Un premier album à la fois frais et méchamment frontal, rempli ras la gueule de tubes qui auront acquis au fil du temps un statut culte. Puis un second opus certes bon, mais trop prévisible et dont la composition semble avoir été faite en pilote automatique… Non non, il n'est point question ici de brosser un tableau des débuts de la bande à Robb Flynn, mais bien de vous causer de Clawfinger, dont la trajectoire a, il est vrai, bien des ressemblances avec celle de
Machine Head – tout au moins si l'on se focalise sur leurs 2 premières sorties. Sauf qu'au lieu de faire fausse route avec un « The Burning Red » accusant une nette baisse de régime, Clawfinger aura balancé son
« The Blackening » direct dès le 3e album. Paf! Vous croyiez le groupe somnolent, près à se prendre le bas côté ou un platane des familles? Que nenni: le groupe s'est manifestement fait un shot d'energy drink au moment de remettre du carburant dans le réservoir, et il a une de ces patates!
Et en plus d'avoir les batteries rechargées à bloc, Clawfinger a pris de la bouteille, ce qui fait qu'il sait dorénavant – plus seulement à l'instinct, mais d'expérience – exactement comment ficeler une bombinette aux petits oignons ainsi que les trucs et astuces pour agencer une tracklist ayant un impact maximum.
«
Ouais par contre ils abusent avec le coup de l'album éponyme-qui-est-forcément-l'album-de-la-maturité … Les groupes nous ressortent régulièrement les mêmes vieilles ficelles pour nous faire gober que maintenant-c'est-du-sérieux. Bonjour les gros sabots … »
Oui mais non, là c'est beaucoup plus bête que ça: les membres du groupe n'avaient tout simplement pas réussi à se mettre d'accord à temps sur un titre potable, et ce n'est qu'une fois la pochette imprimée qu'a émergé la bonne – mais tardive – idée d'intituler celui-ci « Third Time Lucky » (
référence au numéro de l'album et à la séance de roulette russe suggérée par ce pistolet chichement mais sûrement chargé).
Que réserve donc ce 3e opus? Eh bien on ne déroge pas à la règle, et l'on retrouve au rendez-vous un rap metal in your face (
compter une bonne moitié de morceaux courts) où règnent des vocaux au débit relativement élevé et à l'abrasivité toute urbaine, des grattes aux riffs simples et directs, et des bidouilleries additives entre scratch et bidibip-pouet électroniques bien présents mais pas envahissants. Les tubes imparables sont toujours là à l'appel: si le choix de « Two Sides » et « Biggest & The Best » pour tourner des clips reflète bien le niveau d'excellence de ceux-ci (
surtout le premier!), cela ne doit pas diminuer le mérite d'un « Chances » au superbe refrain sur fond de ricochets guitaristiques, d'un « RealiTV » (
oui oui, le bonus!) au riff principal poussant à un headbang bovin complètement irrésistible, et enfin d'un « Nobody Knows » proposant un mixture excellente de pure Clawginguerie et de cordes acoustiques fleurant bon les épices orientales. A noter d'ailleurs que ces incartades exotiques participent pour une bonne part à la grandeur de cette 3e livraison. Que ce soit « Two Sides » avec ses arabesques musicales au clavier, ses cordes zboïïïng-esques à la cannelle ou la mélopée enivrante de sa sirène des Mille et Une nuits, « Don't Wake Me Up » et son trip indo-groovy « j'ai les paupières qui collent, saloperie de narguilé » ou encore « Nobody Knows » et ses sitars électro-acoustiques, on navigue ici tantôt à dos de vache sacrée, tantôt à dos de chameau… Et il en résulte un habile mélange de velours, de chaleur, d'énergie et de groove.
Mais même sans artifice, le groupe tient une forme du tonnerre. Misant toujours autant sur les riffs simples mais terriblement infectieux (
« Wrong State of Mind », « Nobody Knows », « RealiTV ») que sur les refrains fédérateurs (
« Chances », « Nobody Knows », « Wrong State of Mind » …), les suédois savent à présent qu'il n'est pas forcément nécessaire de nous claquer le beignet à grands coups de pelle pour obtenir un impact maximum. Ainsi « Biggest & The Best » réussit à être incroyablement menaçant et violemment frontal alors qu'il progresse sur un mid tempo coolos. De même « I Can See Them Coming », qui adopte un groove rampant et une approche carrément tortueuse, sort les guns comme jamais sur un refrain aux faux airs de gangsta vendetta. Et comme si cela ne suffisait pas à faire de « Clawfinger » un putain d'album, la bande à Zak s'offre le luxe d'être carrément convaincante sur les morceaux plus softs, que ce soit sur la pause narcoleptique de « Don't Wake Me Up » ou sur un « I guess I'll Never Know » triste et doux comme la dernière caresse dans les cheveux d'un parent qu'on enterre.
Sur ce 3e opus, Clawfinger réussit donc à rééditer l'exploit de
« Deaf Dumb Blind », l'excès de fougue post-adolescent ayant cette fois cédé la place à un savoir-faire brillamment mis à l'oeuvre. Même les moins exceptionnels « I'm Your Life & Religion » ou « Crazy » n'ont franchement rien de titres que l'on zappe. Si en plus vous réussissez à vous procurer la version limitée digipack avec les 3 titres bonus – dont l'excellent « RealiTV » –, je vous colle en prime et gratuitement la garantie « satisfait ou remboursé 2 fois
par Chris ».
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