Il n'y a plus besoin de présenter Mayhem. À vrai dire, ce qui est justifié concernant l'entité culte en provenance de Norvège, c'est plutôt de se demander vers quel voyage nous allons embarquer cette fois-ci ? C'est sûr, de « Deathcrush » à
« Ordo Ad Chao », la clique menée actuellement par Attila et Hellhammer a toujours repoussé les limites fixées par le genre qu'elle a pourtant contribué à façonner et populariser. Ce qu'on ne pourra jamais dénigrer, c'est cette capacité de Mayhem a toujours regarder vers le futur et l'innovation en proposant à chaque sortie une relecture du genre. Alors qu'un
« Grand Declaration of War » tablait il y a quatorze ans (déjà) sur un délire foutraque mais construit, un
« Chimera » se concentrait sur la frappe pure, dure et presque groovy. Que dire également, de l'éprouvant et labyrinthique
« Ordo Ad Chao », sorte de Black Norvégien, rauque, brutal et complexifié à la manière d'un Portal de la cave. Forcément après un tel parcours, « Esoteric Warfare » intrigue et même si l'on est un peu blasé par le Black Metal, Mayhem sait titiller notre curiosité.
Tout de même, on pourrait s'interroger sur le changement de Line-Up proposé par Mayhem sur ce dernier né déboulant tout de même sept ans après son grand frère. Exit Blasphemer, architecte sonore exemplaire des deux opus les plus tarabiscotés de l'entité et la bienvenue (ou pas d'ailleurs) à Teloch, l'hyperactif futile, générique et capitalisant sur son statut de membre de Mayhem, auteur entre autres de Nidingr ou de NunFuckRitual, soit deux projets pas vraiment des plus passionnants... M'est avis que ce type doit être bien content d'avoir enfin son nom écrit dans un disque des Norvégiens, vu comme il s'en réclame depuis tout ce temps. Toujours est-il qu'on avait de quoi s'inquiéter de voir sombrer Mayhem dans un fiasco général, emporté par la facilité de son guitariste/compositeur tout beau mais pas vraiment tout neuf. On y reviendra plus tard mais cette arrivée n'apporte pas que du positif.
Pour un disque d'une formation aussi auréolée et culte, on peut dire que ce « Esoteric Warfare » présente plutôt bien. Une pochette sobre, BCBG et pas franchement transcendante, qui laisse la place à la première écoute à une production des plus normales. Y'a pas à dire, on pourrait presque l'amener chez Mamie dimanche prochain... Tonton Hellhammer a rebranché ses triggers (même s'ils se font plus discrets que par le passé...), la basse se retrouve plutôt en sourdine, Attila est plutôt mis en avant et les guitares sont mixés avec un poil de grésillements certes mais restent tout de même très propres. Le petit problème, c'est que pour un disque qui est sensé être inspiré par, je cite la biographie : « Les essais nucléaires de la guerre froide et les expérimentations ésotériques », la production manque cruellement de personnalité. On aurait apprécié une production bien plus puissante pour les passages violents tels que le début du single en écoute « PsyWar » et on l'aurait aimée plus organique et charnue pour les passages plus posés et inventifs comme sur la piste « MILAB » plutôt intéressante avec sa basse, son groove et ses guitares lancinantes. Dommage, avec un son moins lambda et plus travaillé, l'ensemble aurait été nettement plus convaincant.
Passons maintenant au cœur du sujet, les compositions. Mayhem, comme je le disais plus haut, est un groupe qui puise dans l'actualité. On sent dans ce dernier disque des inspirations du Black Orthodoxe (notamment de Deathspell Omega, étonnant dites-moi...) et aussi de Portal ou Aevangelist, pour les passages les plus bordéliques. C'est sûr, le groupe a poussé dans le délire satanique, proposant par exemple son titre lent avec « VI sec », lentement gorgé d'ambiances religieuses pour finalement se clôturer dans un Blast-beat déstructuré. C'est bien, les gars, de synthétiser vote carrière de cette manière, malheureusement et comme on pouvait le craindre, Teloch n'a rien pigé. Décidément, ce type a le chic pour balancer des riffs avec du potentiel mais ne jamais réussir à les faire exploser. Par exemple, le titre d'ouverture du disque « Watchers » est bien construit et plutôt agréable à l'écoute mais on regrette quelque chose, un petit supplément d'âme qui sublimerait la piste et lui donnerait le statut de baffe qui ouvre l'album. Le compositeur norvégien est bien trop classique, bien trop inspiré par ses pairs pour pouvoir sortir une composition digne de ce nom. « Throne Of Time » souffre du même problème, avec ses mélodies de fond rappelant un Nightbringer grossièrement singé par notre habitué du plagiat général. Ah la la, que c'est rageant, surtout que le côté complexe et saccadé du final aurait pu permettre de construire un titre fort, inattendu et aussi corpulent que Pierre Ménès.
Malgré ce déluge de sévérité, peut-on dire qu' « Estoteric Warfare » est un mauvais disque ? Non, car à vrai dire on s'y retrouve mais essentiellement par passages. Par exemple sur la deuxième partie de « PsyWar » qui laisse place à un dénouement plus tortueux que ce que l'on pouvait présager. Finalement, avec le recul, on notera que ce sont les trois titres les plus étirés sur la durée qui marquent le plus, l'ouverture avec « Watchers » déjà abordée, un « MILAB » osé et aventureux, malgré le fait qu'il soit desservi par le son et enfin un « Posthuman » qui point le bout de son nez en fin de disque et remonte considérablement le niveau. On peut aussi mettre des petits « V » verts devant les points sur lesquels la formation assure toujours : Attila fait le job et livre vraiment ses tripes dans les parties vocales et bien sûr, Hellhammer est toujours un excellent batteur. L'ensemble se laisse écouter gentiment mais on ne peut que se sentir tristounet devant tant de banalité.
En voulant mixer l'efficacité brute d'un
« Chimera » et le côté plus expérimental de ses autres travaux, Mayhem accouche dans la douleur d'un disque banal, bancal, mal emboîté et très redondant dans son ensemble. Seuls les quelques passages un peu hors-du-lot attireront l'oreille mais ils sont trop peu nombreux et vraiment trop simplistes pour devenir des morceaux d'anthologie. On aurait pu essayer de sauver les meubles en se concentrant sur les bonnes performances des musiciens et sur quelques déferlantes de violence, malheureusement le son du disque et le côté prévisible des riffs de Teloch empêchent tout échappatoire. On pourrait facilement qualifier « Esoteric Warfare » de quelconque, ce qui est un comble pour un groupe qui a toujours su surprendre et se renouveler. En y réfléchissant, je me dis qu'un Mayhem moyenne gamme est bien pire qu'un Mayhem considéré par une partie du public comme mauvais. Mieux vaut diviser dans le risque, qu'unir dans la médiocrité. Un disque et un groupe qui ne donne plus l'impression de chercher beaucoup plus loin que le bout de son nez et qui se repose donc sur son guitariste décidément spécialiste en échec musical... Pilotage automatique, roue libre et manque d'ambition seront les maîtres mots du Mayhem, version 2K14, maintenant, retournez chercher Blasphemer au centre de désintoxication dans lequel vous l'avez rangé...
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo