Même si l'anonymat qui m'est garanti par le génial pseudo de von_yaourt me permet encore pour quelques années de marcher dans la rue sans me faire lapider par des cohortes de musiciens aigris et rancuniers, je n'ai pas pu échapper à un débriefing post-chronique courtois mais presque inquisiteur avec certains musiciens de Necroticism. Après ma
chronique de Orphans Of Sheol, on m'a signifié que parmi toutes les critiques de la démo, la mienne était de loin la plus dure, et j'ai donc du leur rappeler que je n'étais pas là pour les enfoncer ni pour leur jeter des fleurs, mais pour être honnête. Et puis après tout je ne leur reprochais pas grand-chose : un cruel manque d'originalité, des vocaux totalement à la masse et un nom caricatural à la limite du vol de propriété intellectuelle. Tout porte à croire que le hasard fait vraiment très bien les choses, puisque ce sont autant de défauts disparus ou au pire considérablement atténués…
Dysmorphic, c'est joli, facile à retenir, ça sonne, et ça n'évoque pas un des albums les plus cultes de l'histoire du death metal, c'est donc beaucoup mieux que Necroticism. Je ne sais pas ce qui a décidé le groupe à changer de nom, le départ de son chanteur ou le fait qu'on ait furieusement envie de les comparer à Carcass à tout bout de champs, mais c'est la meilleure décision qu'il aient prise à ce jour. Dysmorphic n'a pas fondamentalement changé son style : on est toujours en présence d'un death metal fortement influencé par Kronos (dont Mike et Richard sont les professeurs de la plupart des membres), mais cette fois-ci les musiciens se sont enfin donnés les moyens d'aller jouer dans la cour du brutal death qu'ils affectionnent tant. Le tempo a sensiblement augmenté, les morceaux sont mieux construits et ont beaucoup moins tendance à ralentir le tempo juste pour le plaisir de faire un break lent : désormais les compositions ont l'air d'être réfléchies, structurées, et on ne se dit plus qu'ils se forcent à suivre des codes imposés, les riffs sont changeants et évitent toute forme de monotonie, les mélodies sont bien amenées, il n'y a vraiment pas grand-chose à redire. Bien entendu on retrouvera sur « Peace By Conflict» et « Suffer By Our Ancestors » un break central très lent et lourd dans le plus pur style du brutal death US, ce qui ne gênera que ceux qui comme moi ont un problème avec Dying Fetus, et encore, pas très longtemps, vu que tout le reste de ces deux morceaux comporte l'énergie suffisante pour donner envie d'headbanguer comme sur un
The Hellenic Terror (qui rappelons-le, est sans conteste le meilleur album de brutal death français).
Bien sûr, en plus d'une évolution stylistique salutaire, les musiciens de Dysmorphic ont tous eu le temps de s'améliorer, à tel point aujourd'hui que l'on peut affirmer qu'ils sont tous techniquement bons, voire très bons pour certains. J'ai déjà évoqué à plusieurs reprises la qualité du batteur du groupe, très carré, au jeu très dense et qui par moments s'avère même être franchement impressionnant, et je réitère mes louanges à son encontre. C'est vraiment lui qui insuffle à la fois la brutalité et la dynamique aux compositions, supportant tout l'édifice à bout de bras sans jamais décevoir, avec en prime quelques accélérations mémorables sur « Through The Eyes Of Madness » et « Suffer By Our Ancestors ». Les guitaristes ne sont pas en reste et en plus de rythmiques de qualité, ils nous gratifient de très bons solos, malgré un son de guitare assez pauvre – on ne leur en tiendra pas rigueur, ils ne roulent pas sur l'or – même si c'est un domaine où ils peuvent encore largement s'améliorer. Reste le bassiste, trop en retrait dans le mix et qui s'avère être le parent pauvre de cette démo malgré de bonnes apparitions sur le morceau final, même si l'on s'en fiche un peu vu qu'il a quitté le groupe. Alors oui, je n'ai pas encore évoqué le nouveau chanteur, désormais ex-nouveau chanteur vu qu'il s'est détruit la voix en enregistrant cette démo, et ça s'entend : s'il fait oublier sans peine le désastre vocal de
Orphans Of Sheol il n'a pas la technique adéquate et hurle à gorge déployé sans être à aucun moment précautionneux envers son organe vocal. Le rendu est d'ailleurs étrange, pas foncièrement désagréable, mais très largement perfectible vu que manquant de maîtrise et de retenue. Il a cependant au moins le mérite de rester dans les limites du growl agréable, ni trop profond ni trop hurlé, et n'entache en rien l'écoute de la démo.
Et cette première démo sous le nom de Dysmorphic, n'importe quel amateur de bon brutal death se devrait d'y jeter une oreille, puisqu'elle s'avère être d'une indéniable qualité. J'avoue avoir été agréablement surpris par les progrès accomplis par le groupe en si peu de temps : tous les titres sont bons, le style est plus mature, la voie a été trouvée au moins en partie, et on ne s'ennuie pas en écoutant ces quatre morceaux qui suivent l'intro « Qualms Of Humanity ». C'est du très bon, certes pas au niveau d'un groupe pro mais ça pourrait sans peine le devenir, et plus vite que je le pensais, surtout que « Suffer By Our Ancestors » contrairement aux trois autres titres, comporte une influence qui ne pourra que plaire au lectorat de Thrasho : Decrepit Birth. Je ne sais pas qui compose chez Dysmorphic, mais je sais que les musiciens sont fans des Américains et ça s'entend, vu que ce morceau, à l'exception de son break central, est calqué sur le style du groupe même dans sa structure et l'amorce des solos. Ce n'est pas moi qui m'en plaindrait même si c'est un peu « too much », et j'espère que les Français emprunteront désormais cette voie en gardant cette agréable influence de Kronos. Il faudrait juste arriver à mieux digérer ces influences à l'avenir pour pouvoir s'affirmer et confirmer les espoirs que l'on peut légitimement porter en eux.
Bon évidemment, Dysmorphic n'est pas encore Decrepit Birth, loin de là, et comparé à un groupe aussi pro nos petits Français font encore pâle figure (surtout qu'à l'heure où j'écris cette phrase je suis en train de m'écouter
Polarity pour la quinzième fois). Mais pour une formation aussi jeune, qui en est au stade de sa seconde démo et qui manque de moyens financiers pour bénéficier d'un meilleur matériel et d'une production digne de ce nom, c'est plus qu'encourageant : c'est franchement très bien. En quatre morceaux (plus une intro) ;, Dysmorphic montre un très gros potentiel et une maîtrise technique étonnante qui leur permettra avec le temps de devenir le groupe de « brutal death technique » qu'ils aspirent à devenir (parce que pour l'instant ce n'est pas franchement plus technique que le brutal death classique). Même si ils doivent apprendre à digérer un peu mieux leurs influences et trouver un chanteur stable ainsi qu'un nouveau bassiste qui essayeront de prolonger les bonnes idées de « Suffer By Our Ancestors », je pense qu'ils ont trouvé leur voie avec ce morceau, d'autant plus que c'est une frange du brutal death technique qui n'a pas encore été explorée en France à ma connaissance (où l'on préfère Beneath The Massacre, et oui, on a des goûts de chiotte dans notre beau pays). C'est une démo, donc pas de note, mais sachez que si vous aimez le brutal death US à la Suffocation, Decrepit Birth et bien sûr Kronos, Dysmorphic ne pourra que vous plaire et pourrait bien devenir dans les années qui viennent un groupe sur lequel il faudra compter dans le microcosme du brutal death français de qualité.
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