Comity - The Journey Is Over Now
Chronique
Comity The Journey Is Over Now
Il y a toujours un risque et surtout une légère appréhension à se jeter corps et âme dans la chronique d'un disque de Comity. Depuis le début de sa carrière, le groupe parisien nous a appris que rien n'était acquis d'avance et que pénétrer son univers tarabiscoté n'était pas donné à tout le monde et surtout pas au premier venu. En fait, Comity est un groupe qui s'est toujours imposé une certaine forme de rigueur et d'exigence musicale et artistique et c'est donc tout naturellement qu'il en est demandé de même à ceux qui oseront porter leurs oreilles sur un de leurs disques. Bien sur cette demande n'émane pas du groupe. Non, évidemment. Elle s'impose tout simplement d'elle même si l'on souhaite saisir un tant soit peu ce que Comity tente à chaque sortie de transmettre et de véhiculer.
Nous en étions ainsi restés au précédent EP intitulé You Left Us Here. Un disque qui marquait le retour des Parisiens à la vie active suite à leur split survenu trois ans plus tôt. Un retour enthousiasmant mais pas totalement convaincant. Une mise en bouche alléchante plus qu'un comeback fracassant. Trois ans plus tard, Comity revient en fanfare via l'excellent label Français Throatruiner. Pour l'occasion le label nous propose ainsi deux versions. Une édition doubles vinyles avec (à priori) de chouettes inserts reprenant l'univers marin de la pochette et une édition CD digipack un peu moins sexy mais pas moins dégueu pour autant malgré la pochette différente.
Constitué de quatre titres intitulés simplement "Part I", "Part II", "Part III" et "Part IV", Comity semble insister sur la nécessité d'appréhender The Journey Is Over Now comme un tout et non comme une individualité de titres indépendants les uns des autres. La vision des Parisiens est plus globale et suggère en effet que l'on en saisisse chaque partie pour en apprivoiser le tout. Un tout qui dépasse les cinquante et une minutes avec un dernier titre fleuve de plus de vingt et une minutes. De quoi décourager les moins motivés ou les plus pragmatiques.
Pourtant, malgré ces traits de caractère qui n'engage pas forcément à la découverte, l'immersion semble plutôt aisé. Comity en aurait-il terminé avec son introspection noire et tourmenté? Peut-être bien que oui car The Journey Is Over Now donne dès la première écoute le sentiment d'être nettement moins hermétique que les précédentes productions du groupe. N'allez pas croire que la musique de Comity soit devenue facile d'accès. Le format étiré de ses compositions et la trame générale plutôt décousue en apparence devraient suffire à en décourager plus d'un. Non, en fait, il y a une certaine luminosité qui transparait à l'écoute de ce nouvel album. Une luminosité musicale que l'on doit en partie à cette production très propre, presque rock, qui n’alourdit pas le propos des Parisiens et donne beaucoup de visibilité à chacun des instruments. Une luminosité que l'on doit aussi et surtout à des riffs et à des mélodies qui puisent l'essentiel de leurs influences dans des sonorités indie rock / post-hardcore / noise rock assez évidentes. Cette constatation semble très clair dès "Part I" qui transpire la fougue d'un rock'n'roll complexe (ces plans syncopés), un brin dissonant (un riffing souvent noisy) mais finalement toujours assez catchy d'un point de vue mélodique ou rythmique. C'en est même vraiment étonnant de la part de Comity car il y a une certaine fraîcheur et légèreté (toute proportion gardée) dans ce titre qu'on ne connaissait pas au groupe Parisien.
Un groupe qui semble plus unis que jamais malgré les nombreux problèmes de line-up qu'il a connu. Une unité qui paraît évidente dès les premières notes de "Part I" et son mélange de voix vraiment bien trouvé. Un mélange que l'on retrouve d'ailleurs tout au long de l'album et qui donne à voir un Comity revisité et multiple. C'est assurément l'une des bonnes surprises de cet album pour ma part. Car si Thomas reste le chanteur du groupe, l'appui collégial de ses compagnons de galère apportent énormément de dynamisme et d'énergie au groupe. Qui plus est, Thomas à fait pas mal de progrès. Son chant qui était avant rugueux, sale et profond mais un poil trop linéaire à mon goût à gagné aujourd'hui en variété. Ses cris sont nettement moins poussifs qu'auparavant, ses lignes de chant sont plus riches et ses intonations moins maladives et plus féroces. Une progression qui semble évidente aujourd'hui mais qui, j'ai trouvé, à mis du temps à venir.
The Journey Is Over Now est lui aussi en constante progression, évoluant au fil de ses quatre parties. "Part I" et "Part II" sont les titres les plus "faciles" car les plus accrocheurs malgré leurs constructions alambiquées. On remarque tout de même que "Part II" se montre un poil plus sombre et agressif, plus intense et tendu aussi. Comity nous fait ensuite un joli pied de nez avec l'excellent et inattendu "Part III". Un titre instrumental de plus de neuf minutes qui débute sur une mélodie orientale aussi apaisante qu'intrigante. Cette mélodie s'écoule au fil de l'eau jusqu'à cesser d'exister. Elle laisse ensuite la place à une guitare acoustique qui s'accompagne d'une bourdonnement synthétique qui monte et qui descend en intensité avant que tout ne s'éteignent une fois encore pour laisser place à une nouvelle guitare sèche, rejoint cette fois par les autres instruments, et qui reprennent un troisième et dernier thème avant de conclure et laisser la place à "Part IV" et ses vingt et une minutes. Vingt et une minutes aux multiples facettes dont il est difficile de considérer le tout tant chaque minute est différente de la précédente. Après une première moitié rappelant les "Part I" et "Part II" (surtout les six première minutes), "Part IV" emprunte des sentiers plus tortueux et plus introspectifs. Comity se fait alors plus difficile à mesure qu'il approche de la conclusion de sa dernière œuvre. Thomas est alors seul, abandonné dans un océan de noirceur. Submergé par ces mélodies décousues et froides. Puis une lumière, quelques mains tendues pour mener de front un dernier assaut commun où chacun braille dans son coin à s'en arracher les cordes vocales avant de s'arrêter tout net, jouant les instruments encore quelques secondes avant de s'effacer et de laisser place au silence.
Le voyage est terminé maintenant... Et si You Left Us Here c'était montré encourageant sans être complètement convaincant, Comity vient avec ce nouvel album de balayer d'un revers de main tous les doutes que l'on pouvait avoir sur leur capacité à se renouveler, à nous enthousiasmer et à nous surprendre. Plus lumineux et aussi plus facile d'accès, The Journey Is Over Now n'en reste pas moins un disque qui s'apprivoise avec le temps et qui surtout continuera de se révéler au fil des écoutes. En perpétuel mouvement, Comity réussit avec ce nouvel album le tour de force de se réinventer alors que nous étions loin de lui en demander autant. Un retour ultra convaincant pour un groupe qui malgré déjà son haut niveau continue de progresser sur bien des points. La perfection n'est plus très loin.
| AxGxB 21 Mars 2012 - 2346 lectures |
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