L'Argentine, c'est un peu le parent pauvre des grands pays d'Amérique du Sud. Quand les voisins brésiliens et chiliens alignent les groupes de metal de qualité et d'importance depuis plus de vingt ans, la patrie de Javier Pastore en reste au stade larvaire. Pourquoi? J'en sais foutre rien! Du coup, quand un petit groupe du pays arrive à sortir du lot, ça me fait plaisir pour cette nation plus connue pour son football que pour ses hordes métalliques. Prion a fêté l'année dernière ses vingt ans d'existence mais je ne suis le combo de Buenos Aires que depuis la sortie en 2008 sur Comatose de son deuxième album
Impressions qui avait attiré mon attention malgré son côté sous-Hate Eternal. Les deux nouveaux titres du
Split Torso Trauma deux ans plus tard marquaient une progression indéniable. Les Argentins ayant un rythme de production inversement proportionnel à la vitesse moyenne de leurs compositions, il faudra attendre 2015 pour voir enfin atterrir un nouvel album,
Uncertain Process, toujours sur le label américain comateux.
Avant de voir si les Sud-américains ont continué dans la bonne direction, je dois dire que je ne sais toujours pas si j'aime ou non la pochette de Marco Hasmann. Cette espèce de gros chat diabolique obèse et difforme tenant une coupe que j'ai longtemps prise pour une lanterne me trouble depuis que je l'ai vu pour la première fois. L'artwork guerrier d'
Impressions avait le mérite d'être plus explicite sur ses intentions! Les couleurs sont originales en tout cas alors je crois que je commence finalement à bien l'aimer cette pochette!
D'autant que ce qu'elle cache vaut le détour. Sur la lancée des deux titres du split "End Is Near" et "Losing Itself In The Infinite" repris ici (dont ce dernier s'avère un des titres les moins probants au final!), Prion a su élever son niveau de jeu, travaillant davantage ses riffs et développant plus en profondeur ses compositions. Tout en gardant la même ossature, les Argentins comptant à nouveau Hate Eternal comme influence principale. Riffs bouillonnants, blast-beats quasi continus, intensité de tous les instants, ambiance de chaos maîtrisé, mode ultra compact, beaucoup de choses rappellent la vision radicale du brutal death de l'ex-Morbid Angel Erik Rutan. Une vision que l'on pense tout d'abord jusqu'au-boutiste tellement la musique du trio semble extrême et impénétrable. La profusion de blast-beats et l'impression de linéarité, de gros bloc monolithique, peut faire peur et vite détourner l'auditeur pensant avoir à faire à un énième groupe de bourrins sans saveur. Ce serait lourdement se tromper. Alors oui, ça blaste tout le temps et les morceaux ne sont pas toujours discernables, du moins lors des premières écoutes. Oui, la production, même si plus puissante et plus claire niveau guitares que sur
Impressions, n'aide pas à se sentir à l'aise, surtout la batterie trop synthétique et machinale. Oui, les trois quarts d'heure de jeu sont exténuantes. Et oui le chant, assez différent des growls d'ours habituels et malgré l'aide de quelques intonations plus arrachées voire gruikées, manque de coffre et de profondeur, me rappelant, pour rester chez Comatose, celui de l'asthmatique de Bloodsoaked (que j'aime bien quand même!). Mais une fois passé outre ces défauts ou ce qui a l'air d'en être de prime abord, il devient évident que la formation a réalisé un gros travail sur les guitares et a même quelque peu diversifié son jeu. Déjà, même si on a l'impression que les blasts ne s'arrêtent jamais, on croise tout de même certaines séquences bienvenues plus "groovy" sur quelques mid-tempos plus gras (il y a même une grosse slam part bien dégueulasse sur "Control Societies" avec des inhales par-dessus!). Mais cela va bien au-delà de quelques changements rythmiques. Le riffing se fait désormais plus étoffé, plus touffu. L'accroche, meilleure qu'avant, demeure cela dit toujours difficile et il faudra de nombreuses écoutes pour tout assimiler et comprendre. Écouter et apprécier du brutal death, ça se mérite après tout! On note aussi l'utilisation de davantage de dissonance ou d'harmoniques sifflées, toujours dans l'idée de ne pas rendre les choses faciles. À l'inverse, le groupe a apporté à sa musique une dose de mélodie non négligeable. Si la plupart des plans évoquent des éruptions volcaniques ou la guerre totale, certains se montrent plus nuancés, plus faciles à appréhender, comme la courte introduction de "Uncertain Process", le break de "Anhedonist" vers 0'45 ou le début de "Doomed Humanity Of Horror". Et c'est presque tout le dernier morceau "Never Let Me Down Again" qui montre un visage plus mélodique et même assez original pour le groupe. D'autres surprises viendront égayer l'écoute de
Uncertain Process, on pense en particulier à ce très bon riff epic black metal sur "Doomed Humanity Of Horror (2'28), morceau lui aussi un peu différent des autres de par ses accointances thrash tout à fait sympathiques, ou encore ce surprenant break limite jazzy aux sonorités inhabituelles sur "Anhedonist" (4'50) où la basse s'enhardit. Très cool!
Comme quoi, mine de rien, Prion ne fait pas toujours la même chose. Des nuances certes épisodiques mais bien présentes qui rendent l'opus plus intéressant que si les Argentins n'avaient fait que cracher du feu sur fond de blast-beats mécaniques. Les progrès du groupe par rapport à
Impressions sont donc bien réels. Il reste certes encore des choses à régler, notamment ce son de batterie assez fatiguant à la longue, ce chant sans force, l'influence sans doute encore trop présente de Hate Eternal en dépit d'un son un peu plus personnel, une durée un poil longue pour ce type de brutal death très intense, et ce petit manque de passages vraiment mémorables malgré un riffing plus inspiré et quelques envolées mélodiques appréciables. Mais dans l'ensemble, Prion a réussi son coup avec brio, franchissant ainsi un cap important dans sa carrière. Il est difficile de trouver une vraie bonne sortie brutal death ces derniers temps.
Uncertain Process en est une à retenir!
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène