Après une première démo efficace et prometteuse chroniquée en ces pages (
Destruction Process), les Parisiens de Mad At The World reviennent par la grande porte avec la parution il y a quelques mois de leur tout premier album intitulé
Domination. Pour l’occasion, le groupe en a terminé avec l’autoproduction puisque celui-ci est sorti sur Beatdown Hardwear Records, label allemand hébergeant, comme son nom l’indique, quelques pointures d’un genre pas spécialement réputé pour sa finesse et son intelligence (Born From Pain, Cold Hard Truth, No Zodiac, Fallbrawl, Nasty, Lionheart, Xibalba...).
De quoi mettre sérieusement en confiance malgré un artwork particulièrement discutable réalisé par Mathias Leonard (on lui préférera ses travaux en noir et blanc) et la présence au tracklisting de trois anciens morceaux ("Loveproof", "Time Heals Nothing" et "Reality Is A Nightmare") portant ainsi à cinq le nombre de nouveaux titres sur cet album qui n’en compte que huit. Ceci étant, il serait bien mal avisé de faire la fine bouche puisque rappelons tout de même que ces trois morceaux ne sont jamais sortis en CD auparavant.
Loin de chercher à remettre quoi que ce soit en question, Mad At The World poursuit dans cette voie qu’il a lui-même tracé, celle d’un Metal Hardcore agressif et sans compromis gonflé aux hormones et à la testostérone. Du Hardcore de bonhomme pour les adeptes de la salle de musculation et ceux qui ont fait de la devise "Mosh Hard" leur religion. Pour autant, une écoute - même distraite - de ce
Domination suffit à se rendre compte que quelque chose a changé dans le camp des Parisiens. Ces derniers ont ainsi laissé de côté l’influence de Kickback relativement évidente à l’écoute de
Destruction Process au profit d’une approche simplifiée misant absolument tout sur l’efficacité au détriment d’un semblant de personnalité. Mad At The World fait alors de cette efficacité son principal défaut en devenant un groupe de Beatdown comme les autres, sans rien de particulier pour le distinguer, usant inévitablement des mêmes codes et autres stéréotypes. Dans l’absolu cela me va très bien, je n’écoute pas du Hardcore ni même Mad At The World pour leur originalité ou dans l’espoir d’être un jour surpris. Cependant, j’ai toujours trouvé que le Beatdown était un genre extrêmement limité qui, malgré la relative simplicité du Hardcore en général, a toujours fait figure à mes yeux de parent-pauvre en basant l’essentiel de son existence sur des constructions rythmiques binaires et systématiques (ces breaks brises-nuques saccadés servis en nombre sur chaque titre) et une production façon Michael Bay (mixage et mastering ont ici été confiés à Elliot Prudence, producteur anglais ayant collaboré avec plusieurs groupes de Deathcore), c’est-à-dire extrêmement démonstrative voir même assez jouissive (au moins dans l’instant) mais cachant souvent une certaine misère musicale. Car ce sont bien souvent les riffs, sans saveur et calqués les uns sur les autres, qui font les frais de ce type de construction...
Ainsi, en dépit de ces critiques acerbes à l’égard d’un genre dont j’ai tendance à me méfier, Mad At The World réussit à convaincre grâce à des compositions naturellement ultra efficaces (oui, certaines de ces mosh part ne me laissent pas forcément insensibles) mais aussi et surtout car il évite certains écueils, en premier lieu grâce à un riffing simple mais souvent très bien senti (on retiendra par exemple le très bon "Slaughterhome" et son riff emprunté au redoutable "Distance Clause" de Twitching Tongues ou d’autres tels que "A Life Too Late", "Loveproof", "Curse This World" et bien entendu le très Kickbackien "Reality Is A Nightmare" et ses accélérations bien agréables sur un album de ce genre). A l’inverse, un titre comme "Built Upon Ashes" a un peu plus de mal à passer chez moi tant il est symptomatique de ce que je reproche à certains groupes de Beatdown : une abondance de séquences mid tempo, un riff de trois notes auquel s’accrocher pendant plus de trois minutes et un enchaînement de mosh parts et de breakdown toujours agréable pour frapper du poing le sol du salon ou de la cuisine mais tout de même un peu trop répétitif et limité sur la longueur (l’effet n’est évidemment pas le même que lorsque ce genre de break est inséré entre deux séquences rapides). L’autre avantage de ce
Domination est sa durée peu excessive. Avec moins de trente minutes, difficile de trouver le temps long. Et même si Mad At The World s’applique à rendre systématique sa recette (intro / riff / mosh part...), rarement on en vient à s’ennuyer à l’écoute de ces huit titres racailleux. Une ambiance savate / bitume / chicot bien prenante qui donnerait presque envie d’aller en découdre avec n’importe qui si seulement on en avait les couilles. Et si tous les titres de cet album fleurent ainsi la bagarre et la violence gratuite, cette atmosphère est particulièrement mise en exergue sur l’excellent "Curse This World" lorsqu’à 1:32 vient se joindre Martijn Van Den Heuvel, chanteur sympathique mais ultra véner du groupe No Turning Back. Enfin la production, si elle n’est pas du genre discret, n’est pas là non plus pour dissimuler un quelconque vide artistique comme c’est souvent le cas. Ca tape ainsi fort et dur sans déséquilibre particulier grâce à un son puissant et moderne et donne ainsi aux riffs de l’entité parisienne la portée qu’ils méritent. Mentionnons également la place laissée à cette basse vrombissante sans quoi le groove de Mad At The World ne serait probablement pas ce qu’il est aujourd’hui. Certains groupes devraient d’ailleurs en prendre bonne note car c’est comme ça que doit sonner cet instrument quand on fait du Hardcore (entre autre).
Se cherchant probablement encore un peu à l’époque de sa démo
Destruction Process, Mad At The World a donc décidé d’affiner son style pour tendre aujourd’hui vers un Hardcore Beatdown dont l’efficacité absolument redoutable ne sera pas sans laisser quelques marques. Si cette transition est particulièrement bien amenée sur ce premier album (à l’exception toutefois du moins convaincant "Built Upon Ashes"), il n’en reste pas moins que j’aurais préféré que le groupe poursuive dans la voie d’un titre comme "Reality Is A Nightmare" qui en plus d’offrir un poil plus de personnalité se montre également plus varié grâce à des accélérations plus nombreuses et à des breaks moins systématiques. Enfin bon, nul doute que ce
Domination réussira à trouver son public tant ce que propose le groupe parisien n’a pas à rougir de la concurrence, qu’elle soit européenne ou américaine. Le groupe maitrise son sujet ce premier album fait figure d’excellent défouloir en cette année 2015 décidément bien merdique.
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