Illogicist - The Insight Eye
Chronique
Illogicist The Insight Eye
Voilà un album comme on en trouve trop peu de nos jours, et particulièrement en cette année 2007 plutôt avare en trucs techniques avec des doigts partout sur le manche – non pas ce à quoi vous pensez bande de sales pervers – c'est-à-dire, un album qui vous fera mal à la tête. Oh non, pas un album qui vous fera mal à la tête parce qu'il est joué avec vingt-huit sortes d'instruments ou parce que la production grésille plus qu'une poêle à frire pleine de la graisse qui bouchera vos artères dans quelques années. Non, un album qui vous fera mal à la tête simplement si vous essayez de le comprendre, ou tout simplement d'headbanguer en rythme.
Illogicist est un groupe qui nous vient tout droit de l'autre côté du tunnel du Mont Blanc qui, outre le fait de servir à organiser des barbecues géants, permet aussi de rejoindre une ville dénommée Aosta en Italie. Et comme vous le savez, en Italie, soit on fait du heavy metal avec des épées et des dragons, soit on fait du techno-death (et le premier qui me fait remarquer que l'on pratique aussi plein d'autres genre en Italie, tels que le black metal et le clonage de Toto Cutugno, il se prend mon poing dans la tronche).
Bienheureusement pour nous Illogicist a trop été nourri dans sa jeunesse au techno-death des années 90, et nous fait profiter aujourd'hui d'un savoureux mélange de… euh… du nouveau Mekong Delta et de Necrophagist ? Bon, non, en fait, on va éviter les comparaisons, car s'il est vrai que le groupe est parti d'une base de Death période Individual Thought Patterns mélangée à du Atheist, aujourd'hui, Illogicist a évolué vers quelque chose d'encore plus techniquement complexe.
Ce The Insight Eye est un mélange de riffs alambiqués, d'enchaînement de structures incompréhensibles, de mélodies foutrement complexes, de contre temps qui vous feront faire un infarctus et de polyrythmies qui finiront de vous achever. C'est assez clair comme ça ?
Si à cette lecture vous pensez Meshuggah ou C-187… et ben il faut vous faire soigner. Oubliez moi tout de suite ces saloperies tout en accords à la limite de la mosh, Illogicist a le mérite de ne pas avoir oublié le sens du mot « mélodie », et vous le prouvera à de nombreuses reprises. Alors certes, il y a des syncopes pleines d'accords de quinte, mais soutenues par une seconde guitare aérienne tout en mélodie ou tout simplement un solo plein de techniques dont vous ne soupçonnez même pas l'existence. Dans tous les cas, c'est injouable, mais mélodique.
Alors c'est bien beau, mais vous qui me lisez et qui connaissez voire appréciez Illogicist – quel homme de goût vous faites – tout ça, vous le savez déjà, car le groupe en est déjà à son deuxième album, donc vous aimeriez bien que je compare leurs deux réalisations. Il se trouve que vous avez de la chance, vous êtes tombé sur un chroniqueur qui, en plus de faire les meilleurs jeux de mots de tout ce site juste derrière l'inégalable cglaume, est particulièrement cultivé et raffiné et connaît bien sûr toute la discographie d'un groupe qu'il chronique. Moi.
Pour résumer, on peut noter que Illogicist suit le meilleur chemin qui soit : le groupe évolue naturellement, sans jamais renier ses origines mais en allant vers toujours plus de complexité – remarquez, l'inverse serait un comble pour du techno-death.
Toutefois, vous ne serez jamais dépaysé si vous êtes un habitué du groupe : le style n'a pas changé d'un iota. Le jeu de guitare est similaire : peu voire pas de lignes de doubles croches soutenues, qui de toute façon ne collent pas aux toujours aussi nombreuses cassures et autres changements de tempo, qu'aux désormais classiques mélodies qui se finissent deux ou trois temps avant ou après ce que notre subconscient juge comme normal.
Le plus gros changement vient en fait d'une radicalisation dans la composition. En effet, grâce à un jeu de batterie beaucoup plus riche et dense, la musique du groupe s'est brutalisée. Et pour les rares personnes cultivées me lisant, sachez tout simplement que le batteur fou jouant sur cet album à la technicité démentielle n'est autre que le célèbre Marco Minneman, qui outre le fait de passer son temps à faire des polyrythmies avec ses quatre membres dans divers projets de jazz et autres trucs presque aussi élitistes et intéressants que du techno-death, n'est autre que le nouveau batteur de Necrophagist. Plus raison dès lors de douter du rendu du prochain Necro tant cet homme sait bien s'adapter au techno-death, et je peux dores et déjà pour affirmer que n'arrivez pas à le rejouer dans votre cave aussi facilement que Epitath – quoi, comment ça vous n'arrivez déjà pas à jouer les morceaux de Epitath ?
Mais revenons à nos moutons : avec ce The Insight Eye, Illogicist gagne en technicité ce qu'il perd en immédiateté. Si certes, la production limpide comme de l'eau de source non polluée aux nitrates aide beaucoup à comprendre cet enchevêtrement de parties de guitares, de basse et de batterie joyeusement désynchronisées, il n'en reste pas moins que cet album s'avèrera totalement imbuvable pour le commun des mortels. Voilà l'une des rares choses que l'on peut objectivement reprocher au groupe : cette complexification croissante nous empêche de savourer autant les morceaux de ce The Insight Eye que l'on a pu savourer par le passé un chef d'œuvre comme « Knowledge Curse », et il faut attendre le seul passage en tremolo de tout l'album sur l'excellent « Be My Guide » pour se surprendre à headbanguer du premier coup. Un album qui ne pourra plaire qu'aux plus musiciens ou masochistes d'entre nous !
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