Huata - Atavist Of Mann
Chronique
Huata Atavist Of Mann
Comme tout le monde, j’aime avoir raison. Ça me réconforte, surtout dans une activité où je prétends pouvoir répondre à l’arrivée massive de nouvelles choses par le jugement d’une oreille ciselée et avis tranchés comme celui que j’ai pu avoir sur Huata à la parution d'Open The Gates Of Shambhala. J’avais proclamé à moi-même lors de l’écoute de ses débuts hésitants et trop empreints de l’aura d’Electric Wizard que « La petite Bretagne rêvait d’être la Grande » (oui, je suis aussi prêt à tuer père et mère pour un bon mot). Il a fallu aux Bretons déployer un artwork à la laque faisant briller de belles photographies de messe noire plus qu’elles n’en ont besoin et la lecture de critiques étonnées de l'excellence d’Atavist Of Mann pour que je tente de trouver dans ce premier album autre chose que la délicieuse confirmation de mon intelligence supérieure. Car je suis chroniqueur. Sur Thrashocore. Ce qui fait de moi un connard qui s’adore. Hé ouais.
Assez de détours : Atavist Of Mann m’a donné tort – et c’est une contrition que de le dire. Ainsi qu’un constat qui ne s’est pas imposé directement, ce coup d’essai longue durée correspondant pleinement à la définition du « grower ». D’abord inévitablement comparés aux créateurs de Let Us Prey (pour l’occultisme définitivement pas de surface – on y plonge de la pochette à l’orgue égrenant un satanisme suranné) pour ensuite faire dévier le regard vers d’autres références (un son entre le groove massif de Goatsnake et le fuzz subsubsub de Pombagira et Conan ; un appui sur les mélodies à la Black Pyramid ; des moments atmosphériques comme du The Wounded Kings ; un disco-doom digne du Cathedral de « Midnight Mountain » sur « Operation Mistletoe »…), les morceaux composant ce double vinyle finissent par imposer Huata comme une entité à part entière bien que s’inscrivant dans une certaine tradition. En effet, de nombreux éléments parcourant les compositions deviennent des repères pour ceux appréciant baigner dans une fumée leur empêchant de voir quel disque est en train de passer. Parmi eux, une production détruisant à elle seule toute envie d’élévation, grasse, impressionnante, constamment à la limite de l’inaudible et constamment prenante. C’est quand on s’imagine valdinguer contre une surface faite de glue et brique lors de la première lancée de « Lords Of The Flame » qu’on comprend le mot « accrocheur » ! Pourtant, de la basse située en sol de cave aux voix claires dessinant parfois des nefs et leurs courants d’air (toujours point d’élévation cependant : accroché aux guitares amplifiées, le chant de Ronan scotche plutôt entre les rainures), l’équilibre est permanent, définissant une nouvelle moyenne pour l’Indice de Masse Corporelle où l’adipeux peut prétendre à l’harmonieux.
Mais ce qui différencie les Français d’Huata d’un groupe comme Cult Of Occult est que la force de leur interprétation ne repose pas uniquement sur le son. Des amateurs de folklore rendu réel et riffs créant des acouphènes en série (dont ce foutu orgue nébuleux transformant la musique en obsession est à voir comme un signe avant-coureur), oui, mais, à la manière d’un Eibon (autre poulain du lourd hexagonal), des musiciens se révèlent progressivement sous les apparats, permettant par l’accumulation de détails à placer Atavist Of Mann au niveau de la concurrence internationale. J’invoque l’invocateur et ses lignes de chant nineties allant même jusqu’à évoquer un Layne Staley en robe de bure sur « Thee Imperial Wizard » ! Ronan ne se base peut-être que sur deux cordes, ces dernières envoutent soit par leurs charges accentuant des poussées déjà écrasantes (« Lords Of The Flame » ou « Fall Of The IVth » par exemple), soit par leur capacité à porter des transitions posées où les guitares s’étouffent pour mieux susurrer leur groove (« Testis Svm Capri », « Templars Of Thy Black Sun »). De quoi accentuer cette impression d’entendre une histoire contée, ces six titres jouant d’interlude (« Testis Svm Capri » et sa saveur « giallo » plaisante pour le fan d’Embrace Of The Narrow House que je suis) et montées vers le rite avec « Templars Of Thy Black Sun » et « Fall Of The IVth » pour renforcer l’ambiance de l’ensemble.
Que des labels aux réputations assises (Throatruiner, Mordgrimm, Boue Records, Odio Sonoro et Psychedoomelic – cinq labels à qui nous devons des sorties de formations telles que Pombagira, Verdun, The Austrasian Goat, Drone Throne, Amarok ou encore Negative Reaction) se soient réunis sous l’appellation « De Arte Magica » pour sortir Atavist Of Mann ne trompe pas. Sa qualité rend inutile l’attente du prochain Electric Wizard pour avoir sa dose de stoner/doom même si une certaine lassitude se fait sentir dans une conclusion à laquelle manque un tube à la hauteur de « Operation Mistletoe » (les heureux possesseurs de l’édition vinyle auront cependant la reprise de « Black Sabbath » de Coven pour se déhancher, celle-ci permettant de renouer avec un Huata au tempo plus rapide et rock n’roll). Alors, si vous n’avez pas encore accordé de votre temps à ce groupe, ne soyez pas stupides comme je l’ai été en le dédaignant : vous risqueriez de passer à côté d’un disque majeur de cette année.
| lkea 31 Mars 2012 - 2731 lectures |
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