Moi les formes géométriques ça me rend fou. Cette semaine ma femme a acheté des rideaux dont les passages de tringle sont en forme de carré avec un trou circulaire. Un rond dans un carré, n'est-ce pas complètement décadent ? Ca me rappelle ma fille et son trieur de formes. A l'époque, elle tentait de mettre le rond dans le carré (ou l'inverse) sans y parvenir alors que dans le monde des adultes, ce n'est pas un problème : on arrive toujours à faire entrer ce qu'on veut dans n'importe quoi. Et ça arrange tout le monde. Peut-on y voir le reflet d'une société à la dérive qui a complètement perdu ses repères ? Peut-être bien et Memfis (avec un "F" comme "Amorfis") pourrait en être une illustration de plus. Sorti sur le petit label Dental Records, leur premier album
"The Wind Up", aussi excellent qu'ambitieux, n'a jamais permis au groupe d'émerger de la masse. La suite est encore plus triste puisque leur label n'a jamais voulu sortir son successeur, "Vertigo". Deux ans après l'enregistrement de la bête, le groupe eut gain de cause et put enfin sortir son deuxième opus au format digital, intégralement téléchargeable pour une donation libre. Une fois de plus, cette pépite passa inaperçue. Cet artwork géométriquement délirant n'aura malheureusement pas permis de conjurer le sort ; en réalité, il n'y a que toi cher lecteur qui pourra changer la donne.
Pourtant, quand on y réfléchit, Memfis est plutôt en accord avec ce monde. "Vertigo" est beau, "Vertigo" est violent, "Vertigo" est chaotique, et "Vertigo" arrive à faire rentrer des triangles dans des étoiles. A l'heure où tout est reconstitué, les matériaux de nos constructions, nos meubles, nos bâtonnets de crabe, Memfis ajoute sa pierre à l'édifice en proposant un metal aggloméré qui tient comme un piquet de grève devant une usine métallurgique.
"The Wind Up" était déjà un modèle du genre mais son successeur enfonce le clou jusqu'au cerveau pour un résultat déconcertant. Ma culture n'est pas assez riche et diversifiée pour appréhender toutes les composantes de leur musique donc j'éviterais de donner des noms ; disons simplement que les Suédois arrivent à passer du metal progressif, du death, du (post) hardcore et du rock dans un tout petit trou rond carré. Loin d'être une bouillie inconsistante, ce qui en ressort relève au contraire du génie, un style totalement anti-commercial qui vous retourne la tête pendant bien des écoutes pour ne se révéler qu'aux plus méritants.
Il faudra donc vous armer de patience et d'attention pour apprivoiser la bête. Ainsi se succèdent violence et passages atmosphériques, murs de guitares et légère distortion, hurlements (death/hardcore) et chant clair... Chaque composition a son identité propre et se veut totalement imprévisible, sans jamais perdre en cohérence. Elles s'inspirent chacune d'influences différentes qui, selon l'orientation de vos goûts, vous évoqueront tel ou tel groupe : personnellement j'y ai vu quelques clins d'oeil à Opeth et de manière générale, plus de références à la scène extrême progressive US qu'européenne. A l'instar de son prédécesseur, "Vertigo" est également un tout. Les morceaux s'enchainent sans pause, ne laissant pas toujours entrevoir leurs limites. Pendant ces 40 minutes, à l'exception des 2 instrumentales "Versus" et "Hiatus", l'intensité ne faiblit pas et ne sera que provocation ou mise à l'épreuve pour votre esprit et votre éclectisme. La production est impeccable, claire, brute, froide, sans fioriture, renforçant l'austérité que Memfis a voulu pour son bébé. Deux voix, deux guitares, une basse, une batterie, rien de plus. L'excellence de "Vertigo" ne tient sur aucune espèce d'artifice, d'électronique ou d'arrangement, juste des compositions solides et ingénieuses, taillées au scalpel par des musiciens hors pairs. Rien que pour le trio "The Burden", "In Chase of Death" et "Phlow" cet album mérite un édifice en son honneur.
Mais "Vertigo" est quelque part un peu frustrant, frustrant d'être aussi court, frustrant de couper certaines compositions si rapidement (pourquoi une telle fin pour "The Burden" ???). Si le groupe a voulu nous communiquer leur frustration de n'être qu'un groupe underground de plus dans le paysage metal, c'est parfaitement réussi. Ou est-ce simplement pour se laisser une marge de progression dans le futur ? Possible car à part ces quelques doléances, je ne trouve rien à redire à ce second essai qui combine si habillement puissance, émotions et originalité. Une de ces petites pépites qu'on n'a trop peu l'occasion de découvrir...
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