Au delà du folklore visuel et de son public légèrement plus âgé que celui de Lorie, Slipknot est (ou plutôt était) un putain de groupe, qui a sorti deux premiers albums fantastiques. En 1999, ces neufs (!) tarés de Des Moines, capitale de l'Etat d'Iowa dans le trou du cul des Etats-Unis, nous balançaient à la gueule
Slipknot, un album de néo métal qui ridiculisa tous les autres groupes du genre par une violence d'aliénés et une ambiance glauque qui prenait aux tripes. Deux ans plus tard, les Masqués étaient de retour avec
Iowa, deuxième opus qui allait définitivement inscrire Slipknot dans la catégorie des groupes qui comptent.
Après un tel coup d'éclat, le combo était bien évidemment attendu au tournant. Slipknot n'a pas déçu, bien au contraire, puisque pour ma part
Iowa surpasse son aîné sur bien des points, l'effet de surprise en moins. La production est déjà bien plus puissante, laissant à la musique directe et ultra efficace du combo américain tout loisir de faire son effet sur le pauvre auditeur pris dans ce tourbillon de riffs tronçonnants. Mais la différence la plus marquante concerne l'intensité et la brutalité.
Slipknot n'était déjà pas un modèle de calme musical mais
Iowa le ferait presque passer pour un album de choristes. Bien plus intense, bien plus brutal et bien plus extrême,
Iowa flirte même souvent avec le death métal (influences déjà présentes sur l'éponyme mais elles sont ici plus évidentes): les quelques blasts de "People=Shit" et l'énorme "Disasterpiece" (sur les mémorables vers "No one is safe, noises noises, peole make noises when they're sick, nothing to do except hold on to nothing"), le riff à 2'40 de "The Heretic Anthem", le riff de refrain de "The Shape", le passage à la double à partir de 2'20 de "Metabolic" et j'en passe. Certains trouveront même l'album trop brutal et décrocheront. Il est certain que dans le genre, personne n'a fait mieux que Slipknot à ce niveau.
La brutalité a été décuplée mais elle ne rend pourtant pas cet album indigeste. L'efficacité propre au style néo métal est toujours là, plus que jamais. La base reste toujours les riffs simples et jumpy ultra efficaces. On a également le droit aux morceaux single rituels "My Plague" et "Left Behind" avec leur refrain en voix claire par contre vraiment pas terribles et qui ont du mal à passer dans cet environnement hostile. Ce sont d'ailleurs les seules fois où Corey Taylor (#8) s'adonne au chant. Sinon le bonhomme s'égosille tout du long de son phrasé hurlé/rapé caractéristique. Corey gémit également, susurre et nous sort une des prestations les plus convaincantes qu'il m'ait été donné d'entendre. Un des meilleurs beugleurs de métal sans aucun doute. Autre prestation à retenir, celle du batteur Joey Jordison (#1), très à l'aise dans toutes les situations et qui a bien enrichi sa gamme technique (comme tous les autres d'ailleurs): "People=Shit" (rhaaaaa ce break), "Disasterpiece (ouaiiiiiiis des blaaaasts)", "The Heretic Anthem" (putain de double), "The Shape"...
Si
Iowa s'avère plus abouti que
Slipknot, c'est aussi par son homogénéité.
Slipknot souffrait de quelques morceaux dispensables et de moments de flottements dommageables. Ici, que nenni! Tous les titres sont des bombes, excepté peut-être "Everything Ends", moins inspiré que les autres. Aux côtés des singles naturels, le refrain de "The Heretic Anthem" ("If You're 555, I'm 666"), notamment, reste dans toutes les têtes. Et puis il y a ce "People=Shit", tellement simpliste mais tellement vrai, qui deviendra le slogan de toute une génération d'ados à baggy, vans et sac Eastpack.
Deux autres aspects avaient eux aussi contribué au succès mondial de
Slipknot. Tout d'abord les nombreux artifices: les effets électroniques gérés par Craig Jones (aka 133, #5), les scratches du DJ Sid Wilson (#0) et les percussions du duo Chris Fehn (#3) et Shawn Crahan (aka Clown, #6). Les sons électroniques sont toujours présents mais utilisés plus discrètement, quant aux scratches de Sid et bien ils ont quasiment disparu. Au niveau des percus, celles-ci ne servent pas à grand chose, on peut d'ailleurs le vérifier sur scène où le Clown et Chris sont plus occupés à faire les pitres qu'à taper sur leurs fûts. Le deuxième aspect important, qui a plus que les autres différencié Slipknot de la masse est l'ambiance glauque et torturée qui se dégage de certains morceaux. Cette ambiance est à nouveau génialement retranscrite, et ce dès l'intro dérangeante "(515)", qui n'est pas sans rappeller celle de "Meat Hook Sodomy" de Cannibal Corpse. Trois titres se dégagent ainsi des autres par ce sentiment d'angoisse que l'on éprouve à leur écoute. D'abord "Skin Ticket" et son ambiance schizophrénique insufflée par les bruitages électoniques tordus du début et la voix calme, contenue, qu'on sent prêt à éclater à tout moment, jusqu'à ces vers complètement enragés: "Keeping myself alive, through your empathy". Ensuite, la (trop) longue outro "Iowa", torturée, étrange, avec la basse mélodique de Paul Gray (#2) sur l'intro, rejointe plus tard par les guitares qui se feront toujours discrètes, plus les petits rires et le chant de Corey, tout en retenue, qui se lâchera enfin avant la 10ème minute pour laisser libre cours à sa démence. Enfin, le morceau le plus intéressant de l'album, "Gently", et son intro lente à la basse, où les chuchotements de fond et les samples bizarroïdes hantent l'esprit, avant que résonnent brièvement les guitares hurlantes. Celles-ci se tairont pour laisser Corey chantonner ses paroles de malade mental, jusqu'à l'explosion. Une construction "calme avant la tempête" souvent usitée mais rarement avec autant de talent.
Cet album est une perle, malmenant l'auditeur pendant plus d'une heure entre efficacité directe et brutale et ambiance torturée crédible. Plus extrême, plus technique et plus abouti que
Slipknot,
Iowa démontre que Slipknot, sous ses airs de blague de cirque, aura été l'un des groupes les plus marquants de sa génération. Les Américains surprendront tout le monde en 2004 en prenant un virage beaucoup plus mélodique avec leur
Vol. 3, The Subliminal Verses. Une évolution que je ne suivrai pas. Mais même si Slipknot n'est plus que l'ombre de lui-même aujourd'hui (n'est-ce pas Corey?!), je n'oublie pas le passé. Un grand merci donc!
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