Il y a de ces coïncidences à ce point opportunes, de ces hasards à ce point harmonieux au regard de l'actualité qu'on en vient à se dire que finalement, il n'est pas si inconcevable que ça que l'Homme, l'Univers, la mousse au chocolat de Tatie Renée, tout ça soit finalement bien le fruit du pur arbitraire probabiliste. Exemple récent: cela faisait des mois et des mois que « Hilal », 1er album de Arkan, croupissait dans la caverne d'Ali Baba de mes achats compulsifs passés … Et là, pop!, alors que le dernier album des frères prétendument ennemis (
selon des critères géopolitiques évidents) d'
Orphaned Land est encore proposé comme plat du jour au menu de la Couscousserie Thrasho, et qu'une tournée commune s'apprête à arpenter le territoire hexagonal sur rien de moins que 5 dates, le voilà qui jaillit en haut de la pile des nouveautés-qui-n'en-sont-plus-vraiment précédemment évoquée, comme un génie hors de sa lanterne.
Mais revenons si vous le voulez bien à une présentation du groupe moins « je me branle la nouille à faire des intros originales mais qui ne font pas trop avancer le schmilblick ». Dawn of Decline, ça vous parle?
The Old Dead Tree, alors peut-être? Mais si, ce groupe de metal à la fois burné et tout en délicatesse qui a fait pas mal parler de lui il y a de ça quelques années... Eh bien derrière les fûts de cette formation s'escrime Foued, batteur qui bouillait manifestement de céder à d'impérieuses impulsions, notamment celle de latter son kit avec plus de sauvagerie que ce que le vieil arbre ne lui permettait de faire, mais aussi celle d'accompagner de ses caressantes cymbales et de ses toms percutants les mélopées épicées issues du bled. Ni une ni deux, il s'entoure de potes venant de – donc – Dawn of Decline,
Whisper-X et Worth, et il s'en va fonder Arkan, groupe de death metal mélodique ayant les pieds solidement ancrés sur la rive sud de la Méditerranée, puisant autant dans la blasting guttural & pyramidal attitude de
Nile que dans les entrelacs délicats des arabesques chamarrées d'
Orphaned Land.
Oui, en effet, peut-être bien que ce raccourci comparatif ressemble à une pirouette de chroniqueur paresseux, sauf qu'en plus d'être confortable, ce rapprochement est particulièrement juste, si si. Car d'un côté Arkan balance du gros growl poussiéreux – tantôt abyssalement caverneux, tantôt plus abrasif –, de la double et du blast à n'en plus finir, des atmosphères aussi menaçantes qu'écrasantes et des orchestrations grandiloquentes – oui, c'est bien ça, comme les diplômés en égyptologie de Caroline du Sud, bien vu élève Keyser. Mais de l'autre côté, Arkan mêle étroitement à sa musique des instruments et des mélodies traditionnelles, du chant clair – en solo, en « chœurs », en monologue sentencieux ou encore, parfois, en jupon – et propose à l'auditeur des complaintes souvent empruntes de mélancolie mais belles et teintées d'optimisme, de purs moments de folklore en immersion totale, de grandioses épopées s'étirant sur de longs colliers de minutes, le tout dans une osmose parfaite où culminent de nombreux pics émotionnels habilement répartis sur toute la durée de l'album.
Donc oui, Arkan c'est un peu
Nile en babouches tirant sur la chicha, ou
Orphaned Land utilisant l'artillerie lourde de Tsahal contre la Momie. Mais au-delà de la frustration qu'une telle comparaison peut faire naître chez des musiciens en quête d'identité, c'est surtout ici comme une marque de qualité et de plaisir intense pour l'auditeur qu'il faut la comprendre. Pas de « trop prog du g'nou » qui tienne ici, ni de « sous les blasts, y a des notes ? ». L'équilibre est quasiment parfait. Regardez comment « Lords Decline » progresse à pas de velours, d'un début tout en retenue pour s'épanouir dès 1:20, sur un raz de marée blasté au-dessus duquel surnage de chaleureuses sonorités orientales. Et ce « The Crescent Moon » (
traduction plus ou moins fidèle de « Hilal ») qui démarre sur un gratouillis acoustique évoquant presque « La Bodéga » des Négresses Vertes et qui part ensuite dans un death majestueux, montant très vite en puissance dès 1:07, pour ensuite faire place à un séduisant chant de Salomée. Là où l'on notera une approche plus singulière, c'est à l'écoute de la batterie – et plus généralement de la rythmique – mise bien plus en avant que les galipettes lead, qui évoluent quant à elles assez fréquemment au second plan. Mais cela ne signifie pas pour autant que les guitaristes sont des manches (
!), le fourmillement de doigts s'ébattant sur la guitare gypsy-flamenco à 3:47 sur « Lords Decline » en étant l'un des nombreuses preuves.
Alors, y a-t-il des choses négatives à dire sur cet album ? Allez, un « Mistress Of The Damned Souls » qui traine un peu la patte (
mais qui finit bien), un « Lamma Bada » exotique mais un peu famélique pour qui n'a pas passé sa jeunesse à gambader à l'ombre des murailles de la médina… Sinon que du bon, à l'image d'un packaging soigné et original, d'une prod' signée Fredrik Nordström et d'un mastering signé Jacob Hansen (
le tout sans subir de stérilisation sonore) et d'une ribambelle de morceaux vraiment grands. Attardons-nous un instant sur ceux-ci si vous le voulez bien, et pour n'aborder que les titres passés jusqu'ici sous silence, citons l'introduction parfaite qu'est « Groans of the Abyss », le moelleux lourdement groovy du refrain en chant clair qui illumine le death ambiancé de « Native Order », et un superbe « Amaloun Jadid » conclusif qui reprend le thème de « Lamma Bada » en le métallisant et en lui adjoignant une touche mélancolique quasiment finlandaise.
Bref, « Hilal » réussit l'exploit de briller de mille feux, bien qu'il ait à subir la concurrence du dernier
Orphaned Land qu'un hasard du calendrier aura donc mis sur ma route au même moment. En dehors des mini-reproches émis dans le paragraphe précédent, et d'une personnalité peut-être moins franchement affutée que celle du cousin israélien, ce premier album de Arkan n'est rien moins que rafraîchissant, enthousiasmant, enivrant même. Un premier épisode aussi abouti donne une furieuse envie de voir ce que va donner la suite des aventures du groupe (
actuellement en cours de composition), et ce que cela va rendre sur les planches. Rendez-vous donc en mai sur la tournée partagée avec
Orphaned Land et
Suidakra pour une démonstration magistrale de la possible bonne entente israëlo-arabe.
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène