Mayhem - De Mysteriis Dom Sathanas
Chronique
Mayhem De Mysteriis Dom Sathanas
On dit souvent que les petits ruisseaux font les grandes rivières, l’adage collait parfaitement à la scène Black norvégienne des années 90, qui montre combien un petit pays peut devenir indissociable de sa scène artistique et musicale. En 1994 la nation d’Edvard Munch connaît un foisonnement incroyable en Black-Metal via des albums qui deviendront cultes avec le temps, puisque cette même année sort « Transilvanian Hunger » de DARKTHRONE, « In The Nightside Eclipse » d’EMPEROR, « Pentagram » de GORGOROTH, ou encore « The Shadowthrone » de SATYRICON, quant à IMMORTAL il apporte les dernières touches à son futur « Battles In The North ». C’est à ce même moment qu’apparaît « De Mysteriis Dom Sathanas » pourtant déjà en boîte depuis un bon moment, mais forcément avec la bande d’Oslo les choses ne sont jamais simples, tant la faucheuse et le diable semblent régner autour d’elle et qui n’hésitent pas à passer à l’action quand l’envie leur prend.
Il faut dire que depuis ses débuts MAYHEM jouit d’une aura particulière au sein de ce courant alors émergeant et quasi-clandestin depuis la sortie du mythique « Deathcrush », qui bien qu’étant presque inaudible montrait un degré de violence et de radicalité jamais vu à l’époque sur disque comme en concert. Car c’est bien lors de ceux-ci que le quatuor va faire parler de lui, notamment via son jeune chanteur Suédois Per Yngve Ohlin plus connu sous le nom de « Dead ». Rarement un artiste n’a eu un pseudo qui lui correspondait autant, puisque celui-ci outre ces vociférations d’outre-tombe, ainsi que ses textes d’une noirceur et d’une désespérance inouïes, marquait les esprits en se mutilant sur scène avec tout ce qu’il avait sous la main. Ce recrutement qui marque un tournant pour la notoriété de ces acolytes est paradoxalement le début de la fin pour lui et ceux qui l’entourent, d’une manière plus ou moins proche.
Car bien qu’écrivant les paroles d’une bonne part des chansons de ce futur opus il n’aura jamais le privilège de les enregistrer, puisqu’il se fera sauter la cervelle en avril 1991, quelques mois après la fameuse tournée d’où sortira le mythique « Live In Leipzig » où sa voix éraillée suintait la mort lors de chaque mot prononcé. Cependant début 1992 Euronymous le remplace par le hongrois Attila Csihar de TORMENTOR (dont le timbre plus grave et sombre ne manquera pas de diviser les fans) avant que Necrobutcher ne quitte la bande peu de temps après suite à des désaccords. Il n’ira pas chercher bien loin son successeur puisqu’il fait appel à Varg Vikernes (qui le poignardera mortellement quelques mois plus tard), et à Blackthorn pour la seconde guitare. Articulé autour de son compositeur et d’Hellhammer derrière sa batterie, le désormais quintet entre au studio Grieghallen de Bergen pour n’en sortir qu’en 1993, le temps de laisser se graver dans le marbre huit titres (dont certains déjà connus auparavant), mais dont la qualité du line-up sublimera l’ensemble, à l’instar de la production. Signée par son binôme en collaboration avec Eirik Hundvin elle se révèle légèrement brumeuse et d’une netteté incroyable, où chaque instrument est à sa place et cela permet donc à chacun de ses membres de donner le meilleur de lui-même via ce son glacial et magistral. Cet ensemble est mis en abîme par sa pochette qui reprend la fameuse cathédrale de Nidaros à Trondheim, dans des tons et couleurs que l’on peut penser inspirés du cinéma expressionniste Allemand des années 20, notamment via le fabuleux « Nosferatu le Vampire » de F.W. Murnau de 1922.
D’entrée on se retrouve embarqué dans cet univers via le puissant et radical « Funeral Fog » au nom bien choisi, tant la brume et l’humidité nous pénètre sous les coups de boutoir des riffs coupants et de la frappe chirurgicale du marteau de l’enfer (dont le niveau technique a considérablement augmenté en peu de temps), qui ne laisse personne indemne et indifférent, notamment par le chant presque incantatoire et religieux qui surprend au premier abord mais qui a toute sa place. Si l’album a démarré pied au plancher il ne continuera pas en permanence dans cette voie, car une autre des forces de celui-ci est de justement varier les tempos au maximum afin de créer une atmosphère encore plus lugubre et glauque, et de poser un peu plus son empreinte dans la durée. L’exemple le plus parfait est le génial « Freezing Moon » qui enchaîne directement et qui représente à lui seul tout ce que savent faire les norvégiens, entre une longue introduction hypnotique, frissonnante et enneigée qui monte progressivement jusqu’à l’explosion totale, avant de redescendre progressivement et se faire très lente durant les couplets suivants et le solo coupant et ravageur, avant une ultime rasade de vitesse ultra-rapide. Si ce titre est probablement le meilleur écrit par la formation des débuts (et jamais égalée depuis) la suite est presque équivalente entre « Pagan Fears » bien lourd au riffing et au tempo imparable ou encore « Life Eternal » avec son mid-tempo simple et génial, et que dire de « From The Dark Past » et « Cursed In Eternity » qui là-encore combinent vitesse, accroche et passages plus écrasants, grâce encore une fois au sens du riff du regretté Euronymous et à son marteleur qui illumine tout cela. N’oublions pas le court et radical « Buried By Time And Dust » qui va à l’essentiel en mettant en avant les blasts surhumains de son frappeur et une violence inouïe et sans concession des riffs et des paroles. Et même si le morceau-titre qui clôture les débats est un peu plus « faiblard » (les guillemets sont de rigueur) celui-ci est malgré tout très bon et ne fait pas tâche dans cette galette.
On savait que les scandinaves avaient un potentiel, mais quand même peu de monde aurait parié que pour leur passage en longue durée leur musique aurait été si forte, bruyante et inspirée, vu qu’elle ne se disperse pas un seul instant et conserve le brio qui est le sien. Mais marqué par le seau du deuil et du sang avant, pendant et après l’écriture de ces compos, la mort qui s’était absentée de l’entourage du combo durant l’enregistrement va refaire son apparition de manière brutale avec l’assassinat de son compositeur par le père Varg, alors que « Les Mystères Occultes de Satan » ne sont pas encore en vente à ce moment-là. Quand ceux-ci déboulent en mai 1994 MAYHEM a cessé d’exister suite à cette longue série d’évènements, et on parle même de ressortir l’ensemble des huit titres avec les parties de basse réenregistrées pour faire disparaître définitivement la contribution de Count Grishnack, ce qui ne se fera jamais. Mais si de nombreux disques tous styles confondus doivent leur notoriété aux tragédies et faits divers qui lui associés, au détriment de la qualité musicale, ici il n’en est rien. Certes le groupe est connu pour cela, mais aussi pour ce désormais classique absolument intouchable, qui a d’ailleurs fait l’unanimité dès sa sorties dans les bacs. Si on peut aujourd’hui reprocher aux survivants de vivre désormais plus sur leur légende (dont cet opus) que sur leur actualité récente, on ne peut absolument pas nier la qualité exceptionnelle de celui-ci, contrairement aux sorties qu’ils ont fait depuis le nouveau millénaire.
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