Je ne vous apprends rien en vous disant que la sortie d'un nouvel album de Converge constitue toujours en soit un évènement marquant pour quiconque gravite de près ou de loin dans le petit monde du Punk/Hardcore. Après un
Axe To Fall en ayant désappointé plus d'un, le groupe revient trois ans plus tard pour tenter de remettre les pendules à l'heure avec un album qui, pour la version deluxe (on y reviendra), ne compte pas moins de dix-sept titres.
Le groupe de Boston roule sa bosse depuis maintenant une vingtaine d'années, passant très rapidement d'un Punk/Hardcore metallique efficace mais manquant de personnalité (
East Coast Assault volume I) à une musique hyper personnelle et ne ressemblant surtout à rien d'autre. Ainsi, Jacob Bannon et ses fidèles acolytes réussissaient d'une manière tout à fait nouvelle et unique à faire le pont entre Punk, Hardcore, Noise, Metal, Emo... Un melting pot d'influences digéré au fil des années mais qui a su rapidement faire sensation en apportant folie et chaos à une scène Hardcore alors en pleine restructuration (gangrené par le Metal diront certains). Dès lors, Converge a très rapidement bénéficier d'un statut de groupe culte, offrant à son public des albums absolument incroyables pour son époque (
Petitionning The Empty Sky,
When Forever Comes Crashing) et suivit de disques tout aussi fous mais évidement moins marquants pour quiconque ayant pu découvrir le groupe dans les années 90. Un groupe culte ayant engendré un nombre de suiveurs hallucinants et qui pourtant n'a jamais été inquiété une seule seconde par l'un d'entre eux, quel qu'il soit. Avec
All We Love We Leave Behind, Converge revient attester de sa suprématie en prouvant au passage que les années qui passent n'ont rien altérer de sa rage et de son énergie.
En bon marketeur qu'il est devenu, Jacob Bannon n'a pas fait les choses à moitié proposant entre autre une édition deluxe que je trouve particulièrement réussi. Ainsi, contre 40$ vous pourrez faire l'acquisition d'un superbe digibook au format DVD contenant pas moins de quarante huit pages sur lesquelles apparaissent les œuvres colorées et torturées de monsieur Bannon. Signalons également le soin apporté à la couverture cartonnée recouvert d'un joli tissu noir sur lequel est gravé toutes les inscriptions en simili-argent. On retrouve également à l'intérieur deux volets indépendants dans lesquels sont disposés et le livret et le CD. CD qui pour l'occasion contient trois titres supplémentaires (portant ainsi le tracklisting à dix-sept titres) issus du EP
On My Shield et des splits avec Dropdead et Napalm Death. Une aubaine pour ceux qui n'ont pas de platine vinyle. Evidement, cette édition est limitée à 2700 exemplaires.
Mais qu'en est-il de ce nouvel album? Personnellement je n'avais pas d'attente particulière vis à vis du groupe, ce dernier étant à mon sens toujours relativement fidèle à lui même. Toutefois, et à l'inverse de beaucoup de monde (enfin semble t'il), je n'ai pas été spécialement emballé par "Aimless Arrow", premier titre lâché en guise d'amuse-bouche par le groupe il y a de cela quelques semaines. Soyons clair, ce morceau qui ouvre l'album est bon notamment grâce à cette ligne de guitare Noise Rock incisive, cette batterie déjà bien en jambe et ces backing vocals puissants assurés par Kurt Ballou et Nate Newton. Ceci étant dit, ce n'est pas le Converge que je préfère, quand Jacob Bannon minaude gentillement et que finalement rien ne dépasse. Trop propre pour me convaincre? Oui, peut-être bien. Et puis surtout comment tenir la comparaison face à l'incroyable "Trespasses" suivant juste après? Ce titre est pour moi l'une des plus grosse claque de l'album grâce à ce riff parpaing en descente soutenu par les assauts tentaculaires de Ben Koller. On y retrouve le Jacob Bannon que j'aime, complètement halluciné dont le chant arraché vous lacère les tympans. Court mais ultra efficace. Même punition avec "Tender Abuse" et ses 1:25 au compteur et l'excellent "Sadness Comes Home" qui, le cul entre deux chaises, fait montre des mêmes atouts que "Trespasses" (à 0:59 et 1:31 grâce à ces accélérations dynamiques à vous filer la trique imputables au duo guitare/batterie) en plus de ce visage Noise/Hardcore chaotique et pourtant légèrement mélodique. Changement de rythme avec le cradingue "Empty On The Inside" et son mid tempo aux forts relents de Sludge/Blackened Hardcore mal dégrossi. L'ambiance est évidement moins électrique mais gagne en noirceur et en profondeur notamment grâce à ce passage hypnotique épaulé par la batterie quasi militaire de Ben Koller (entre 0:39 et 1:50) avant de céder une fois de plus aux assauts vocaux de Bannon et ses compagnons. "Sparrow's Fall" revient secouer les murs l'espace d'un court instant. Classique et efficace, il n'est là que pour mieux servir l'excellent "Glacial Pace". Titre sombre, lent et désabusé s'étalant cette fois sur plus de quatre minutes et entrecoupés de quelques montés en pression. Un exercice à mon sens mieux maîtrisé qu'un "Aimless Arrow". Edition deluxe oblige, on retrouve ensuite le premier titre rajouté, à savoir l'expéditif "No Light Escapes". Je ne reviendrai pas sur ces morceaux (à l'exception de "On My Shield" puisque le EP n'est pas chroniqué sur ces pages) mais soulignons tout de même qu'il est étonnant de les voir intégrés aux titres de l'album et pas seulement rajoutés à la toute fin de celui-ci. "Vicious Muse" et surtout le sournois "Veins And Veils" (intro posée et mélodique suivit de riffs vifs et incisifs) viennent redonner un petit coup de fouet avant que Converge ne cède une fois de plus aux sirènes bleutées et envoutantes d'un Post Hardcore noisy et mélodique plutôt bien foutu dont on notera surtout ces belles envolées vocales dont on a pas forcément l'habitude. Tout en retenu, "Coral Blue" ne cède pas à la facilité et montre un visage de Converge moins sombre sur lequel l'espoir semble presque scintiller. Troublant. Mais cela sera de courte durée, "Shame In The Way" et "On My Shield" revennant rapidement mettrent les choses au point. Si le premier est court et incisif comme bon nombre de titres déjà mentionnés plus haut, "On My Shield", parachuté de son vinyle sorti je vous le rappelle en 2010, se fond à merveille dans le tracklisting. Plus long, plus nuancé, il n'en reste pas moins redoutable. On passera sur l'instrumental "Precipice" qui en soit n'apporte pas grand chose pour glisser sur le trio final débutant par "All We Love We Leave Behind", un titre plaintif tout en émotion sur lequel Jacob Bannon fait du bon boulot en optant le plus souvent pour un chant mélancolique suffisamment en retenu pour rester convaincant. S'en suit "Runaway" issu du split avec Drop Dead. Peut-être est-ce du à la production mais ce titre qui ne me faisait ni chaud ni froid à l'époque de la chronique passe déjà un peu mieux ici. Classique et ultra court, il reste un titre efficace mais pas à la hauteur du reste. L'album se conclue avec "Predatory Glow", un titre dans la veine d'un "Empty On The Inside" c'est à dire poisseux et cradingue aux réminiscences Sludge indiscutables.
Ce quasi track by track permets de constater à quel point ce nouvel album de Converge se veut homogène malgré une certaine variété. Une diversité que le groupe pratique depuis déjà plusieurs années mais qui atteint ici des sommets de maturité. Jamais cette formule n'a été aussi efficace, offrant très peu de moments inutiles ou flottants. Bannon déploie un panel d'émotions suffisamment vaste pour se jouer de toutes les ambiances et situations avec brio. La section rythmique est d'un incroyable dynamisme avec un Ben Koller toujours aussi remarquable et un Nate Newton aussi virulent qu'en concert. Kurt Ballou à quant à lui toujours autant le sens de la répartie, faisant fuser ses riffs tantôt avec insolence tantôt avec douceur et souplesse. Chaotique et pourtant souvent mélodique, incroyablement immédiat et néanmoins d'une certaine densité,
All We Love We Leave Behind est une réussite indiscutable qui devrait à mon avis faire date dans la carrière de ces Américains qui n'ont plus grand chose à prouver mais dont la marge de manœuvre est toujours aussi faible. Bravo.
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