Tombs - Winter Hours
Chronique
Tombs Winter Hours
TOMBS. Winter Hours. Avec un nom pareil, on se doute bien qu'on n'aura pas affaire à un groupe de happy metal. La longue litanie d'affiliés alternatifs ou indie rock épinglés sur myspace n'incite pas non plus à l'optimisme béat. NEUROSIS. DEATHSPELL OMEGA. TODAY IS THE DAY. Que du easy listening, vous en conviendrez. La prudence est donc de mise et un petit détour chez Quentin Tarantino s'impose pour préparer au mieux cette descente en profondeurs noisy. Remember KILL BILL 2 ? La scène où Uma Thurman, après s'être fait refaire la poitrine à coup de gros sel par ce vieux briscard de Michael Madsen, se retrouve enterrée vivante, entre quatre planches, avec une pauvre lampe de poche comme dernière lueur d'espoir avant la fin ? Asphyxie. Claustrophobie. Désespoir. Ongles arrachés à force de gratter vainement le bois du cerceuil. Tels sont les maîtres mots de « Winter Hours » et à moins d'avoir survécu à un stage chez Pai Mei, ce premier album de TOMBS fera office de dernier souffle avant que le manque d'oxygène n'ait raison de vous. Vous rêviez d'un autre accompagnement musical et d'une fin rapide ? « Winter Hours » s'étend sur 40 minutes qui en paraissent facilement le double. Une douloureuse et lente agonie. Faudra faire avec.
Et comme vous dans votre prison de 86X180 cm, le groupe de brooklyn passe par tous les états ; détresse infinie teintée de renoncement sur “The Divide” ou dernier sursaut mené avec l'énergie du désespoir sur “Beneath The Toxic Jungle”. La ligne de démarcation entre postcore hypnotique neurosien et accalmies introspectives façon JESU est aussi fragile que votre santé mentale, depuis qu'on vous a envoyé pourrir six pieds sous terre sans même vous en conter la raison. Est-ce pour avoir trop longtemps dénigré le genre, ô combien difficile, au profit de nombreux combos brutal death bien plus accessibles ? Ou pour avoir ostensiblement affiché votre mépris du black metal, dont on trouve trace sur les passages les plus rapides d'un skeud frappant direct au coeur, sans passer par la case gentille mélodie aguicheuse ? Oh bien sûr, Mike Hill fait parcimonieusement usage de chant clair, tantôt forcé, tantôt empreint d'émotion (sur “Gossamer” notamment) quand il ne déverse pas sa rage par dessus un déluge de textures sonores flirtant dangereusement avec le sublime. Pas l'adjectif sublime que nous connaissons tous mais plutôt celui, tumultueux et indomptable, matérialisé par le paysagiste anglais William Turner ou les romantiques comme Caspar David Friedrich, dont la vision sombre et cataclysmique tranchait singulièrement avec les canons du classicisme davidien. Et puisqu'on en est au chapitre des considérations esthétiques, au passage, vous reprendrez bien un peu de Kant ?
Pour Kant, le sublime est spécial et ne ressemble en rien au beau. Là où le beau se présente toujours à nous avec un aspect défini, le sublime nous donne l'impression de l'illimité. En même temps que le sublime et le beau se distinguent par leur nature, les émotions qu'ils nous donnent diffèrent. Si le beau procure une sensation de calme et de tranquilité, le plaisir du sublime lui, est empreint de douleur. Quand nous avons contemplé le sublime, il se produit en nous une légère douleur, une sorte d'aspiration vers cet infini du sublime que l'esprit ne peut embrasser tout entier. C'est là ce qui produit cette gêne, agréable cependant; car cet effort pour saisir le sublime a beau être impuissant, il est élevé, et nous lui devons un contentement d'ordre supérieur.
De là à dire que ce cher Emmanuel aurait fait le distingo entre JOE SATRIANI et CULT OF LUNA, il n'y a qu'un pas. Mais ça, vous vous en foutez comme de votre premier disque de heavy metal. Car à l'heure qu'il est, vous rendez l'âme lentement mais sûrement, au rythme lancinant de compositions envahissant l'espace sonore à la manière d'ALCHEMIST ou KILLING JOKE (comprendre : beaucoup de réverb' sur les grattes). Fear is the weapon peut on lire sur leur page myspace. Pour ça, les fossoyeurs de TOMBS n'ont pas menti et le trio Mike Hill/Andrew Hernandez/Carson Daniel James donne volontiers dans le tout oppressant, privant de repères l'auditeur égaré en livrant une partition quasi monolithique, dans le sens ou les compositions de TOMBS semblent être organiquement liées les unes aux autres. Retirez un titre de la tracklist et toute chaleur humaine quittera à jamais l'enveloppe charnelle d'un “Winter Hours” tout en souffrance, que chaque seconde écoulée rapproche un peu plus de la raideur cadavérique. Un peu comme vous dans votre dernière demeure en sapin, l'odeur de la terre fraîchement remuée en moins.
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