Cenotaph - The Gloomy Reflection Of Our Hidden Sorrows
Chronique
Cenotaph The Gloomy Reflection Of Our Hidden Sorrows
Nombreuses sont les rééditions à avoir vu le jour ces derniers mois. Si l’intérêt varie naturellement en fonction du groupe et des enregistrements proposés, une parmi elles s’est faite particulièrement attendre. Il s’agit du premier album des Mexicains de Cenotaph (à ne pas confondre avec le groupe Turque de Brutal Death).
Paru en 1992 sur Horus Productions, The Gloomy Reflection Of Our Hidden Sorrows a été réédité une première fois en 1998 par Oz Productions (avec un artwork complètement différent). Sachant le regain d’intérêt que semble connaître la scène Death Metal underground ces quelques dernières années, cela n’était qu’une question de temps avant qu’une nouvelle réédition ne voit le jour. C’est aujourd’hui chose faite grâce au travail de Chaos Records.
Calquée (en partie) sur la version originale, cette réédition à le bon goût de (re)mettre en avant l’artwork de Ryszard Wojtynski. On retrouve donc ce premier album dans une version remasterisée avec, en guise de bonus, l’intégralité des EPs Tenebrous Apparitions et The Eternal Disgrace parus respectivement en 1990 et 1991.
Formé en 1988 sous le patronyme de Damned Cross, le groupe décide de rapidement changer son nom au profit de Cenotaph. Entre 1990 et 1991, le groupe va ainsi sortir deux EPs et deux démos avant de réaliser la pièce maitresse de sa discographie, le désormais culte The Gloomy Reflection Of Our Hidden Sorrows. A cette époque, le groupe est notamment composé par Daniel Corchado (qui s’en ira après la sortie de ce premier jet fonder The Chasm) et Oscar Clorio (que l’on retrouve depuis 2006 chez les très bons Denial).
Pionnier en son genre, l’influence de Cenotaph dans la construction de la scène mexicaine est aujourd’hui indiscutable. C’est pour quoi il est important d’appréhender cet album (comme beaucoup d’autres rééditions d’ailleurs) en prenant en compte la dimension historique et la porté qu’il a pu avoir sur la scène locale et internationale. A cette époque pourtant, l’influence de la scène mexicaine sur le reste du monde est plutôt mince, voire inexistante. D’ou la relative notoriété de Cenotaph et de cet album. Pourtant, The Gloomy Reflection Of Our Hidden Sorrows constitue une belle petite pépite de Death Metal obscure, un peu à la manière d’un Incantation (pour lequel Daniel Corchado ira d’ailleurs chanter le temps d’un album) en plus crade et bancal.
Ce qui frappe ainsi dès les premières écoutes c’est la production et la place accordée à certains instruments qui semblent parfois déborder de tout les côtés. Le son manque ainsi de précision, la faute à un mixage approximatif et à un problème de proportion évident (le chant, la basse et la batterie sont à mon avis trop en avant au détriment des guitares qui auraient mérités davantage d’exposition). Malgré tout, ce choix artistique n’entache pas l’appréciation de ce disque et colle même plutôt bien à l’époque ainsi qu'à l’atmosphère foutraque et primitive qui s'en dégage.
Considéré par beaucoup comme la réponse mexicaine à Incantation, Cenotaph propose en effet un Death Metal particulièrement dense. Il faut dire que le chant de Daniel Corchado n’y est pas étranger. Celui qui a officié au sein du groupe américain sur l’album Diabolical Conquest nous offre ici une prestation particulièrement convaincante grâce à un growl profond et écrasant d’excellente facture. Entre passages mid tempo oppressants et franches accélérations toute en sauvagerie, Cenotaph ne fait pas dans la demi mesure. On y retrouve ces mêmes parties Death/Doom particulièrement jouissives. Celles qui vous feront courber l’échine devant tant de puissance et de lourdeur (le début de "Tenebrous Apparitions" par exemple). On y trouve aussi, ces fulgurances punitives entre d-beat, tchouka-tchouka et blast-beats à l’ancienne (c’est à dire pas trop rapide). De quoi varier les plaisirs pour un album qui n’a pas peur des prises de risques.
En effet, The Gloomy Reflection Of Our Hidden Sorrows pouvait en son temps se targuer de sortir quelque peu des sentiers battus. Par où commencer ? Peut-être par ce clavier, aujourd’hui quelque peu désuet, mais qui à l’époque constituait un élément fort en terme d’atmosphère dégagée. Bien qu’utilisé avec parcimonie tout au long de ce premier album, il semble impossible de ne pas le remarquer lorsque celui-ci fait son apparition (les premières mesures de "Requiem For A Soul Request", "Evoked Doom", l’intro de "Tenebrous Apparitions" ou celle "The Spiritless Ones"). Forcément, on en a fait des progrès depuis... Si l'effet n’est pas le même aujourd'hui, qu’importe car l’intention est là. Il y a aussi cette guitare acoustique sur le titre "Infinite Meditation Of An Uncertain Existence" ainsi que ces quelques passages où Daniel Corchado laisse son growl de côté pour des parties vocales beaucoup plus mélodiques. Pas de chant clair non mais plutôt des parties en mode "spoken words" ("...A Red Sky" à 0:39, la conclusion d’"Evoked Doom"). La construction même de chaque morceau laisse également à penser que Cenotaph avait pour objectif de sortir des schémas classiques. Il se dégage ainsi de chaque titre un côté brouillon de par des constructions rythmiques parfois bancales et souvent chaotiques. Enfin, il serait injuste de ne pas faire mention de ces nombreux leads et soli dont se dégagent un feeling indescriptible, comme pour illustrer une plongée interminable dans un monde complètement aliéné et distordu.
Pour conclure cette réédition, Chaos Records propose également l’intégralité des EPs Tenebrous Apparitions et The Eternal Disgrace parus en 1990 et 1991 (soit quatre titres supplémentaires dont deux figurent aussi sur l’album). Pas de grosses différences à constater, la recette demeure la même, seule la production diffère. En effet, si le son des guitares est sensiblement meilleur sur les titres tirés du EP Tenebrous Apparitions, celui du chant est à l’inverse particulièrement médiocre, notamment sur "Larvs Of Subconscious" (beaucoup trop de saturation). Quant aux titres de The Eternal Disgrace, il y a fort à parier que le master original n’est pas en très bon état à l'heure qu'il est étant donné les nombreuses variations dans la qualité même du son. Au final, l’intérêt de ces quatre titres peut sembler limité d’un point de vu qualitatif. Un son trop brouillon, des compositions particulièrement primaires... Mais il est toujours intéressant de pouvoir poser ses oreilles sur les premiers enregistrements d’un groupe afin d’en constater l’évolution. Et comme ces titres sont aujourd’hui introuvables, pourquoi les bouder ?
Avec plus d’une heure au compteur, cette réédition se montre particulièrement complète et devrait, j’en suis certain, ravir les amateurs de vieilleries Death Metal. S’il est difficile de juger de l’influence de Cenotaph sur la scène Death Metal (d’un point de vu global), il semble par contre évident que le groupe a eu un poids considérable sur la scène sud-américaine. On y retrouve cette urgence et ce côté primaire et approximatif qui caractérise (encore aujourd’hui) beaucoup de groupes issus de cette zone géographique. The Gloomy Reflection Of Our Hidden Sorrows souffre peut-être d’une production imparfaite et d’un certain déséquilibre dans le rendu de chaque instrument mais d’une façon générale c’est un album capable de tenir facilement la comparaison avec ce qui se faisait à l’époque aux Etats-Unis ou en Europe tout en y apportant une touche personnelle (notamment grâce à cette ambiance chaotique). Album majeur au sein de l’underground, il est de votre devoir de ne pas louper pas cette réédition.
| AxGxB 31 Octobre 2013 - 3576 lectures |
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