Monster Magnet - Last Patrol
Chronique
Monster Magnet Last Patrol
Dans un genre propice aux réminiscences, MONSTER MAGNET n’est pas le premier à sortir du grenier les vestiges SF des comic books de l’enfance. Plus ou moins récemment, des groupes comme SLEEP (« Dopersmoker ») et THE SWORD (« Warp Riders ») y sont allés de leur hommage à tous ces vieux films abusant de mate-painting et de costumes de foire. A l’évidence, le vaisseau spatial de « Last Patrol » a tout du vieux coucou au tableau de commande recouvert de café (je dis ça pour rassurer les éventuels passagers car en vérité, ça fleure bon le scotch douze ans d’âge et le sandwich sous vide) où la vitesse lumière se gère à coup de poing dans la machinerie. Ce fichu rotor est encore en panne ? Pas de panique. Après des années d’excès en tout genre, Dave Wyndorf semble enfin décidé à lever le pied.
Superbe opener tout en retenue, « I Live Behind The Clouds » donne le ton. Assagie, la bête à cornes galactique regarde filer les étoiles du Marshall William T. O’ Niel telle une vache dans un pré. Car non, Dave Wyndorf n’est ni Captain Kirk, ni un gentil pirate de l’espace promenant sa coolitude en compagnie d’un yéti à cartouchière. Dave est Sean Connery dans « Outland », flic dépêché sur la station minière Con-Amalgamate 27 pour démanteler un trafic de drogue. Concienscieux, il n’hésite pas à goûter au produit pour connaître (toucher) le fond du problème. Quel problème d’ailleurs ? Avec une came pareille, on plane façon space rock comme sur HAWKWIND, sa toute première navette spatiale. Fini le temps de « Powertrip », où MONSTER MAGNET sonnait comme une version métallisée des pionniers du genre. Tout est plus authentique ici, à commencer par le chant : si la puissance est toujours de mise, la partition rock attendue gagne en fragilité, y compris sur les pistes les plus furieuses (« End Of Time », « Mindless Ones »). Et si d’ordinaire l’on rechigne à donner dans le track by track, la progression dramatique sur « Last Patrol » est si évidente que l’impair sera pardonné. Après le démarrage en pilotage automatique sur « I Live Behind The Clouds », la machine s’emballe sur un morceau titre à l’apparence trompeuse ; ça vous secoue gentiment façon traversée de ceinture d’astéroïdes (riffs de plomb et rythmique nerveuse à l’appui) avant de vous pendre, d’une seconde à l’autre, aux lèvres d’un trou noir psyché à n’en plus finir. D’une rare violence, le climax de « Last Patrol » prend des allures de dernier trip sous acide. S’il s’en sort, Dave jure ses grands dieux de ne plus chercher la petite bête. Après tout, si les manches de pioche veulent planer à dix mille entre deux coups de grisou inter galactiques, grand bien leur fasse !
Réveil en douceur, quasi cotonneux, dans une succursale du grand nulle part. Du black-out au blanc immaculé d’une chambre d’hôpital, il n’y a que quelques délicieux accords de gratte savamment distillés sur « Three Kingfishers », pause salvatrice dont le refrain mâtiné de hard rock nous ramène à la case départ. Apaisante en diable, cette double étape en Jérusalem céleste (double dose de morphine avec la touchante « Paradise ») nous retape tant et si bien notre miraculé (Wyndorf victime d’une overdose en février 2006) retrouve l’usage de ses jambes, lesquelles le portent illico jusqu’au bar de la station. « Hallelujah », sa redneck attitude et son coup de santiags dans les parties de l’aviné du comptoir, c’est le baroud d’honneur d’un pilote à l’ancienne, refusant d’emprunter les couloirs galactiques balisés par la compagnie. Conscient d’entrevoir le bout de la piste, Dave lâche alors les chevaux et ne s’octroie plus qu’une dernière halte (« The Duke Of Supernature ») avant la déferlante finale, la bien nommée « End Of Time ». Formidable va-et-vient entre furia rock et ballades électriques, admirablement agencé et composé « Last Patrol » s’achève sur l’intemporelle « Stay Tuned », dernier message radio appelé à résonner dans les recoins d’un univers jadis traversé par DAVID BOWIE : une petite pépite pour finir, pas si éloignée d’une certaine « Space Oddity ». Parfait de bout en bout (bien que plus légers, les deux bonus tracks « Strobe Light Beatdown » et « One Dead Moon » prolongent le plaisir), « Last Patrol » a déjà tout d’un classique. Qu’on se le dise : à force de piocher dans le répertoire des maîtres, cette fois c’est sûr, Dave Wyndorf les incarne pour de bon, les années lumières des seventies.
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