Numen - Numen
Chronique
Numen Numen
Comment ai-je pu passer à côté de Numen aussi longtemps ? Voilà la première chose qui me soit venue à l'esprit quand j'ai mis l'éponyme de ce groupe de brutal black espagnol qui en est déjà à son troisième essai. Comment ai-je pu passer à côté de cet album aussi longtemps alors qu'il est sorti en 2007 ? Seconde remarque pertinente alors que les titres filent et défilent sans même que la douleur lancinante dans mon cou en perpétuel mouvement ne me ramène sur terre. Où diantre ai-je mis mon tube de vaseline ? Dernière interrogation à propos de... oh hé, ça va, je ne vais pas tout vous raconter de mes soirées hein, on n'est pas assez intimes, à moins que vous ne vous pseudonimiez – le néologisme c'est l'avenir – Ikea. Bref, sachez que si vous n'aviez pas entendu parler de Numen auparavant c'est normal, moi non plus à vrai dire, malgré quelques recherches dans la très bonne mais ô combien restreinte scène black/folk espagnole je n'avais pas eu vent de cet album avant que Les Acteurs de l'Ombre décide(nt) de rééditer ce bijou sorti il y a 4 ans à la destination exclusive des espagnols et portugais. Ne pas avoir tenté de promouvoir précédemment Numen dans nos contrées demeure pour moi un mystère : tant de qualité garantissant un retour sur investissement quasi certain, je ne vois que l'explication de la paresse pour expliquer ce long silence. La main étant l'un des seuls endroits où l'Espagnol ne possède pas de poil, cela semble pourtant aussi improbable qu'une chronique sans jeux de mots foireux.
Après les très bons Kathaarsys et leur black progressif, les ibériques ont décidé de nous refaire le coup du black metal de niche à forte personnalité, mélangeant avec parcimonie quelques éléments de folk basque à leur black metal franchement brutal, qui oscille constamment entre 220 et 250 bpm. Ce mélange n'intervient toutefois que peu, et uniquement au détour d'interludes ou d'outros, laissant la majorité du propos à une avalanche de trémolos et de blasts qui ne saurait laisser indifférent celui qui fût élevé à la belle époque de la course à la vitesse chez les Scandinaves, accouchant au passage d'autant d'œuvres stériles (les derniers Dark Funeral) que d'excellents albums (Nightwing et Plague Angel de Marduk, ou bien l'unique essai de Triumphator). Difficile de qualifier le style du groupe de folk, puisque la nette division qui s'opère dans sa musique évoque plus la sobriété d'un October Falls que les essais aventureux de Belenos ; et si folk il y a, il est évidemment aux couleurs basques : discret, sec et mélancolique. Il aurait d'ailleurs été étonnant de voir des Ibères créer le folk espagnol breton (désolé).
Mais en dehors même de ces quelques instrumentations atypiques, le black metal de Numen reste très ancré dans la scène black metal sudiste, où l'on retrouve ces harmonies lumineuses, presque enjouées, typiques de la scène espagnole mais aussi de groupes français comme Hegemon et surtout Darkenhold. C'est particulièrement flagrant sur « Etsipenaren Ispilu » et sur le début de « Ahanzturaren Hiloba » avant que le sacro-saint blast ne reprenne ses droits. Et tout cela se fait sans la moindre once de monotonie grâce à des musiciens inspirés et un chanteur au registre vocal impressionnant qui s'étend jusqu'au rire possédé à la Bethzaida, même si citer un groupe quasi-oublié de tous ne va certainement pas aider à éclaircir mon propos.
Il est d'usage qu'à peu près à ce moment j'évoque les forces et faiblesses de l'album chroniqué. Seulement je suis bien incapable de trouver la moindre faiblesse à la musique de Numen, dont au pire seuls les vocaux parfois assez aigus déplairont aux moins tolérants d'entre vous. Pour la première fois depuis une éternité je retrouve les sensations du millénaire précédent, d'un black metal pur dans sa brutalité et son absence de compromission. Et pourtant les espagnols ont clairement leur identité, leur style propre, et ils arrivent à apporter une véritable originalité dans le style sans même en écorner la lettre. Que c'est agréable d'entendre un brutal black qui varie ses allures (passant du rapide au très rapide au très très rapide), qui développe des mélodies sans ne jamais rien laisser au vide du refrain catchy, en créant une véritable progression dans ses compositions et en alternant habilement la fureur du black metal le plus véloce aux doux arpèges de guitare sèche qui feraient presque oublier les quinze notes à la seconde qui défilaient quelques mesures auparavant. Cet album regorge de détails qui font la différence, depuis cet envol de basse à la fin de « Engunsentiaren Heriotza » jusqu'à cette superbe et très originale rapide succession d'accords slidés « Gauaren Irrifare Izkutua » qui crée une atmosphère déroutante et à laquelle, à ma connaissance, personne n'avait eu l'idée jusqu'à présent, sous cette forme au moins. Même les musiciens ont chacun leur originalité, notamment le guitariste qui fréquemment change de note tous les temps (et non toutes les mesures comme dans 99% des groupes de black metal), insufflant ainsi encore un peu plus d'énergie à des compositions qui sont pourtant déjà sous amphétamines. Car tous les temps à un tempo pareil, ça signifie souvent !
Cet album est parfaitement irréprochable de la première à la dernière seconde : mélodie, énergie, inventivité, ambiance, absolument tout ce que l'on est en droit d'attendre d'un grand album de black metal se retrouve dans cet éponyme de Numen. Seulement il y a un os : sa durée. Car bien qu'une quarantaine de minutes soit déjà honnête, on aurait aimé avoir plus que ces six titres qui passent bien trop vite à cause leur incroyable qualité. Si tous les groupes de black metal d'aujourd'hui pouvaient avoir autant d'audace que Numen dans leur direction artistique et ne cédaient pas aux écœurantes sirènes de la mode, je pense que je retrouverais vite la foi en cette scène black metal sclérosée et malade d'une image prépondérant sur le peu d'intérêt musical qu'il lui reste. À l'heure où le brutal black n'est plus vraiment d'actualité je doute que cet album conquière un large public, mais si comme moi vous êtes désespérément en manque de blasts depuis quelques années, vous devriez trouver votre bonheur dans ce que j'ose qualifier d'un des meilleurs albums de l'histoire du genre. Et quand bien même, pour une fois laissez-vous guider par le vent chaud du sud qui vient tout droit dessécher vos conduits auditifs endoloris, vous pourriez bien être surpris par l'un ou l'autre de ses aspects. D'ailleurs petit conseil : contre le dessèchement de l'épiderme pensez à la vaseline, qui demeure l'un des meilleurs hydratants sur le marché. Décidément, je suis de bon conseil en ce moment.
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