Dissection - Reinkaos

En seulement deux albums, un petit groupe mené par un certain Jon Nödtveidt va marquer le monde du metal. Un "The Somberlain" prometteur puis un désormais incontournable "Storm Of The Light's Bane" ont suffi pour inscrire la formation suédoise au panthéon du metal. Mais outre le fait de rendre hommage à la passion de Jon pour l'anatomie, Dissection témoignait d'une haine sans limite et d'un goût certain pour l'occulte. En 1997, alors que l'on attendait un nouvel album, Jon est accusé de complicité de meurtre (il me semble) et se retrouve donc en taule pour huit ans. Certes c'est normal mais c'est un coup dur pour les fans. Alors évidemment, certains ont bien essayé de reprendre le filon comme le pitoyable groupe de Johan Norman (ancien guitariste de Dissection), Soulreaper, mais il ne fallait pas prendre les gens pour des cons non plus. Il ne restait donc qu'une chose à faire : patienter...

Quelques années plus tard, sentant que l'heure approche, Nuclear Blast dépoussière quelques vieilleries et sort "Live Legacy", un très court album live mais néanmoins excellent, qui aura le mérite de remettre au goût du jour la musique des suédois. 2004, sitôt sorti de prison, Jon fonce enregistrer un titre qui lui tenait à coeur, "Maha Kali" pendant que Nuclear Blast prépare la campagne de réhabilitation de Dissection à grands coups de "Fear The Return". A cette époque, la collecte de bave des fans, toujours plus nombreux, aurait pu à elle-seule engloutir l'Atlantide. Mais à la sortie du fameux single, c'est la douche froide. La musique n'a plus rien à voir avec le Dissection de la fin des années 90, penchant vers une sorte de death mélodique, sans saveur pour beaucoup... enfin je crois que la déception empêchait tout discernement. Il faut dire qu'oser placer un titre comme "Maha Kali" à côté du monument qu'est "Unhallowed" relève du suicide commercial, "Maha Kali" faisant plutôt office de face B (et j'aime pourtant bien ce morceau).

Après ça, autant vous dire que les fans fearaient beaucoup moins le return, ou alors en mal. Il aura fallu finalement un certain temps à Jon pour le sortir ce putain d'album, entre l'enregistrement et ses différents problèmes de line-up. De plus, vu l'échec commercial de "Maha Kali", je crois que Nuclear Blast a lâché le morceau et que Jon a préféré monter son propre label, Black Horizon Music, en référence au titre d'ouverture de l'album "The Somberlain" et excellent morceau soit dit en passant. C'est finalement mi-2006 que sort "Reinkaos", troisième et dernier album de Dissection. Même si évidemment il faut s'attendre à d'autres produits marketing à venir (compilations, DVD, ...), Jon a manifesté sa satisfaction d'avoir mené son groupe jusqu'où il l'avait souhaité et devrait se consacrer à d'autres choses.

Comme pour beaucoup de personnes, rester emprisonné autant de temps donne l'occasion de réfléchir et de trouver sa voie. C'est le cas de Jon qui se revendique "anti-cosmique". Alors que pouvait-il faire d'autre que du "anti-cosmic metal of death", hein ? Je vous vois esquisser un sourire du bout des lèvres, mais ne riez pas : c'est du sérieux ! Mais trêve de plaisanterie, passons à l'album. A l'image du titre "Maha Kali", "Reinkaos" est un album bien différent de ce qu'a pu faire Dissection avant l'incarcération de Jon, une évolution brutale du style en quelque sorte. A titre de comparaison, c'est un peu comme si vous étiez tombé dans le coma après "The Jester Race" et que vous vous étiez réveillé en 2006 en découvrant "Come Clarity" sans avoir connu les autres albums d'In Flames (ceux qui n'avaient pas reconnu ce groupe peuvent retourner écouter Skyrock) : vous imaginez le délire ! Sauf que Dissection évoluait dans un registre black/death des plus hargneux et qu'il en est réduit aujourd'hui à une sorte de death mélodique vaguement malsain pas très original (c'est l'ancien fan qui parle là). Alors j'entrevois deux possibilités pour toi ami lecteur.

Je passerai vite sur la première. Vous étiez fan de Dissection et vous ne pouvez pas écarter ce nom devenu sacré pour vous, du style qui a fait sa renommée et votre bonheur ? Cet album n'est pas fait pour vous et pourrait même déclencher des réactions extrêmes imprévisibles ("effets secondaires non souhaités ou gênants" selon la posologie). En vous rendant compte que les pionniers du black/death sont passés à du death mélodique, chacun peut réagir d'une manière différente qui peut aller du fou-rire à la colère, en passant par le désespoir et le suicide (très rare). Mon conseil : ne tentez pas l'aventure ou dès l'achat de la dite galette, rayez le mot Dissection pour le remplacer par un autre nom de groupe de votre choix et répétez-le jusqu'à en oublier l'origine du CD.

La seconde possibilité est de prendre cet album tel qu'il est, en essayant de laisser le passé de côté (je sais c'est dur). Personnellement, j'ai sauté l'étape "Maha Kali" et je suis directement passé à l'album, sans résister néanmoins à la tentation de découvrir "Starless Aeon" et "Keper-I-Set" qui étaient disponibles en pré-mix depuis un moment sur le site des suédois. Il faudra s'y faire, Dissection a changé et pratique désormais une sorte de mélange entre un death mélodique traditionnel et un death'n roll à la The Crown avec toujours un petit côté sombre pour rappeler la bonne époque. Même si ça n'est pas franchement original, on ne peut enlever à cet album un semblant de personnalité, ne serait-ce que dans l'univers (que l'on trouve ça ridicule ou pas) et les tonalités, bien moins guillerettes que ce que des formations plus "classiques" peuvent composer. Au risque de me faire lapider, j'ai trouvé ce mélange death mélodique'n roll chichement efficace, où sortent du lot des titres comme "Starless Aeon", "Keper-I-Set", "Internal Fire" ou encore "Maha Kali" (si si j'aime bien moi). Ca envoie bien et c'est plutôt bien fait, avec des bonnes dynamiques, de bonnes mélodies et des guitares acoustiques discrètes mais judicieuses. Mais s'il y a bien une chose que Dissection a perdu, c'est la profondeur. Cet album reste en surface, vous accroche dès les premiers titres à tel point que ça en deviendrait presque "easy-listening". Même si l'on passe un bon moment, on n'y retrouve rien de franchement génial, rien qui ne vous laisse sur le cul ou vous transporte et j'ai bien peur que sa durée de vie en soit réduite de ce fait. Sinon, la production est plutôt réussie et l'artwork minimaliste a son charme, ce qui vaut bien l'achat pour peu que l'on apprécie la musique évidemment.

Pour finir, je ne dirais pas que Dissection a bâclé son dernier album mais tout simplement que Jon a changé durant toutes ces années et que ces 11 titres écrits derrière les barreaux n'ont plus le même état d'esprit qu'auparavant. De toutes façons, que pouvait faire le groupe après un album aussi bon que "Storm Of The Light's Bane" si ce n'est aller dans une autre direction ? "Reinkaos" est donc loin d'être un mauvais album, en ce qui me concerne. Je suis convaincu qu'il aurait eu un meilleur avenir en naissant sous un autre nom que celui de Dissection, car le poids du passé est bien trop lourd pour ses petites épaules. A vous de faire votre choix maintenant et on en reparle d'ici quelques temps.

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