Tenet - Sovereign
Chronique
Tenet Sovereign
Les all-star bands annoncés de longue date comme de potentiels nouveaux patrons du circuit, on a l'habitude, et surtout celle d'être déçus en bout de course par un produit tout sauf conforme au pedigree de leurs acteurs. C'est bien connu, un casting alléchant ne garantit pas forcément un album mémorable à l'arrivée, d'autant que les musiciens de renom de la scène metal ont souvent à coeur de rompre avec les automatismes de composition de leurs groupes respectifs. Dans cet ordre d'idée, TENET, le projet post-STRAPPING YOUNG LAD/ZIMMER'S HOLE de Jed Simon (pourtant mis sur les rails dès 1996 avec le batteur Steve Wheeler), dont on pouvait cerner les contours rythmiques sur myspace il y a déjà un an et demi, s'était mis une pression d'enfer par le seul renom des participants : la section rythmique toute entière de SYL (Byron Stroud et Gene Hoglan, qui remplace Adrian Erlandsson au pied levé) associée à deux vieilles gloires de la scène thrash nord américaine, Steve Souza (EXODUS, DUBLIN DEATH PATROL) et Glen Alvelais (FORBIDDEN, TESTAMENT). Et comme de bien entendu, « Sovereign » sonnerait comme tout sauf un croisement entre la machine de guerre canadienne et du thrash classieux estampillé bay area. Restait à savoir quelle voie emprunteraient nos bourrins préférés, entre hardcore mélodique teinté de glam et postcore à chanteuse, à coup sûr deux marchés porteurs d'avenir au cours de la prochaine décennie.
Eh bien sonnez clairons, résonnez trompettes mes frères car contre toute attente, l'affiche tient les promesses de son titre : STRAPPING YOUNG LAD + EXODUS + TESTAMENT = TENET. Alors vous me direz, t'es bien gentil coco, mais le mélange entre thrash vintage et metal moderne façon Townsend, je demande à voir. Pour être très clair d'emblée, ce premier album s'adresse bien plus aux aficionados de thrash US qu'aux adorateurs de maître Devin ; si les chantres de la modernité retrouveront certains de leurs petits sur le plan rythmique, les poids lourds Jed Simon, Byron Stroud et Gene Hoglan remplissant parfaitement leurs rôles de maîtres démolisseurs, le chant à l'ancienne et sans aucune concession de Zetro risque de former pour pas mal d'entre eux un obstacle insurmontable. En effet, face à pareil systématisme dans le pilonnage, que faire lorsqu'on est identifié comme le Brian Johnson du thrash, troisième sorcière officielle de la contrée après Blair Witch et Bobby « Blitz » Ellsworth (OVERKILL)? Vomir façon ultra guttural brutal slammoshing death metal? Virer industrial rock et faire comme le Kapt'n K, planqué derrière un mégaphone? Point du tout. Pour faire bonne figure, l'inégalable Steve Souza (dont je suis fan absolu, vous l'aurez compris) s'est mis en tête de gueuler, comme jamais, à plein poumons, et tout le temps. Complètement hors de lui, l'ancien frontman de EXODUS livre une prestation à ce point ahurissante que mêmes ses sympatisants habituels finiront l'album sur les reins, estomaqués par l'intensité (et la fréquence redoublée) de ses hurlements. Première surprise de taille, l'élément le plus extrême du disque n'est donc pas le jeu de double pédale de Gene Hoglan mais bel et bien le chant!
On se félicitera de la présence du génial Zetro qui, non content de ringardiser définitivement Rob Dukes et de renvoyer à leurs chères études l'armada de gueulards sans coffre ni charisme de la new wave of american thrash metal, trouve ici un terrain de jeu propice aux épanchements les plus brutaux. La décennie écoulée n'ayant pas accouchée d'un trop plein de chef d'oeuvres en la matière, « Sovereign », qui par bien des aspects se rapproche de mon idéal thrash-métallique, débarque à point nommé pour rétablir certaines valeurs de bases, au premier rang desquelles se trouvent les solis : entre les partisans de l'épure rythmique rejouant le même morceau à l'identique quatre albums durant (LEGION OF THE DAMNED), les papys en bout de course qui n'arrivent plus à aligner deux leads correctes (METALLICA et surtout SLAYER, dont le « World Painted Blood » s'annonce calamiteux) et la jeune garde qui confond vitesse et précipitation (RAMMING SPEED, BONDED BY BLOOD et consorts), il n'y avait guère que Dave Mustaine, Alex Skolnick ou Glen Drover pour relever le niveau (non, je n'oublie pas Jeff Loomis de NEVERMORE). Ajoutons désormais à cette liste l'excellent Glen Alvelais, intérimaire de luxe chez TESTAMENT sur le live « Return To The Apocalyptic City » et « Demonic » (avec Gene Hoglan, déjà). On savait le bonhomme suffisament doué pour relayer au pied levé un Alex Skolnick démissionnaire mais au regard du niveau de jeu dont il fait montre ici, le terme d'intérimaire de luxe deviendrait presque insultant. Dans un registre très proche de ce que TESTAMENT proposait sur ses cinq premiers albums (et sur son petit dernier, « The Formation Of Damnation »), Glen Alvelais, en charge de la section lead, caviarde l'album d'interventions aussi inventives que lumineuses, saisissant la moindre occasion d'aligner un déluge de notes aussi jouissif qu'un meeting impromptu entre John Rambo et une escouade de birmans. Rarement prévisibles dans leur placement, les compositions de Jed Simon évitant avec brio l'écueil d'une structure basique, ses solis occupent l'espace sonore de manière aléatoire, que ce soit dès l'entame (« Watching You Burn », dès 8 secondes), à la relance le temps d'un final explosif (« Crown Of Thorns », « Take A Long Line ») ou encore à mi parcours sur « Hail! Hail! » pour ce qui s'impose comme le passage thrash le plus marquant depuis des lustres : porté par les coups de semonces brise-nuques d'un riff sylien au possible, le morceau décolle véritablement à 1:50, le temps d'une monstrueuse envolée héroïque (plus d'une minute au compteur!) qui tient du pur génie, Steve Souza en rajoutant une couche à l'adresse d'un public qu'on imagine incandescent en concert sur pareil chef d'oeuvre. Plus conquérant tu meurs et si l'on doit un jour gravir les marches du paradis (ok, dans mon cas ce sera sûrement l'enfer), c'est au son de « Hail! Hail! » que l'on fera son entrée au royaume des morts!
Au carrefour d'un thrash moderne et puissant, jonglant habilement entre excès de vitesse (la speedée « Being And Nothingness », « Crown Of Thorns », « Take A Long Line »), avalanche de blasts et de double pédale (« Indulge Me ») et mid tempo plus ou moins séduisant – « Unnameable », un peu longuette, la sombre, rampante et atypique « Going Down » - « Sovereign » n'est toutefois pas exempts de (légers) défauts. Outre une production signée Jed Simon et Vincent Wojno (le « Cause For Conflict » de KREATOR) tirant un peu trop vers les aigus, le niveau de jeu global, quoique vraiment très réjouissant, reste un peu inégal, TENET se contentant pour l'instant de flamber par séquences. Sans doute est-ce le prix à payer d'une alliance old school/new school restant encore à parfaire, Glen Alvelais ayant parfois du mal à caler ses parties ultra mélodiques sur les riffs nerveux de Jed Simon (sur « Crown Of Thorns » à 2:56 notamment). La fin de programme n'étant pas des plus enthousiasmantes – le ventre mou de « Watching You Burn » et un title track étonnament faiblard pour conclure – on insistera plus volontiers sur les premières salves d'un « Sovereign » débordant de hargne et de rage, brillant sur le plan mélodique, à peine moins abouti sur le plan des riffs, encore que ceux, fantastiques, de « Being Nothingness » et « Take A Long Line » valent que l'on passe outre deux ou trois minces imperfections.
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8 COMMENTAIRE(S)
citer | C'est vraiment un très bon album, du Thrash puissant qui frise le Death Metal, et le son est vraiment puissant. Le Line up peut laisser rêveur avec des musiciens de marque ! |
citer | Keyser a écrit : [quote="Thomas Johansson"]Grave haha! Va écouter Eliminator, je suis sûr que t'aimeras pas
Manqué! j'ai trouvé ça pas mal en fait. |
citer | Thomas Johansson a écrit : Keyser a écrit : Pas convaincu par les extraits typiques du thrash moderne, ça bourre de façon stérile avec une grosse prod mais sans âme...
C'est dingue, on est quand même rarement en phase sur le thrash toi et moi, sorti de Megadeth et Machine Head. Un peu comme en football quoi ...
Grave haha! Va écouter Eliminator, je suis sûr que t'aimeras pas
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citer | Keyser a écrit : Pas convaincu par les extraits typiques du thrash moderne, ça bourre de façon stérile avec une grosse prod mais sans âme...
C'est dingue, on est quand même rarement en phase sur le thrash toi et moi, sorti de Megadeth et Machine Head. Un peu comme en football quoi ... |
citer | Pas convaincu par les extraits typiques du thrash moderne, ça bourre de façon stérile avec une grosse prod mais sans âme... |
citer | C'est alléchant tout ça! |
citer | Merci Onizoku et je suis bien de ton avis, Zetro manque cruellement à Exodus. |
citer | Une seule chose à dire après avoir écouté cet album : mais virez moi Rob Dukes et hail Souza pour un éventuel Exhibit B. Je l'adorais déjà mais après avoir vu le live à San Francisco de 2003 ou 2004 je sais plus trop, je frôle également la vénération à présent.
Désolé pour le léger HS, excellente chronique en tout cas. |
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8 COMMENTAIRE(S)
24/02/2010 11:45
19/08/2009 12:57
Manqué! j'ai trouvé ça pas mal en fait.
18/08/2009 17:56
C'est dingue, on est quand même rarement en phase sur le thrash toi et moi, sorti de Megadeth et Machine Head. Un peu comme en football quoi ...
Grave haha! Va écouter Eliminator, je suis sûr que t'aimeras pas
18/08/2009 13:39
C'est dingue, on est quand même rarement en phase sur le thrash toi et moi, sorti de Megadeth et Machine Head. Un peu comme en football quoi ...
17/08/2009 21:06
17/08/2009 20:16
17/08/2009 17:20
17/08/2009 16:08
Désolé pour le léger HS, excellente chronique en tout cas.