«
On va repeindre les murs de Thrasho avec de la peinture fluo », épisode 2.
La chronique de
« Mozaiq » n'ayant pas complètement réussi à retransformer Thrasho en cette insouciante cour de récréation où les chroniqueurs se chamaillent gaiement et échangent leurs autocollants des Crados en double avec les lecteurs, il m'a semblé urgent de procéder à une deuxième distribution générale de poppers histoire de dénouer les crispations découlant de cette soudaine exposition de notre lectorat à une quantité non négligeable de black metal. Et dans le rôle du vasodilatateur, quoi de mieux que la compil' « Decade-Dance » sortie tout récemment chez Chabane's Records?
En effet, le mot d'ordre de cette rondelle est on ne peut plus sympathiquement casse-gueule et on ne peut moins trve: reprendre des tubes dance des années 90s à la mode garage rock / punk crasseux / metal barré, dans un esprit « plus underground que moi t'es conducteur de RER ». La démarche est d'ailleurs à ce point non commerciale que le label met gratuitement à disposition la compil' dans son intégralité (
ça se passe ici), ainsi qu'au format CD pour la modique somme de 3 euros (
!) à destination de ceux qui comme moi sont d'indécrottables fétichistes. Au menu des réjouissances: Real 2 Real, Ace of Base, 2 Unlimited, Gala, Nightcrawlers … Aucune des icônes qui ont accompagné les nombreux râteaux des boums de nos années Biactol ne manque à l'appel. Que du bonheur pour le métalleux susceptible de se replonger avec plus de nostalgie que de répugnance dans ses vieilles photos de classes mitées tout comme dans sa collection de VHS du Club Dorothée.
Vous l‘imaginerez aisément: le traitement qui est fait de ces vieux tubes est franchement inégal, comme il est d'usage sur toute bonne compile underground qui se respecte. A ce titre, le gros reproche qu'on adressera à « Decade-Dance » c'est la qualité parfois limite de certaines prod', ainsi que le niveau de maturité musical assez lég' de certains groupes, notamment parmi la frange la plus brit-pop/rock de la faune s'ébattant sur cette grosse heure de musique. Je ne m'attarderai pas trop sur ces prestations en général d'autant plus gonflantes que tombant dans une oreille plus franchement à la recherche de gros décibels métalliques que demandeuse de prestations approximatives du niveau d'un tremplin rock Ouï FM. A noter quand même une version Offspring-esque de « What is love » plutôt pas mal par les Sisterhood Issue. Mais puisqu'on est ici dans le passage « bureau des réclamations » de la chro, profitons-en pour fustiger le plus gros foutage de gueule (
totalement assumé, n'en doutons pas) de la compil': la reprise de « The Power » par Psychotic Sufferance qui désintègre en 27 secondes de harsh noise nihiliste le « The Power » de Snap, qui aurait pourtant mérité une cover plus ambitieuse.
Heureusement, au rayon des découvertes sympas, il y a de quoi faire. On commence avec la reprise complètement barrée de « It's all right » par 6H33, groupe indubitablement influencé par
Carnival in Coal. Démarrant sur une douce intro où plane l'ombre du marchand de sable de « Bonne Nuit les Petits », le groupe délivre une pop/death caractéristique où – au milieu de touches d'électro, d'une pincée d'accordéon et d'élans symphoniques – on a presque l'impression d'entendre Arnaud Strobl. On reste au rayon metal histoire de saluer la prestation de The Washingtonians qui balance avec conviction un streetfight hardcore mâtiné de punk, le seul reproche étant qu'on ne reconnaît absolument pas le « Rythm is a Dancer » censé être repris. Plus loin Undazylium joue la carte de l'avant-garde electro sympho-black pour s'approprier « Think About the Way ». Même reproche que pour The Washingtonians: on ne reconnaît pas le morceau initial … On notera aussi la présence de Kalachnikov qui fait dans l'apocalyptic doom à chant malsain et vomitif, de Dir Despair qui fait sourire en reprenant « Sing Hallelujah » dans une version metal extrême léthargique mâtiné d'electro, et enfin de Tennis Bastard (
le projet secret de T.J.?) qui massacre « I Like To Move It » sur 39 secondes de nawak punk/grind minimaliste.
Mais les bonnes surprises ne sont pas que métalliques. Ainsi Singoff propose une version berceuse soft rock de « Everybody Dance » avec touches de violon et volutes de fumée sentant bon les substances illicites consommées à Katmandou … Et je dois dire que le décalage est assez excellent. Continuons sur les contre-pieds réussis avec Alvarez qui reprend le tube des Nightcrawlers à la sauce rock intimiste et minimaliste: aussi jouissivement énervant que le « Fucking Hostile » repris par
Carnival in Coal! On reste encore et toujours dans le registre du décalage réussi avec l'electro soft rock de Travelling In Balochistan où la basse est reine et où le feeling général a un je ne sais quoi du « One Night in Bangkok » de Murray Head (
dommage par contre que le chant féminin soit un poil en dessous du reste …), puis avec les pince sans rire de John's Picon Explosion qui donnent dans un rock/punk où la guitare tient compagnie à la basse, loin, tout en bas au fond des chaussettes. Enfin finissons-en avec la liste des tableaux d'honneur en évoquant le superbe indus/electro noisy et barré des Lobotomizers qui réussissent un méchant relookage de l'inénarrable « Boom Boom Boom Boom ».
Vous l'aurez compris, plein de bonnes choses aussi atypiques qu'incongrues vous attendent sur cette compil' qui a tout de l'OVNI musical. OK, on est en partie à côté des plate-bandes métalliques, mais on reste la plupart du temps dans un esprit décalé, voire avant-gardiste. La note tiendra quand même lourdement compte des fortes inégalités de ton, de prod' et de niveau entre les groupes. Mais l'esprit qui préside à l'élaboration de cette compil' est 100% certifié de « bon mauvais goût »! A essayer, d'autant plus que c'est cadeau.
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
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Par Lestat
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Par Sosthène
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Par MoM
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