Wolf Spider - Drifting In The Sullen Sea

Autant le death technique (ou techno-death) est un style qui est tombé en désuétude mais qui a su revenir – modestement, ne nous emballons pas ! – sur le devant de la scène (merci Martyr, Coprofago, Carcariass … et tous les groupes de brutal death technique), autant ce bon vieux techno-thrash des familles n'a jamais connu un véritable retour en grâce. D'ailleurs, faisons un test simple : si je vous dis techno-thrash, vous pensez à qui, mmmh ? Les moins crasses d'entre vous répondrons Watchtower, Coroner, Mekong Delta, voire Nasty Savage. Pourtant ces têtes de pont n'étaient pas les seules à faire étalage de leur savoir faire sur le front métallique des années 90. Non, Wolf Spider, au nom – oui oui, « araignée-loup », vous ne rêvez pas - tout aussi retro que l'est devenu le style qu'ils pratiquent, faisait aussi parti du voyage … Leur problème c'est qu'à l'époque, leur origine était franchement moins un visa vers le succès qu'il ne l'est devenu aujourd'hui, à l'époque de Vader et du gros death rentre-dedans : vous l'aurez compris, Wolf Spider nous vient de Pologne, contrée alors peu réputée pour fournir de grosses quantités de décibels joufflus, mais qu'Under One Flag avait eu le bon goût de ne pas ignorer pour autant.

Il serait bien dommage de passer à côté de ce groupe : en effet, à l'image d'un Coroner - mais dans un style bien à lui - Wolf Spider mâtine son techno-thrash de passages thrash à la fois vigoureux et empreints de groove. Nos spidermen-garous polonais ne sont pas uniquement là pour jouer les exhibitionnistes qui s'astiquent le manche en public ; non, ils mettent un point d'honneur à alterner les démonstrations techniques avec des rythmiques fonceuses qui feront triper tout bon thrasher patché qui se respecte. Pour situer le groupe, il faudrait évoquer la complexité et la recherche d'un Mekong Delta avec des plans échappés de chez Death Angel. Mais prévenons quand même nos jeunes têtes blondes qui se sont nourries au sein des grosses prod' de The Haunted, Meshuggah ou Arch Enemy dès leur plus jeune âge : ce qui sort ici des enceintes, c'est de l'« old-school », et le son sent le vinyle poussiéreux made in Bay Area. Cette galette regorge de vieux réflexes d'époque : chœurs « virils » qui sonnent un peu datés, chant « typé » - quoique pas aussi aigu qu'il était alors de rigueur, Jacek ayant la bonne idée d'opter pour une approche plus agressive et gouailleuse que certains collègues châtrés de l'époque.

Pour qui vient à cet album en connaissance de cause, c'est du bonheur en pack de 6. Le morceau « Drifting in the sullen sea » incarne à lui seul parfaitement le style du groupe : basse très présente et sautillante (écoutez-moi ces échanges avec la gratte, notamment vers 1'35 et 4'12), guitares qui s'en donnent à cœur joie et solo-ifient à qui mieux mieux (3'16), multiples breaks, mélodies puissantes et entraînantes (1'56 et 4'37). Gimmick supplémentaire, comme beaucoup de ses collègues de l'époque, Wolf Spider veut montrer qu'il se sent à l'aise dans tous les styles, et use de l'exercice de la reprise pour le montrer. Ainsi, quand Coroner reprend les Beatles, quand Mekong Delta s'attaque à Musorgsky, Wolf Spider s'offre quant à lui le méconnu et arabisant « Mustapha » que Queen a immortalisé sur l'abum « Jazz » … pour une réussite maximum si vous voulez mon avis (mais vous le voulez non, puisque vous êtes toujours là ?).

Au final, bien que cet album ne soit plus guère dispo que dans les bacs de disques d'occase ou moyennant le livret Jeune de votre petite sœur sur eBay, les aficionados du techno-thrash devraient se jeter sur cet album (et considérer la juste valeur de celui-ci en additionnant un bon point à la note affichée à la droite de cette chro). Quant aux indécrottables « puristes » qui ont besoin d'une batterie triggée à mort et d'un son karchérisé au Pro Tool pour prendre leur panard, et qui grimacent à l'écoute d'un « vieux » disque sorti à l'époque où les termes speed-metal et thrash se confondaient pour le meilleur et le pour pire, ils devront fuir cette galette comme la peste (et lui retirer 2 bons points pour adapter la notation à leurs goûts). Pour ma part, j'y retourne !

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