En 2001 la plèbe metallique française pensait avoir trouvé le saint graal en matière de brutal death avec le
Black Seeds Of Vengeance de Nile arrivé la fin de l'année précédente dans nos vertes contrées ; mais l'amateur éclairé, lui, celui qui aime son brutal death sans concessions et véritablement blasphématoire, savait bien que
Liber Zar Zax était le véritable joyau de la scène. À une époque où l'on pensait encore que Derek Roddy et Tony Laureano étaient les batteurs les plus rapides du monde, et que tout le monde était persuadé que The Berzerker utilisait une boîte à rythmes, Centurian est venu mettre un gigantesque coup de pied dans la fourmilière, chamboulant nos certitudes à 250 bpm de moyenne sans jamais descendre en dessous de 220, en ne recherchant que la suprême brutalité avec un succès rarement égalé, et renvoyant Krisiun, dont on admirait encore l'aspect extrêmiste, à ses études. Douze ans plus tard, alors que les rouleaux compresseurs de cette époque ont été ringardisés par toute la compagnie des suiveurs de Origin sur le plan technique,
Liber Zar Zax, second et pour longtemps dernier album en date des Hollandais, n'avait rien perdu de son éclat ni de son impact, demeurant un des meilleurs albums de brutal death de l'histoire grâce un extrémisme forcené et d'excellents riffs aux sonorités très originales. Et l'espoir perdurait de voir le groupe se reformer, les musiciens de Centurian restant fortement impliqués dans leur scène chez Severe Torture et surtout Nox, dont l'excellent
Ixaxaar auquel la chronique de Chris ne rend pas hommage commence déjà lui-même à dater. C'est d'ailleurs sans surprise que Centurian possède aujourd'hui un line-up 100% similaire à celui de Nox, avec pour principal compositeur et pierre angulaire du groupe Rob Oorthuis, entouré de Seth Van de Loo et Patrick Boleij, présents sur
Chorozonic Chaos God, et le petit nouveau Neils Adams, venu de Prostitute Disfigurement et donc Nox, où il n'aura toutefois pas participé à l'unique album. Un changement quasi-intégral de line-up par rapport au second album, mais en grande partie un retour à l'équipe qui a fait le succès du premier opus et de Nox, voilà qui avait de quoi intriguer et rassurer à la fois. Pourtant ce
Contra Rationem n'est sans doute limité que par ses propres musiciens.
Que les fans soient rassurés, on reconnaît dès les premiers instants le style si caractéristique de Centurian, ce brutal death âpre, avec des guitaristes qui jouent souvent des riffs changeants et en double-croches, un batteur qui essaye de suivre le rythme infernal imposé par Rob Oorthuis, et des vocaux puissants de grande qualité qui ajoutent encore, s'il en fallait une, une touche de frénésie dans un océan de brutalité. Sans surprise, le brutal death des Bataves est supersonique, ne s'appesantit jamais et devrait sans mal plaire aux fans de la scène actuelle, plus technique, dont
Liber Zar Zax était un précurseur un peu oublié. Ce troisième album de Centurian possède d'excellents riffs, fait montre d'une efficacité indiscutable sans être linéaire ni tomber dans les travers peu accrocheurs du death stop & go, et musicalement souffre de peu de reproches pour peu que l'on ne connaisse pas le groupe en profondeur comme c'est mon cas. On ne peut qu'approuver ce retour en entendant la qualité de compositions comme « Judas Among Twelve », excellent de bout en bout grâce à son absence de ralentissement, et en constatant avec satisfaction que l'intégralité des neuf titres possède d'excellents riffs, ainsi que de très bons solos. Moi qui n'aimait pas Prostitute Disfigurement, je suis ravi de constater que Neils Adams délivre également une excellente prestation vocale, bien soutenu par un Seth Van de Loo aux backings qui apporte la puissance qu'on lui connaissait sur
Chorozonic Chaos God. Oui,
Contra Rationem est définitivement un très bon album de brutal death. Il n'est malheureusement pas un très bon album de Centurian.
Malgré de très bons riffs et une efficacité qui n'est pas à mettre en cause, ces neuf titres paraissent par bien des aspects bien trop sages : pas assez marquants mélodiquement, pas assez rapides pour être véritablement brutaux, pas assez changeants pour surprendre. Si un mid-tempo comme « Feeding Flesh to the Vortex » n'est plus de mise, on ne peut s'empêcher de remarquer que Centurian ralentit parfois un peu trop son propos, comme sur, « Adversus » et « Antinomian », qui paraissent du coup un peu anecdotiques parmi des titres plus brutaux mais étrangement plus courts, ne dépassant pas les trois minutes là où la norme était auparavant à quatre et demi. Une limitation sans doute imposée par Seth Van de Loo, qui n'arrive pas à prendre la relève de Wilm Van Der Valk à la batterie, car même s'il s'en est toujours bien tiré chez un Severe Torture bien plus lent, on le sent nettement limité chez un Centurian dont les guitaristes tombent rarement en dessous des douze notes à la seconde. Derrière les fûts, il blaste de manière tout à fait satisfaisante pour le commun du brutal death, mais il ne se calera que très rarement à la double-croche sur sa grosse caisse, soit pour de courtes périodes soit sur les passages inférieurs à 220 bpm, qui ne sont pas le cœur du propos de Centurian. Par rapport à
Liber Zar Zax, ce nouvel opus perd donc en brutalité et en efficacité, et ce malgré un jeu de cymbales plutôt sympathique mais là encore sans éclat. Le groupe est donc obligé de s'adapter, et à l'instar d'un « Damnatio Memoriae », la plupart des titres resteront plafonnés à un 230 bpm bien trop raisonnable, sans l'effet massif et furieux de « The Reading » ou « Conjuration For Chrorozon » auxquels les nouveautés rendent aisément 30 points de tempo. Mais il faut encore ajouter aux rangs des déceptions le style de Rob Oorthuis, moins inspiré, qui joue désormais bien plus dans les graves, et surtout en variant beaucoup moins ses approches, lui qui surprenait grâce à une main gauche qui tenait rarement en place plus d'une seconde (en admettant qu'il soit droitier – rejoignez le front d'extermination de gauchers ! Une fois les gauchers éradiqués, on passe aux gauchistes et aux gauches, ça nous occupera). Le riffing original de
Liber Zar Zax laisse ainsi place à des mélodies plus communes, certes très bonnes, parfois même excellentes, mais sans la personnalité qu'on leur connaissait auparavant, rangeant malheureusement Centurian dans la case du brutal death de qualité, mais classique. Et pourtant, pour quiconque avec un peu de culture, Centurian ne fut pas un groupe de brutal death classique.
Certes plus mature et bien mieux produit que le très roots
Chorozonic Chaos Gods,
Contra Rationem ne pêche que parce qu'il est un album de Centurian, et ne peinera aucunement à s'imposer parmi les meilleurs sorties de brutal death de 2013, si on le considère dans l'absolu, en oubliant qu'il provient du groupe qui a engendré le merveilleux
Liber Zar Zax. Les Bataves ne sont d'ailleurs pas fous, c'est bien la meilleure réminiscence de ce glorieux passé qui a filtré en premier avec l'excellent « Judas Among Twelve ». mais ne vous laissez pas usurper, ce troisième album de Centurian ressemble bien plus à un « Feast Of The Cross », plus sage et classique. À ce constat légèrement désabusé il faut ajouter une durée assez honteuse de 30 minutes, presque choquante après pourtant de nombreuses années sans compositions, faisant de
Contra Rationem un album trop timide et trop vite écouté, pour un retour assurément en demie-teinte. S'il devrait sans peine séduire ceux qui ne connaissaient pas le groupe, on ne peut que regretter que
Liber Zar Zax l'atomise sur tous les plans, tout comme il avait réussi à s'imposer comme étant largement plus brutal que tous les Nile, Krisiun et Hate Eternal de son époque. Un batteur nettement moins rapide aura eu raison de sa frénésie, et un riffing bien moins changeant de son originalité, laissant l'exclusivité de la majesté de « Heading For Holocaust » ou « Conjuration For Chorozon », entre autres brûlots mémorables, à son prédécesseur. Certes, avec une aussi bonne prestation vocale et une tenue largement supérieure à la moyenne du genre, il mériterait dans l'absolu un gros point de plus, mais ceux qui cherchent l'ire frénétique du brutal death du Centurian de la précédente décennie feraient mieux de se tourner vers les Américains de Chaos Inception, qui avec l'excellent
The Abrogation ont sorti le véritable successeur du génial
Liber Zar Zax.
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