Fuath - I
Chronique
Fuath I
Que ce soit avec Saor ou avec tous ses précédents projets, Andy Marshall a toujours éprouvé le besoin de travailler en solo. Antisocial, tu perds ton sang froid ? Disons plutôt que l’Ecossais n’a jamais eu à se poser la question grâce à un bagage musical plutôt conséquent lui permettant ainsi de gérer chaque processus de composition de bout en bout. Multi-instrumentiste accompli et aguerri, ce dernier n’a jamais eu à compter sur l’appui de qui que ce soit dans le cadre de ses différentes démarches artistiques. Un luxe.
Ainsi, après la sortie du deuxième album de Saor en juin 2014 (Aura), Andy Marshall décide de se lancer dans un nouveau projet afin d’explorer une autre facette (exit ici ces instruments Folk) de ce Black Metal qui lui est si cher. Quelques mois seulement lui seront nécessaires pour accoucher de quoi constituer ce premier album de Fuath. Sobrement intitulé I, celui-ci est sorti en février dernier sur Neuropa Records, label éclectique sur lequel on retrouve des groupes tels qu’Amenra, Ancient VVisdom, Carpenter Brut ou encore Nåstrond.
Illustré par l’artiste roumaine Luciana Nedelea (Moloch, Grá, Mare Cognitum...), l’artwork de ce premier album se veut le reflet de la musique délivrée ici par Andy Marshall. Un compagnon visuel à ces images de forêts enneigées et mystérieuses, de tempêtes glacées et impitoyables, de nature aussi majestueuse que redoutable, de ciel étoilé contemplé au coin du feu... qui émanent de cette musique onirique et vaporeuse largement inspirée par un groupe norvégien dont Andy Marshall ne cache pas le nom, Vemod (dont j’avais d’ailleurs prévu de vous parler prochainement).
Et effectivement, on ne peut pas vraiment dire que l’Ecossais ait cherché à dissimuler quoi que ce soit tant ce premier album de Fuath fait écho aux qualités de l’excellent Venter På Stormene. Ainsi, les amateurs de Black Metal atmosphérique et contemplatif trouveront en I un disque tout à fait solide qui, à défaut de dévoiler une réelle personnalité (la ressemblance est particulièrement frappante), vous offrira cette possibilité de voyager au gré de votre imaginaire. Un voyage qui va également s’accompagner d’un changement de saison puisqu’une fois la lecture de ce premier album lancée, vous quitterez la douceur de ces belles journées de printemps qui se dessinent en ce mois d’avril pour revivre ces longues nuits d’hiver tantôt chaleureuses tantôt particulièrement rudes selon de quel côté de la fenêtre vous vous trouverez.
Cette invitation à l’ailleurs se manifeste essentiellement à travers un riffing aérien et éthéré extrêmement répétitif mené sur des compositions durant en moyenne dix bonnes minutes. De quoi laisser le temps à Andy Marshall de développer ses atmosphères, ses paysages et ses histoires de démons même si l’auditeur est largement invité à y contribuer lui-même à l’aide de ses propres projections bâties évidemment sur son imaginaire. Pour se faire, l’Ecossais se dévoile en toute discrétion à travers des lignes de chants lointaines et diffuses qui accompagneront ainsi davantage l’auditeur plus qu’elles ne le guideront. De la même manière, ces parties vocales ne dévoilent leurs présences qu’avec parcimonie. Ainsi il n’est pas rare de se voir bercer par de longues séquences instrumentales avant d’entendre au loin la voix arrachée et mélancolique d’Andy Marshall faire son apparition pour tout juste une ou deux minutes.
On pourrait alors ce dire que ce caractère répétitif et cette quasi-absence de voix tout au long de ces quarante minutes pourraient jouer en la défaveur de Fuath ? On pourrait, en effet, mais il n’en est rien. D’une part parce que en dépit de ce riffing qui tend à se répéter, Andy Marshall réussit à faire évoluer chacun de ses titres de manière progressive en y incluant des mélodies nouvelles et/ou supplémentaires ou en offrant également quelques accélérations et/ou cassures intéressantes rompant ainsi avec cette apparente monotonie pourtant envoutante. D’autre part parce que ces quatre titres, s’ils sont pourtant construits sur le même modèle, ne délivrent pas systématiquement la même atmosphère. Là où un titre comme "In The Halls Of The Hunter" se montre plutôt sombre et agressif, un autre tel que "The Oracle" se fait plus lumineux mais aussi plus mélancolique. Ainsi, malgré un format (dix minutes par titre) et une construction (riffs largement répétés, voix presque totalement absente) pouvant largement rebuter l’auditeur lambda, on ne s’ennuie jamais tout au long de ces quarante minutes aux odeurs parfois lunaires, parfois forestières, parfois cendreuse, parfois...
Avec Fuath, Andy Marshall s’aventure vers de nouveaux horizons avec beaucoup d’aisance. I est un premier album particulièrement réussi qui, en dehors de cette question de la personnalité, recèle de titres brillamment construits possédant surtout une puissante force évocatrice. De fait, Andy Marshall pousse l’auditeur au voyage en l’accompagnant à travers des histoires ancestrales de démons parcourant la nature écossaise depuis des millénaires. Le reste n’appartient qu’à nous. Certes, dans ce registre de Black Metal atmosphérique, la concurrence est toujours relativement rude (et cela malgré le split de Wodensthrone) mais personnellement je trouve qu’Andy Marshall et Fuath s’en sortent aujourd’hui très (très) largement. Car loin d’être mon genre de Black Metal, je n’ai ici aucun souci à me réécouter ce disque plusieurs fois de suite. Me concernant, c’est donc plutôt bon signe.
| AxGxB 6 Avril 2016 - 1581 lectures |
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