The Prestige - Amer
Chronique
The Prestige Amer
Vous n'êtes probablement pas sans savoir que niveau Hardcore, on se démerde plutôt bien ici bas. Fort d'une scène riche, qualitative et de plus en plus reconnue mondialement, la France se révèle aujourd'hui comme une nation importante de toutes les dérivations du Punk-Hardcore. Et le groupe du jour ne fait pas exception à la règle puisque The Prestige officie dans un gloubiboulga de saveurs Hardcore / Post / Mélodique / Chaotique. On pourrait déjà être blasé par ce cocktail somme tout assez commun et déjà écouté par tout ceux qui apprécient un minimum le genre, seulement « Amer » a tout de même quelques arguments ayant de quoi faire plaisir à nous, les auditeurs blasés en règle générale. Petit décryptage des Parisiens...
The Prestige entre assez facilement dans la case du Hardcore moderne celle qu'on retrouve chez Throatruiner, Deathwish ou autres No Sleep, et appelle très vite à la comparaison avec Birds In Row, Defeater ou Direwolves. Aux premières écoutes d' « Amer », j'ai moi même été saisi par certains similitudes avec deux de ces formations. Les natifs de la capitale partagent en effet cette dualité entre musculature saillante aux biceps sur-développés et gonflés à grand coups de cures de protéines Sauvé et errance d'un petit cœur tout mou qui semble avoir parfois des problèmes avec les relations humaines, la nostalgie et les fantômes du passé (« Bête Noire » est une bonne illustration de cet affrontement entre deux facettes d'une personnalité).
Alors, The Prestige, bipolaire assumé aux inspirations flagrantes ? Oui, mais pas seulement puisque ce disque s'amuse quelques fois à nous désorienter. Un peu comme on finit par différencier Cowards et Kickback au fil des écoutes, on arrive enfin à voir la différence entre The Prestige et ses aïeuls, qu'ils soient français ou américains. Plus urbanisé, plus architectural – pour ne pas dire sculptural -, « Amer » sait par moment livrer ces impressions de vertiges, comme si on regardait le sol depuis le haut de la Tour Montparnasse (« Voir Dire »). Les quelques apports de guitares Post-Metal/Hardcore sont ici des tendances à l'élévation, dans le sens le plus strict. Il n'est pas fondamentalement question d'une ascèse spirituelle mais plutôt d'une prise d'altitude au sens propre. Comme si les géniteurs du disque, perdus dans une jungle urbaine dense et gigantesque, cherchaient en montant en haut d'une butte à trouver la côte maritime la plus proche.
« Négligée » et son intitulé des plus céleste illustre bien ces partis pris originaux : un apport de lenteur, de noirceur moins franche du collier qu'à l'accoutumée et un soupçon de mélodie distillée ça où là, pour tenter d'attraper la main du chaland qui viendrait à glisser malencontreusement sur une plaque d'huile pendant la traversée du boulevard. Si l'on est parfois prostrés à l'écoute de certains disques, je n'arrive à voir chez The Prestige qu'un homme debout, rempli de l'énergie des années précédentes que l'on imagine sans peine emplies de regrets, de frustrations et de renfermements sur soi-même. Remarquablement, cette personnalité complexe arrive à surprendre l'auditeur, en tentant des chants clairs bien fichus (« Petite Mort » en forme d'aération générale visant à enlever la saturation en pollution de l'album) ou en amenant avec science et talent des envolées sur des morceaux parmi les plus expéditifs (« Apaches »), alors qu'on les aurait logiquement attendues sur des titres plus longs.
« Amer » est donc bien illustré par son titre auquel on octroiera sans peine le qualificatif « adéquat ». Si quelques rayons de lumières arrivent parfois à percer le smog (« Cri de Coeur »), on sent toute la grossièreté et la rancœur de l'amertume évoquée, celle dont le goût reste collé sur les papilles même si l'on y colle une grosse dose de dentifrice avant d'aller se coucher. Et même si cette « Ingénue » développe un spleen des plus Baudelairiens, illustré par une louche de blues Defeater d'orientation Lavalloise nous recollant à la réalité, on retrouve globalement cette impression de flotter au dessus de la morosité ambiante par un détachement musical palpable. Désespéré de loin, semblant hurler une rage contenue comme un Poltergeist coincé frapperaient les murs pour tenter d'ouvrir une communication avec les habitants.
À n'en pas douter, The Prestige nous a ici offert un disque loin d'être creux et qui recèle en son sein des ambiances valant de le coup d'être défrichées. Plus qu'un simple patchwork d'influences et de styles musicaux, « Amer » se révèle finalement au bout de deux ou trois écoutes et livre alors son plein potentiel de morceaux émouvants, d'ambiances bétonnées, grisâtres et remplies d'aspérités creusées par le temps qui passe. Une vieille pierre que l'on prend plaisir à toucher, à sentir avec le bout de ses doigts...
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