente et marquée grâce notamment à la participation de la chanteuse irlandaise Sarah McQuillan que l’on va pouvoir entendre sur "The Lament (I Am Calling You)" et "She Is Calling Me (I. War II. Death III. Redemption)". Une voix douce et féminine mais également terriblement puissante évoquant à juste titre ces lamentations d’autrefois ainsi qu’un certain sentiment de désespoir... Dans le même ordre d’idée, ce violon et ce violoncelle que l’on peut entendre sur ces mêmes titres viennent eux aussi contribuer à mettre un peu de l’Irlande dans la musique de Vircolac.
Une musique qui sur le fond n’invente strictement rien mais qui dans sa forme prend cependant une tournure bien plus personnelle qu’il n’y paraît de prime abord. En effet, sans parler d’une musique complexe ou alambiquée, le Death Metal de Vircolac, s’il emprunte pourtant par bribes à d’autres groupes dont la réputation ou la portée ne sont plus à prouver, n’en reste pas moins assez éloigné de certains lieux-communs et autres consensus que l’on peut retrouver chez la plupart des groupes évoluant dans ce milieu (sans pour autant que cela soit un véritable problème). Dans ses élans les plus Punk et débridés ("Veneration" à 0:24 et 1:16, "Unrepentant" dès 0:10 puis plus loin à compter de 0:58 et 3:24, "Our Burden Of Stone On Bone" à 2:54 et 3:57, "All Comes To Pass, Nothing Shall Remain" à 0:23 ou 1:27...), Vircolac rappelle ainsi des groupes comme Autopsy, Necrovore ou Morbid Angel pour cette intensité et ce caractère abrasif et dépouillé qui l’anime. Néanmoins, ces attaques soutenues qui ne constituent pas l’essentiel de sa musique sont contre-balancées par des passages mid-tempos plus tortueux sur lesquels le groupe va y révéler pleinement son identité. Entre ce riffing sinueux, ces sonorités Rock sombres et crépusculaires et ces atmosphères victoriennes, le Tribulation des excellents
The Formulas Of Death et
The Children Of The Night n’est jamais très loin. D’autant que le chant de sire Laoghaire s’inscrit dans un registre écorché tout aussi compréhensible que celui de Johannes Andersson. Bref, des similitudes plus ou moins évidentes mais qui ne font pas et n’ont jamais fait de Vircolac un groupe de suiveurs. Encore une fois, il y a dans le jeu de ces Irlandais et dans la manière dont ils construisent et font sonner leurs morceaux quelque chose qui n’appartient qu’à eux et en font effectivement une entité à part. Certes, le Death Metal de Vircolac n’est pas aussi flamboyant que celui d’autres groupes capables de faire l’unanimité dès les premiers instants mais il y a chez eux une élégance sombre et désespérée, un sens de l’écriture tortueux et intelligent ainsi qu’un ancrage dans le réel (ces origines irlandaises tout à fait palpables) qui font du trio un groupe définitivement à part.
Comme je l’ai déjà suggéré un petit peu plus haut, Vircolac ne fera probablement jamais consensus parce qu’il est de ces groupes qui préfèrent ne pas céder à la simplicité sans pour autant s’embarquer dans une relecture complètement déracinée du genre auquel il appartient. Pas assez direct et brutal, trop peu "mémorable" dans ses riffs ou dans ses mélodies (bien que ce soit sujet à discussion), peu porté sur ce groove capable de vous faire transpirer à grosses goûtes, le groupe et sa musique demandent effectivement de la part de l’auditeur un minimum d’ouverture d’esprit. Assurément "Death Metal", Vircolac en propose pourtant une interprétation personnelle qui ne manque ni de fraîcheur ni d’intérêt. Bien au contraire, après dix ans de carrière, la formation dublinoise continue d’entretenir son identité avec beaucoup de talent, nous offrant au passage aujourd’hui ce qui constitue assurément sa contribution la plus aboutie et équilibrée. Unique et extrêmement convaincant dans sa quête d’authenticité,
Veneration est l’une des premières belles réussites de 2024. À ne pas louper.
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