Deathspell Omega - Fas
Chronique
Deathspell Omega Fas
(Ite, Maledicti, in Ignem Aeternum)
Trois ans après un Si Monumentum Requires, Circumspice d'ors et déjà considéré comme un des albums majeurs de ces dernières années, nos (pas si) mystérieux (et pas si) Français de Deathspell Omega nous délivre enfin le deuxième volet de leur trilogie. Et comme Kénôse nous le laissait présager pour la suite, le groupe s'est totalement détaché de ses racines Raw Black Metal afin de se lâcher totalement, et d'évoluer comme bon leur semble. Si SMRC proposait déjà une musique plus fouillée et complexe que bon nombre d'autres entités de la scène, Fas va encore plus loin avec une vision totalement unique et originale du Black Metal, en délivrant l'un des albums les plus chaotiques qui soit.
Malgré les « pauvres » trois petits quarts d'heure que comporte Fas, comparé aux 75 minutes de SMRC, on ressort de la première écoute totalement abasourdi, tant l'évolution musicale est grande. On avait quitté Deathspell Omega lorsqu'ils jouaient un Black Metal foutrement bien réalisé, fignolé, intelligent, mais conservant un côté totalement conventionnel. Et c'est là que le groupe nous prend à contrepied (à défaut de nous prendre tout court, mais pour ça, y a Satan qui s'en charge). Avec la mélodie désarticulée du premier Obombration, on comprend que les choses ont changé : ça ne sonne fondamentalement pas malsain comme pouvait l'être l'intro de SMRC, First Prayer, mais ça l'est, certainement dû à la superposition de la voix désincarnée, ainsi que des lignes de guitares qui semblent être tout aussi désincarnées.
Car si quelque chose importe dans cet opus, ce sont bien les guitares, qui mènent la marche plus que jamais. Elles transportent l'auditeur, mais on ne sait pas où. Elles le renversent, le chamboulent, le retournent, le perdent. The Shrine of Mad Laughter s'ouvre à nous comme pourrait s'ouvrir notre chair à la gloire du Seigneur. La force du morceau est impressionnante, car donnant l'impression d'être secoué par une vague de violence inouie ; et malgré tout, on accepte et on se laisse guider. Parce que dorénavant, la musique de Deathspell Omega est chaotique. Si nous savons également où ils veulent en venir, ce qu'est leur but ultime, à savoir Sa glorification, eux-seuls connaissent les chemins qu'ils vont nous faire emprunter. Et c'est cet aspect totalement barré qu'arbore Fas, rappelant de loin Katharsis pour le sentiment de khaos infernal, qui fait mal.
La batterie appuie les guitares inlassablement, se superpose à elles, et les magnifie à l'aide d'une prestation totalement incroyable de précision et d'inhumanité technique. Les breaks sont à deux doigts de provoquer la pire migraine imaginable tant ils sont fréquents et bien amenés. En fait, tout l'album donne l'impression d'avoir été enregistré sur des instruments désaccordés, tant tout sonne désarticulé et décalé. Le meilleur exemple est certainement le court interlude au piano sur The Repellent Scars of Abandon and Election, qui sonne totalement faux, quasiment amusical. C'est du Black Metal sans en être. Deathspell Omega casse toutes les conventions, comme pour mieux casser les religions auxquelles ils s'opposent. Il n'est ainsi pas rare de se retrouver avec des passages calmes, pratiquement acoustique dans l'approche, le tout surplombé par une batterie aux résonnances free-jazz, tant l'ensemble parait partir dans n'importe quelle direction. Harmoniques en tout genres, compositions à tiroirs totalement déstructurées et désordonnées, voilà ce qui compose ce Fas.
Et malgré ce manque de cohérence apparent, tout est finement cimenté. Tout est lié. A tel point que cette homogénéité feintée ne permet pas de distinguer un morceau en particulier. Tout est dans la même continuité, de Obombration à Obombration, la boucle est bouclée. L'album s'ouvre sur un Obombration qui donne ce ton désarticulé qui parcourt le disque en fil rouge, et se clôture sur un Obombration aux cuivres majestueux. Entre temps, malgré cette densité chaotique qui semble se disperser dans nos esgourdes, on remarquera certains passages magistraux, dont un, qui m'a particulièrement touché : le final de A Chore for the Lost, semblable à une montée en puissance cristalline, évoquant l'élévation de l'âme dans les hautes Sphères.
Si ce Fas est légèrement inférieur à Si Monumentum Requires, Circumspice, c'est uniquement dû à son opacité. C'est pourquoi, bien que ce soit l'un des plus grands disques de 2007, je ne pense pas qu'il marquera autant que SMRC à sa sortie. D'autant plus qu'apparemment, ça a l'air cool de chier sur Deathspell Omega en ce moment (tout comme ça a l'air de l'être pour Watain). Dommage, moi j'aime et je ne compte pas bouder mon plaisir.
| Krow 9 Janvier 2008 - 7868 lectures |
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