Quatre titres pour vingt-neuf minutes. A priori cela suffit à Deathspell Omega pour qualifier cette sortie quasi-inattendue de nouvel album. Qu’il en soit ainsi… Une chose est sûre, beaucoup d’entre nous ne s’y attendait pas même si certains signes laissaient à penser que quelque chose se tramait dans le clan des Poitevins. En tout cas, voilà une fin d’année particulièrement chargée pour le label français Norma Evangelium Diaboli qui, outre ce nouvel album de Deathspell Omega, a récemment sorti le nouveau EP de Teitanblood ainsi que le dernier méfait des Parisiens d’Antaeus. De quoi satisfaire grosso modo toute la sphère Black Metal en seulement trois sorties.
Enfin "satisfaire", c’est un bien grand mot car on sait tous que depuis maintenant quelques sorties, Deathspell Omega ne fait plus tout à fait l’unanimité. Si ces derniers s’en foutent royalement, c’est par contre un vrai sujet de conversation pour les couillons qui, comme nous, passent leur temps à écouter des albums pour tenter d’écrire quelques lignes plus ou moins pertinentes à l’usage de ces gens qui lisent encore des chroniques sur Internet.
Car en effet, à force de dissonances et de plans tordus et tarabiscotés, Deathspell Omega à petit à petit quitté les terres plus ou moins balisées de la scène Black Metal telle qu’elle pouvait être considérée il y a encore quelques années pour aller explorer en partie celles d’un Post-Hardcore sombre et chaotique. Pour certains, il n’y a aujourd’hui plus rien de "Black Metal" dans la musique de Deathspell Omega. Un avis tranché et néanmoins compréhensible à l’écoute d’un disque tel que
The Synarchy Of Molten Bones qui, s’il ne surprend pas une seule seconde dans la discographie (récente) des Français (notamment après
Paracletus et
Drought), s’inscrit néanmoins dans un cadre qui va bien au-delà du Black Metal au sens strict. Car le Black Metal n’est pas seulement une question de musique pure mais également d’atmosphère, de ressenti et de dévotion. Là-dessus, il n’y a jamais eu aucun doute possible tant il se dégage systématiquement des œuvres de Deathspell Omega une atmosphère religieuse tellement grandiose qu’elle en deviendrait presque effrayante (ne serait-ce que cette introduction menaçante à coup de gongs, de cloches, de violons et de trompettes).
Ainsi, en dépit de ces années qui séparent
The Synarchy Of Molten Bones de ses prédécesseurs, ce nouvel album reprend les choses exactement là où elles s’étaient arrêtées sans y apporter quoi que ce soit de frais. Il s’agit presque d’une première pour un groupe qui a toujours su faire évoluer sa musique au fil des années et des sorties. Je dis bien « presque » car si la recette demeure identique, elle est néanmoins poussée ici à l’extrême (le rythme général est en effet particulièrement soutenu) au point d’en devenir « presque » écœurante. En effet, difficile dans ce genre de conditions de retenir quoi que ce soit, le groupe passant effectivement le plus clair de son temps à enchaîner les plans les plus tordus et dissonants qu’il ait en rayon tout en balançant en arrière-plan quantité de blasts. Toutefois, la musique de Deathspell Omega s’est toujours faite méritée, ne brillant jamais ni par sa facilité ni par son immédiateté. Ainsi, ne voyez pas dans cette exubérance aveuglante et dissonante un frein supplémentaire à votre immersion dans cette œuvre nouvelle puisque de toute façon,
The Synarchy Of Molten Bones ne s’offrira qu’à ceux qui s’en donneront véritablement les moyens. Une fois que vous aurez compris que plusieurs écoutes attentives vous serons nécessaires, les choses devraient déjà bien mieux se dérouler. Il ne vous restera plus a priori qu’à courber docilement l’échine et ainsi accepter de vous retrouver pendant une petite demi-heure au cœur d’une tourmente imprévisible et particulièrement éreintante.
En effet, en dehors de quelques séquences moins tendues durant lesquelles va s’installer temporairement une certaine sérénité, le rythme imposé par Deathspell Omega sur ce nouvel album frise l’hystérie. Les blasts ne cessent de pleuvoir encore et encore, interrompus à de rares occasions par quelques breaks subtils qui, en plus d’offrir à l’auditeur la possibilité de reprendre son souffle, permettent également d’apprécier ces lignes de basses discrètes mais néanmoins remarquables. Et puis il y a ces riffs complètement hallucinés qui semblent mener leur propre chemin, ne respectant aucun schéma préétabli, aucune construction saine d’esprit... Un balai incessant d’idées qui semblent partir dans tous les sens sans qu’il y ait de ligne directrice. Une espèce d’improvisation impressionnante mélangeant à la puissance et l’agressivité du Black Metal et au caractère chaotique et dissonant du Post-Hardcore la subtilité de jeu et à la liberté de composition du Jazz. On pourra alors reprocher à Deathspell Omega de chercher à trop en faire, pour ma part je reste impressionné par le résultat final et cette facilité qu’à le groupe à concilier ces différentes approches à travers des titres remarquables. Le point d’orgue est probablement atteint ici sur l’impressionnant "Onward Where Most With Ravin I May Meet" qui, du haut de ses dix minutes, fait pleuvoir sur l’auditeur une déferlante de plans et de séquences en perpétuelle mutation. Et si on peut avoir au début la désagréable impression de subir tout ce qui se passe sans en retenir quoi que ce soit d’intéressant, les choses finissent petit à petit par se révéler et s’éclaircir faisant ainsi de ces vingt-neuf minutes, un pur moment d’extase et de contemplation.
La mode semble être aux albums courts en cette année 2016. Entre les dernières productions Dark Descent qui ne dépassent pas les trente-cinq minutes et ce nouvel "albu"» de Deathspell Omega, il ne faudra pas vous montrer trop gourmand (heureusement, Cultes Des Ghoules est là pour compenser). C’est d’ailleurs à mon sens le seul vrai reproche de cet album qui aurait mérité un ou deux titres supplémentaires. Néanmoins, si le format se veut expéditif, la qualité est une fois de plus au rendez-vous. Certes, les Poitevins se montrent peut-être moins curieux qu’autrefois, ayant vraisemblablement trouvé le terrain qui sied à leur vision ascétique, mais leur Black Metal chaotique et dissonant à la fois sombre et rayonnant s’impose très vite (et une fois de plus) comme une référence en la matière. Avec
The Synarchy Of Molten Bones, Deathspell Omega continue également d’assoir la France comme un pays absolument incontournable lorsqu’il s’agit de Black Metal. Et même si j’en vois certains déjà crier au scandale, prétextant l’auto-parodie et l’utilisation de l’étiquette "Black Metal" à des fin fallacieuses, peu importe, voilà encore un groupe qu’on va encore longtemps nous envier.
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