The Furnaces of Palingenesia est le déjà 7ème album des français de Deathspell Omega. Septième effort d’une carrière en progression constante, en construction modèle, le combo poitevin passant d’un BM type, déjà intéressant avec Infernal Battles et Inquisitors of Satan, au BM déstructuré, torturé, alambiqué, post truc, math machin que l’on connaît aujourd’hui même si, entre temps, quelques flirts avec le BM orthodoxe ont pu se faire jour (l’époque
Si Monvmentvm Reqvires, Circvmspice /
Kénôse /
Fas - Ite, Maledicti, in Ignem Aeternum).
La musique de Deathspell Omega est de celle qu’il est difficile de définir parce qu’elle est, en elle-même, délicate à appréhender. Les structures surchargées en informations, l’espace sonore tapissé, l’entrelacs d’instruments, de couches, de changements de rythmes imposent en effet à l’auditeur une pleine attention. L’immersion dans la musique du combo est désormais à ce prix. Et si, avec le temps, le groupe gagne en notoriété, il n’a pas, hélas, gagné en simplicité, ni en attrait tant
Paracletus et surtout
The Synarchy Of Molten Bones m’avaient semblé longs et peu enthousiasmants, surtout comparé aux plus vieux albums.
The Furnaces of Palingenesia s’écoute, comme
Paracletus et
The Synarchy Of Molten Bones, avec un décodeur ou une calculatrice atomique à la main. Mais il est plus accrocheur. Sans aucun doute, pour ma part. Ce d’autant que les titres ont perdu en durée ce qu’ils ont gagné – vases communicants ? – en intensité.
Neither Meaning nor Justice, le titre introductif, ne réserve aucune surprise : la voix est de suite identifiable, l’ambiance apocalyptique est posée, les petits riffs insidieux commencent leur entreprise de tricotage (Ad Arma! Ad Arma! encore). The Fires of Frustration le confirme. Les riffs sont toujours alambiqués, la technique éclabousse l’espace sonore que martèle une batterie épileptique. Comme à son habitude, la rythmique maintient un tempo très élevé et la voix, par contraste, est presque déclamée. Seules les guitares, comme c’est le cas depuis
Si Monvmentvm Reqvires, Circvmspice…, créant les arabesques nécessaires à l’évolution du titre. On notera cependant que la batterie et ses accélérations redoutables joue également un rôle un poil plus présent (Fires of Frustration). Ce contraste, plus fort que dans les deux albums précédents, marque le retour à une volonté d’appuyer les passages les plus lourds, de faire ressortir au maximum les plages de relief en axant beaucoup les structures sur les accélérations, notamment à la batterie (Fires of Frustration ; Splinters from Your Mother's Spine ; Imitatio Dei).
En somme, en laissant les structures davantage respirer, en développant son propos autour des contrastes qui ont fait sa gloire, en abandonnant la vitesse pour la vitesse, Deathspell Omega est redevenu intéressant. Pertinent. Le blast n’est plus LE ressort du groupe mais l’un d’eux, au service des titres. La déstructuration n’est plus la seule raison d’être du combo mais une façon d’apporter du relief aux passages les plus calmes (Ad Arma! Ad Arma!). Le chaos n’est plus le leitmotiv du groupe mais l’une de ses armes sonores (Splinters from Your Mother's Spine, Renegade Ashes).
Il reste que, par instant, le groupe retombe à mon sens dans ses travers qui consistent à s’éloigner du BM, de la saleté, des bas-fonds pour embrasser à grandes étreintes des territoires vaguement mathcore/bordelcore/chaoshardcore à la Converge, Comity et consorts… et que, pour ma part, je trouve que ça lui va mal (Splinters from Your Mother's Spine, un peu Imitatio Dei, sauvé par les accélérations finales, Sacrificial Theopathy ou 3 minutes d’agression permanente sans grand répit, sans grand relief). C’est tout au contraire lorsqu’il installe des ambiances religieuses (1523), des atmosphères de menace (Fires of Frustration, Standing on the Work of Slaves), quand il ralentit la cadence pour alourdir son propos, que le combo poitevin est dominant. Ce d’autant que les guitares trouvent à exprimer pleinement leurs arabesques délicates (1523, morceau magnifique, planté en plein milieu d’album ; You Cannot Even Find the Ruins…) ou que la basse se fraie enfin un chemin dans le fatras sonore (Standing on the Work of Slaves).
Ces ralentissements siéent parfaitement au groupe car leur son, en outre, est adapté à cet état. Chaud, profond mais également, paradoxalement, claquant et un poil clinique sur les guitares, il offre de mettre en valeur l’ensemble de l’instrumentation et des arrangements. Des instruments et des arrangements que l’on ne perçoit plus lorsque la vitesse est supersonique et que la structure est trop chaotique pour que l’oreille puisse tout suivre.
The Furnaces of Palingenesia présente bien des atouts et marque, à mon sens, un retour au Deathspell Omega pertinent, au Deathspell Omega qui sait rendre ses compos attrayantes, au combo qui comprenait combien la déstructuration et la vitesse n’avaient de sens que si elles offraient à l’auditeur des prises, du relief, des respirations permettant de saisir la richesse des structures proposées. En ralentissant pour l’essentiel son propos et en revenant à des ambiances plus « orthodoxes », Deathspell a retrouvé une partie de son âme.
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