16, le groupe de sludge, le groupe de
Zoloft Smile et
Drop Out, le groupe street et street cred, le groupe qui te donne envie de taper la gym, faire du skateboard et regarder de nouveau la série
The Wire en même temps, le groupe qui colle les poumons au béton, le groupe qui transforme le cerveau en macédoine de gris, le groupe ultra-jouissif et ultra-plombant, le groupe qui fait revivre les nineties... 16, cette année, a vingt-cinq ans d'existence, a connu à peu près toutes les merdes possibles et pourtant, 16 est toujours là et 16 revient avec un nouvel album.
Je ne vais pas insister sur le bonheur que c'est à entendre. Impossible, selon moi, de ne pas tomber sous le charme des menaces des Ricains, loin de toutes classifications faciles (« entre Grief et Unsane », ça vous paraît clair, à vous ?) et cependant tellement pertinents dans les images iconiques qu'ils véhiculent, des images de prison quotidienne – la vie sous les barreaux, la vie dehors, la même chose, le même ennui, la même envie de frapper les murs et leurs habitants –, que je vois mal comment refuser ces plaisirs-là, au point de devenir un fan obtus de la formation, en dépit d'une discographie un brin fluctuante niveau qualité.
…Et donc, 16 revient, 16 sort un nouveau disque, un peu différent des précédents, comme d'habitude, mais globalement tailladé du logo de la troupe à Cris Jerue, encore comme d'habitude. Arrivé à un certain âge, on ne change plus paraît-il : on persévère, on affine. Et c'est exactement ce que fait
Lifespan of a Moth, proposant des titres résumant au poil près les créations de toute une carrière. À la fois noisecore à la frontière de l'industriel, sludge à la frontière du beatdown, stoner à la frontière du thrash (pensez à un High on Fire coincé dans le monde d'aujourd'hui, où le combat n'existe plus, où l'on ne fait que s'épuiser), les Ricains arrivent à rendre leur recette, déjà bien connue, une nouvelle fois forte en émotions et ce, dès une première partie s'étalant de « Landloper » à « The Absolute Center of a Pitch Black Heart » furieuse au possible, où les instruments avancent en mêlée par une dynamique simple et entêtante (ces petites accélérations qui font un effet bœuf).
Oui, aucune grosse surprise à se mettre sous la dent sur
Lifespan of a Moth. Mais est-ce vraiment un problème ? On parle bien à propos de ce disque (et de ce groupe) d'alchimie, rare, que seuls ces bonhommes-ci sont parvenus à trouver. Surtout que 16 aime plus d'une fois prendre à revers ici, cf. une fin d'album où les riffs se brouillent, ont une gueule de rien, où la voix s'ébroue dans sa propre misère. À partir de « Secrets of the Curmudgeon », les lignes ont la texture du bitume qui fond sous la chaleur, nous rendant prisonniers dans un monde difforme où l'on se débat pour survivre. 16 est aussi toujours ce groupe « coup de pute » qui a juste, avec l'âge, préféré travailler ses effets. Si les premiers morceaux accrochent directement, donnant envie de tailler la route, la fin retourne aussi simplement qu'on le ferait d'une chaussette. Même le mixage étrange finit par révéler ses attraits, la voix étouffée de Cris Jerue devenant rapidement la personnification de ce que l'on ressent à l'écoute de ces quarante-quatre minutes, tant on se trouve également acculé et également en colère.
Décidément, très peu de critiques à formuler sur cette œuvre de vieux trop âgés pour se reconvertir, mais très expérimentés dans leur domaine. 16 est sans nul doute un des plus beaux restes des nineties. Plus, il semble, depuis son retour avec
Bridges to Burn, avoir trouvé une énergie nouvelle, propre à sa condition d'adulte ni prêt pour la retraite, ni adepte de la rédemption, au point de pondre même après plus de deux décennies d'activité, quelques-uns de ses plus gros titres (« Peaches, Cream and the Placenta » ou encore « Pastor in a Coma »). Un nouveau longue-durée qui mérite pleinement le mot « solide » donc, malgré un titre instrumental plat et long en son centre (« Gallows Humor ») lui donnant un ventre mou, son « humeur macabre », autre part si délicieuse, ne créant qu'une indifférence polie ici. Mais, ce passage à vide mis de côté, 16 reste – j'ai cherché à vous le faire comprendre à force de répétitions – un groupe pas comme les autres. Et certainement pas un groupe auquel on dit « non ». Devant lui, plein de révérence, on baisse les yeux.
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo