Deathspell Omega - Diabolus Absconditus
Chronique
Deathspell Omega Diabolus Absconditus (EP)
Dernier EP non-chroniqué en nos pages de Deathspell Omega, « Diabolus Absconditus » est un morceau-titre assez particulier dans la discographie du trio. Initialement paru sur le Split « Crushing The Holy Trinity », cette longue pièce de vingt-deux minutes a la particularité de contenir en son centre un long passage acoustique, fait peu commun pour le groupe. Conceptuellement parlant, « Diabolus Absconditus » est une référence déformée au « Deus Absconditus » initialement crée par Thomas Aquinas mais relayé plus tard par Pascal dans ses « Pensées », on retrouve ici encore la fameuse lecture des textes anciens et des concepts théologiques ré-interprétés (« Dieu » devenant donc « le Diable ») par Deathspell Omega. La doctrine du « Dieu caché » vise en fait à ré-habiliter certains passages de la Bible (Livre d'Isaïe) qui considèrent que Dieu n'est pas accessible à tout le monde, fait qui a l'accoutumé est soutenu par la plupart des croyants / religieux. Il est nécessaire pour comprendre cette idée de ne pas la confondre avec l'idée d'un Dieu « immatériel » qui ne serait pas visible à cause de son immatérialité. Le véritable sens de Dieu réside dans le fait que ce dernier apparaît dans le cœur de l'homme, déclenchant par la même occasion l'évidence de la révélation et la mise en place de la Foi. Or, le « Deus Absconditus » défend la théorie que Dieu se cacherait de l'homme, ou plutôt chercherait sciemment à l'éviter compte-tenu du nombre de pêchés que contient le cœur de l'homme, égoïste et aveuglé par la corruption découlant directement du pêché originel.
Inspiré également par les écrits les plus mystiques de l'écrivain post-surréaliste Georges Bataille, en particulier ceux portant sur la notion de « révélation », Deathspell Omega reprend ce concept à son compte et le mue en une lecture luciférienne où la joie du Seigneur résiderait cachée dans les horreurs que la bête aurait insufflée à l'homme. Tout un programme qui tient donc en vingt minutes, articulées comme trois parties bien distinctes qui semblent coïncider avec un concept d'évolution thématique et « morale ». Le début du morceau semble symboliser une réflexion, une série de questions, la partie centrale propose une lecture de cette révélation « cachée », subtile, intériorisée au maximum (ce qui explique ce passage acoustique apaisé) et la final du titre, épileptique et serti de riffs mélodiques propose lui une conclusion en forme de Foi absolue et de réponses évidentes aux questions précédentes. Si « Diabolus Absconditus » est toujours très orienté vers la théologie, il est cependant la sortie la plus métaphorique de la formation puisqu'on y retrouve une série de comparaisons sociale (au début du texte) et des partis pris artistiques somme tout assez différents de ce à quoi nous étions habituées. Des riffs plus lumineux (sur le final, mais aussi en point d'orgue du premier mouvement électrique), une production très organique, pour ne pas dire sèche et ce fameux passage acoustique vraiment réussi en terme d'émotions, notamment grâce à sa ligne se basse travaillée qui permet de rendre la guitare encore plus touchante.
« Diabolus Absconditus » instaure une ambiance oppressante dès son entame pour mieux la muer en apaisement, en réconfort musical, voire en extase mentale sur la fin. Une progression thématique dans la composition qui marque d'une forte empreinte ce morceau-fleuve : on se retrouve alors ballotté entre inconfort dérangeant (la voix de Mikko débitant inlassablement ces phrases énigmatiques sur des accords chevrotants) et moment de pure beauté céleste (le reste du morceau). En ce sens, « Diabolus Absconditus » est peut-être le titre le plus « catchy » de la discographie des poitevins puisque malgré sa longueur gargantuesque, il recèle de passage facilement mémorisables qui vous donneront sans cesse l'envie d'y retourner. Mais c'est peut-être aussi ce qui empêche ce court E.P d'atteindre pleinement son but : posséder un potentiel de replay aussi important que d'autres sorties du combo. Fatalement, si tout se révèle plus vite, on ressent moins l'envie de creuser et de chercher dans la fond des indices, des traces ou des notes perdues qui nous avaient échappées.
Cela dit, il ne faut pas non plus sous-estimer le potentiel immersif de cette sortie aux allures de « repos du guerrier ». Plus qu'un monde énigmatique que nous désirons comprendre, « Diabolus Absconditus » - un peu à la manière de
« Drought » dans un autre registre – est un voyage balisé, aux paysages définis et aux ambiances atypiques mais évidentes. Il s'agit alors de savoir ce que vous préférez personnellement dans le style Deathspell Omega, cependant une chose est sûre que vous soyez amateurs de mystères insolvables ou de longs périples comme celui-ci, vous serez tout de même enchantés à l'écoute de cet EP, qui – même s'il n'est pas mon préféré - reste inévitable pour les amateurs de Black Metal comme toute la discographie du plus obscur des trios français.
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