Slavia - Strength And Vision
Chronique
Slavia Strength And Vision
Cet album commence comme se termine Rain Of A Thousand Flames de Rhapsody. Oui-oui, vous vous êtes bien en train de lire la chronique du dernier album de Slavia, black metal norvégien avec le chanteur de Disiplin de son état. Mais je n'y peux rien moi, si Rhapsody avait déjà utilisé dans un de ses opus le quatrième mouvement (Allegro Con Fuoco) de l'ouverture de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak. Bon, la seule différence, c'est que là où Rhapsody massacrait ce chef d'œuvre en jouant et chantant par dessus, Slavia se contente d'en faire un sample d'introduction.
Bon, comme je suis un webzine de gros beaufs... de gros bœufs, je me doute que certains d'entre vous ne connaissent pas par cœur leurs œuvres classiques (ce qui est proprement scandaleux) et que Dvorak ça ne vous dit pas grand-chose. Au moins si je vous dis La Marche Funèbre de Chopin, là vous devriez à peu près savoir de quoi je parle, surtout si vous êtes fan de Candlemass. Et bien voilà, c'est ça Slavia : ça va du classique au baroque avec un magnifique rendu au niveau des violons. Quoi ? Comment ça vous n'y croyez pas ?
Oui, bon d'accord, Slavia c'est juste du black bien martial cru et sans fioritures, plus à même de vous propulser à l'esprit des images poétiques comme un défilé de majorettes en vert de gris que des choses nauséabondes et moralement répréhensibles comme une réunion de hippies, un concert de Grégory Lemarchal ou un meeting de Ségolène Royal. Et dans cette simple phrase, tout Slavia est décrit (j'admire de plus en plus mon talent) : c'est sulfureux, provocateur, outrancier, dérangé et dérangeant à tous les niveaux, et surtout musical. Il faut dire qu'avec General K du défunt Disiplin seul aux commandes, il ne fallait pas s'attendre à autre chose qu'à cela !
Comment décrire la musique de Slavia ? Prenez une base black metal norvégienne typique, rajoutez lui un feeling thrash old-school qui sera saupoudré avec parcimonie sur des refrains simples et efficaces, et emballez le tout dans une production délicieusement grésillante du fait de l'ultra saturation de la guitare et de la basse. Le rendu est assez surprenant : Strength And Vision est un album de black metal quelque part entre les années 80 et aujourd'hui, avec une production digne d'une démo de Bathory.
Vous aurez d'ailleurs parfois l'impression d'entendre des cymbales sur une ligne de guitare très mélodique comme celle de « Pissdrained Castle », mais ce n'est en fait que la distortion que l'on devine poussée à fond qui vous donnera cette impression plutôt gênante, accentuée par le fait que la batterie et le chant bénéficient eux d'un mixage tout à fait décent. Cette production difficilement supportable pour les habitués à celle du dernier Behemoth est totalement volontaire et, à l'image de l'album, paraît de prime abord être un travail plutôt fait à la va vite alors qu'il est en fait recherché, travaillé, fignolé et renforce le malaise palpable à l'écoute de ce Strength And Vision.
S'il fallait faire un reproche à cet album, c'est qu'il nage entre deux époques du black metal sans jamais les mélanger ou essayer de les concilier, à savoir d'un côté, le black old-school poisseux et entraînant et de l'autre un black metal beaucoup plus classique, plus posé et ambiancé. Et si la production sied à merveille à ce côté délicieusement rétro de l'album, elle dessert quand même quelque peu le côté froid et malsain des parties purement black metal, les rendant au final plus organiques, moins mélancoliques et moins froides. De plus, la jonction entre ces deux types de riffs s'effectue plutôt étrangement tant on a l'impression de passer d'un côté punk provocateur presque enjoué à une tension morbide palpable digne de la messe de requiem de grand tonton Bertrand qui est tragiquement décédé en mai dernier après avoir abusé des pilules bleues alors qu'il voulait faire plaisir à tatie Danièle.
Comme tout le reste dans ce premier album de Slavia (toutefois précédé d'une liste de démo aussi longue que celle des lacunes culturelles des prétendus chroniqueurs de black metal de Thrashocore, n'allez pas croire que Slavia est un groupe débutant !), cet aspect décalé est pensé, mûri et est avant tout là pour mettre l'auditeur mal à l'aise. Si ce Strength And Vision est très bon voire carrément jouissif, il ne plaira définitivement pas à ceux qu'une production digne d'une poêle à frire rebute, et l'usage abusif de samples – oui car outre Dvorak et Chopin, l'on peut entendre divers chants patriotiques et musiques tribales au début ou à la fin d'à peu près chaque morceau – apparaît un peu comme du remplissage alors que l'album ne dure que 35 très courtes minutes. On aurait clairement aimé en avoir plus.
A noter que leur cinquième concert, à Bergen, a été enregistré et que l'on peut en entendre un morceau sur leur myspace. Pour cette tournée, Lava, Hoest et Dreggen de Taake ont rejoint les rangs du groupe, et de manière définitive pour ces deux derniers. Comme quoi la scène black metal norvégienne ne se porte pas si mal que ça finalement.
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