Des joints, des Déspés, des Air Force One, des Scooters, des parties en co-op de San Andreas, du foot, des galoches, des pizzas, des mangas, Retour vers le futur, des skateboards, du gel Vivelle Dop, des guitares Squier, des pornos, des soirées à courir dans les rues, des paquets de chips, du action-chiche-vérité, des Ethnies, des t-shirt en XL, des tignasses mal coiffées, Scarface, Kaazaa, de l'auto-stop, des heures de colle.
Voilà, maintenant, je parie que vous serez pas mal dans les lecteurs à vous retrouver dans les lignes du dessus. Si vous lisez Thrashocore, c'est que vous aimez le Metal et indubitablement, Slipknot, vous y êtes tous passés. Que vous ayez aimé ou pas d'ailleurs. Indifféremment des goûts ou des styles, qui n'a jamais eu droit à un extrait du groupe de l'Iowa dans une de ses soirées ou chez un pote ? Qu'on le veuille ou non, on est un peu la génération Slipknot. Même si bon, maintenant les « kids » fans du groupe ont une vie de couple ou de famille, un appartement, un bagnole et beaucoup trop de clefs sur leur porte-clefs.
Maintenant, l'histoire des américains se résumerait presque à une série TV. Previously on AMC's Slipknot Show : Paul Gray est mort à la fin de la saison quatre et dans le premier épisode de la saison cinq, Jordison s'est fait virer à grand renforts de coup de pied dans le derch' et de déclarations sur Facebook. On a alors remplacé les absents et la basse a été tenue un temps par Donnie Steele (qui avait participé à « Mate.Fade.Kill.Repeat », ce qui est bien loin de tous nous rajeunir). Puis Corey, Shawn et les garçons ont choisi deux illustres inconnus comme remplaçants permanents : Alessandro Venturella (basse) et Jay Weinberg (batterie). Qui-sont-ils ? D’où viennent-ils et surtout pourquoi sont-ils là ? Il faudrait songer à refiler l'affaire à Jean-Marc Morandini parce que là, personne ne semble être au courant de la carrière de ces deux musiciens (dont un était technicien guitare chez Mastodon...) qui ont du être bien content quand Slipknot leur a passé un coup de fil pour leur dire qu'ils étaient acceptés.
« 5 : The Gray Chapter » donc. La mort, le gris, tout ça. Dur. Surtout que la symbolique de la pochette nous fait bien comprendre (au cas où l'on soit con ou visiblement pas du tout au courant de ce qui s'est passé) qu'il y a eu un décès et qu'il hante les murs de la maison aux multiples pièces qu'est le nœud coulant. Attention, le graphiste a bossé... Hormis ça, la pochette n'est pas vraiment belle mais comme disait Keyser « On est habitués avec Slipknot ». Un point pour le collège sur ce coup. Évidemment le monstre Slipknot a sorti ses plus beaux T-shirt, collectors édition double vinyle limités box set d'enfer et on se doute que le fan du combo sera ravi de ces sorties.
Tout au long de sa carrière, le groupe a toujours livré des disques aux sons particuliers. Depuis ce côté Mimi Cracra sous speed du Robinsonien album éponyme, au Saint-Anger de l'Iowa avec cette batterie aux allures de capharnaüm sur « Volume 3 », en passant par le règne sans pitié du plastique actuel pour
« All Hope Is Gone », la formation américaine a varié les sons pour le meilleur et parfois le pire. Qu'en-est-il aujourd'hui ? Pas grande chose de neuf finalement, puisque ce cinquième opus se résume en une version un chouilla plus travaillée du précédent : on reste clairement dans un rendu sonore sur-puissant, sur-bétonné et propre aux standards du Metal moderne. Cependant, quelques bonnes trouvailles sont à déceler, comme l'aspect très lourd et consistant de la basse qui sur le début de « Sarcastrophe » permet une attaque correcte. De même, quelques petits plus dans le son peuvent se faire entendre : une batterie étouffée sur la première partie de « If Rain Is What You Want », quelques guitares claires aux delay très vaguement inspirés du post-quelque-chose. Pas si mal - surtout pour le titre de clôture - même si on aurait aimé un rendu sonore final plus mordant, personnel, âpre ou piquant. Mais il ne fallait pas trop rêver non plus, Slipknot reste un blockbuster du genre et se dote par conséquent de gros effets spéciaux qu'on écoute, pop-corn dans la bouche et coca dans la main.
En tout cas, la chose qui saute aux yeux – ce dès les premières écoutes de l'album – c'est que finalement, le départ de Jordison n'est pas une mauvaise chose. La fraîcheur des patterns, des rythmes, des quelques blasts-beats saupoudrés aux moments opportuns (sur le pont du titre « The Devil In I » par exemple, ce qui ne fait pas de mal dans un single...), l'inconnu Weinberg (visiblement fils du batteur de Springsteen...) apporte un vent de nouveauté, en renouvelant considérablement la rythmique Slipknotienne et en faisant la part belle aux passages bourrins-limite-beubeu et à quelques instants plus fignolés, grâce notamment à l'apport des percussions qui compliquent certaines rythmiques. Du coup, « 5 : The Gray Chapter » apparaît grâce à cette ossature batterie/guitares comme l'album le plus direct et brutal du groupe depuis
« Iowa ». Un fait d'arme sur lequel peu d'entre nous auraient parié mais qui n'est cependant pas exempt de tout défauts car si ces nouveautés sont fraîches à première vue, elles finissent – notamment sur les derniers titres – par toutes sonner d'une manière identique (le nouveau venu étant sûrement un peu trop scolaire). Ce qui saute également aux yeux, c'est aussi cette intro qui est vraiment chelou avec son délire de cornemuse, ses guitares acoustiques et ses percussions martiales. C'est presque très émo-folk comme titre et là, je n'ai strictement aucune explication. Évidemment les samples sont toujours inutiles au possible, se contentant de faire « Pffioouu » ou « Zwiiiiiii » à l'occasion mais encore une fois, c'est tellement Slipknot-approved que ça aurait été très étrange qu'il n'y en ait pas.
Et Corey alors ? Il devient quoi. Bon, visiblement, il sait toujours faire office de hurleur / chanteur et semble avoir regagné un peu en hargne et pris quelques pastilles contre cette laryngite chronique. Quoique... Il faudra attendre les retours des concerts pour le savoir vraiment. Les parties de chant alternent entre le bon (« Sarcastrophe », « Skeptic »...) et le carrément chiant (certains titres comme « Killpop » où le chant est vraiment mollasson et niais, ce qu'on déteste tous chez le groupe en somme...) même si on subodore légitiment le bidouillage studio et les effets sur la voix. Quand je dis « le bon », ne vous attendez a des lignes vocales éblouissantes ou dérangeantes, on reste dans le super-catchy mais en même temps on écoute un disque de Néo-Metal. Globalement, c'est donc plutôt correct même si ça manque d'inventivité et que ça sent parfois un poil le réchauffé (« AOV » pour le refrain). Le combo de Des Moines tente aussi de ré-éditer un vieil exploit, celui de la ballade. « Goodbye » prend ce rôle, pour suivre l'héritage des « Circles », « Dead memories », « Snuff » et compagnie. Un pari assez réussi car ce titre se classerait plus dans le registre des fausses ballades qui nous avait offert le plutôt bon « Vermillion ». Encore une fois, c'est surprenant mais c'est bienvenu même si on ne peut pas s'empêcher de penser au côté un peu calibré de ce titre.
Comme vous le constatez, tout ne va pas si mal qu'on aurait pu le penser. « The Gray Chapter » se fait assez cohérent même si les défauts habituels de la clique se font sentir : redondance de certains riffs qui semblent parfois déjà-vu ici ou là, passages en clairs pas forcément inspirés et surtout, difficile d'avoir un album ou tout les titres sont au même niveau (qui avait aimé « Diluted », « Skin Ticket » ou l'insupportable « The Virus of Life » sur les disques précédent ?)... Tout les albums du Knot s’essoufflent à partir de la piste huit ou neuf et ce cinquième opus n'échappe pas à la règle, malgré le tentatives d'accroche que sont « Nomadic », « Custer » ou « The One That Kills The Least » avec leurs recettes classiques de gros tubes Nu-Metal mais ne sachant pas se faire marquantes. Malgré ça, en terme de construction, les titres du disque sont plutôt bien équilibrés entre un aspect direct et quelques accalmies Neo-Metal. On imagine que ça va permettre aux gens de sauter en rythme et à Corey de dire « Fuck you my friends ! » en concert. N'est-ce-pas la l'essentiel ?
Entendons-nous bien : ce n'est pas l'album du mois, ni l'album de l'année, encore moins celui de la décennie et je me demande vraiment qui va kiffer actuellement sur ce disque comme bon nombre d'entre nous ont kiffés sur l'éponyme ou sur
« Iowa ». Simplement, taper sur Slipknot parce que c'est Slipknot n'est pas plus malin que de leur coller un dix sur dix systématique. M'est avis que pour le coup, c'est un retour plutôt correct pour le groupe de l'Iowa qui applique ses formules et tente de les moderniser, pas forcément de manière très adroite mais l'intention est là. Et force est de constater qu'après l'affreux
« All Hope Is Gone », « 5 : The Gray Chapter » n'est qu'un semi-échec qui réussi à peu près autant qu'il échoue. Moyennement moyen, en somme.
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