L’humour dans le Metal n’a jamais vraiment été ma tasse de thé. Ce n’est pas que je sois un vieux rabat-joie aigris et nostalgique, c’est surtout que d’une manière générale les groupes qui se soumettent à ce genre d’exercice le font d’une façon qui, soyons honnête, ne rend pas service au Metal et à la perception que les personnes extérieures à cet univers peuvent en avoir. Certes, cette musique subversive par nature n’est pas censée se plier aux exigences de conformités de la masse, mais toujours est-il que les
"Va faire la vaisselle sale morue, Ou t'auras ma bite dans ton cul!" bah moi ça ne m’a jamais fait marrer.
A l’inverse, certains groupes sont capables de le faire d’une manière beaucoup moins putassière et moins beauf tout en étant capables de vous faire esquisser un sourire. C’est le cas des Américains de Ghoul qui depuis le début des années 2000 (2001 pour être exact) s’évertue à faire de la Creepsylvanie un endroit ultra cool où l’on peut y croiser toutes sortes d’énergumènes dont quelques encapuchonnés ensanglantés.
Cinq ans après
Transmission Zero, Sean McGrath et Ross Sewage sont donc de retour avec un nouvel album intitulé « Dungeon Bastards ». Celui-ci marque également l’arrivée de Peijman Kouretchian (Fermenter) et Peter Svoboda (Dissector) dans les rangs de la formation californienne. Sortie sur Tankcrimes Records, l’artwork de
Dungeon Bastards est signé par Mark W. Richards (The Black Dahlia Murder, Agoraphobic Nosebleed, Pig Destroyer...) et comme Ghoul est un groupe qui ne s’est jamais pris au sérieux, l’édition vinyle de
Dungeon Bastards s’accompagne d’un jeu de plateau dans lequel vous pourrez combattre des bikers, des monstres ainsi que quelques musiciens de Black Metal. Interrogé sur le sujet, voilà d’ailleurs ce qu’avait à en dire Digestor et Cremator :
"Commandant Dobronkum has an ultimate weapon, the Omicron Bomb, that he’s threatening the entire place with, including us. Baron Samedi beckoned us so he could use the weapon to destroy himself and everyone else because he wants everyone to go back into oblivion, so the game is the story of us trying to get to the weapon in Svatoplunk Square.
From what I could gather, Dobronkum wants to kill everybody, Samedi wants to kill everybody and himself, and Ghoul kind of don’t care as long as people die. From what Digestor has told me, this game is about killing people and eating people. And drinking. Copious drinking."
Le décor ainsi planté, puisque au-delà du jeu il s’agit également de l’histoire que raconte Ghoul à travers ces dix nouvelles compositions, on retrouve tout ce qui fait le charme de ces encapuchonnés depuis l’excellent
We Came For The Dead!!! sorti en 2002. Hormis ces quelques sonorités Surf Music et ces samples robotiques de seconde zone que l’on pouvait retrouver jusque-là sur ses précédents albums (même s’il reste quelques légères réminiscences ici et là), tout y est une nouvelle fois présent.
L’album s’ouvre ainsi sur une excellente introduction rappelant ces films post-apocalyptique des années 80 (Mad Max en tête). Un homme, que l’on imagine hors caméra, prend ainsi la parole d’une voix inquiétante pour nous narrer brièvement l’histoire d’un monde nouveau et menaçant se dévoilant sous nos yeux. Un paysage rouge et abîmé à perte de vue. Dans ce monde étrange, d’une sorcière tout aussi étrange est né un énigmatique personnage qui deviendra au fil du temps un véritable tyran, le Commandant Dobronkum. Alors, à la manière d’un "The Lunatic Hour", la voix de l’homme s’efface pour laisser place à un titre instrumental au groove toujours aussi redoutable. En moins de deux minutes, Ghoul donne déjà envie de se fracasser la tête contre les murs... Et ce n’est que le début. Les neuf titres suivants ne sont, comme d’habitude, qu’une succession de riffs Thrash/Death toujours très simples mais toujours ultra efficaces ("Ghetto Blasters" à 1:08, "Shred The Dead", "Ghoulunatics"...), de tchouka-tchouka endiablés conférant une fois de plus à ce
Dungeon Bastards un rythme d’enfer, de quelques séquences de blasts savamment dosées (le très coriace "Bringer Of War"...), de leads et de soli mélodiques très accrocheurs ("Ghetto Blasters" à 1:33, "Dungeon Bastards" à 1:05, "Ghoulunatics" à 0:48...) et enfin de mosh-part absolument diaboliques ("Ghoulunatics" à 4:07...). Là-dessus vient se poser les voix glaireuses et plus ou moins clichés, plus ou moins sérieuses, plus ou moins exagérées de ces quatre lascars que rien n’arrête. Du growl tantôt profond (moins qu’auparavant), tantôt arraché, des chœurs à la sauce Thrash/Hardcore/Crossover, des voix plus distinctes dont émane un second degré évident... Bref, Ghoul brasse plutôt large et instaure grâce à cette multiplicité vocale une atmosphère fun et ultra détendue qui donne envie de prendre son mélange de Thrash, de Death et de Hardcore avec le sourire.
Finalement, le seul grief que je porte à l’égard de
Dungeon Bastards concerne ces deux derniers titres qui viennent quelque peu briser le rythme particulièrement soutenu de ce cinquième album. Sur "Guitarmageddon", exit le chant et place à de vrais-faux discours militaires/politiques/médiatiques sur la bombe atomique, l’éradication de la population et ce genre de choses bien sympathiques. C’est dommage car comme son nom l’indique, ça riff plutôt pas mal du côté de la Creepsylvanie mais l’absence de chant au profit de ces voix télévisées/radiophoniques rend le truc moins accrocheur. "Abominox" joue quant à lui la carte du titre mid-tempo. Ça aurait pu être cool s’il n’y avait pas eu "Guitarmageddon" juste avant et surtout si les riffs avaient gardé cette force de persuasion. On perd malheureusement ici beaucoup en intensité et après ces huit titres (allez neuf, parce que comme je l’ai dit "Guitarmageddon" est loin d’être mauvais), on aurait apprécié terminer comme on a commencé, c’est à dire pied au plancher.
S’il semble ne pas changer quoi que ce soit à sa formule, on constate tout de même que Ghoul n’a plus tout à fait la même manière de procéder qu’auparavant. Plus de Thrash, plus de Hardcore, une production moins cradingue, moins de Gore, moins de robots, moins de surf music… Quelques remises à niveau qui pourront peut-être en gêner quelques-uns même si au fond je n’y crois pas. Non, Ghoul a toujours ce truc pour rendre ces compositions ultra simples toujours aussi efficaces et addictives. Et tant pis pour les petites erreurs de parcours, ces albums sont à chaque fois de vrais moments de plaisirs sur lesquels je ne me gêne pas de revenir.
Dungeon Bastards ne déroge pas à la règle. Tant mieux.
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