Au même titre que
The Synarchy Of Molten Bones de Deathspell Omega ou
Accursed Skin de Teitanblood, ce nouvel album des Polonais de Cultes Des Ghoules n’a été annoncé que quelques jours seulement avant sa sortie officielle via Hells Headbangers Records et Under The Sign Of Garazel Productions. Un secret extrêmement bien gardé pour une œuvre colossale de plus de quatre-vingt-dix-sept minutes… Oui, cinq titres pour un peu plus d’une heure et demie de musique… De quoi décourager à peu près tout le monde avant même de poser ses mains et surtout ses oreilles sur ce troisième album pourtant très attendu…
Toutefois, cette durée excessive est d’emblée compensée par un objet absolument superbe qui mérite à lui seul le coup d’œil. La version CD se présente ainsi sous la forme d’un digibook mettant en avant un artwork aux couleurs extrêmement chatoyantes, notamment pour un groupe tel que Cultes Des Ghoules. Mais si cette illustration colorée d’un sous-bois mystérieux sur lequel est apposé ce logo aux traits désinvoltes et hors sujet ont de quoi faire jaser, rassurez-vous car les trente-deux pages à l’intérieur répondent bien aux standards rigoureux et incontournables en vigueur depuis la nuit des temps dans l’underground. Illustrations en noir et blanc, lettrage gothique, papier à l’aspect volontairement vieillit, mise en page à l’ancienne…
Bref, les Polonais ont apporté à ce livret un soin tout particulier afin de donner l’impression à l’auditeur de feuilleter un véritable livre ou plus exactement le script d’une pièce de théâtre puisque comme le suggère le tracklisting,
Coven, Or Evil Ways Instead Of Love est à considérer tel un opéra (d’ailleurs inspiré par l’album
The Jilemnice Occultist des Tchèques de Master’s Hammer) composé ici de cinq scènes distinctes et néanmoins liées entre elles. Ainsi, à travers cet album et les différents personnages prenant place dans l’histoire qui y est décrite, Cultes Des Ghoules entame une nouvelle quête spirituelle sur la sorcellerie, la magie noire et le satanisme. Des thèmes auxquels le groupe est toujours resté fidèle.
Maintenant que l’objet et le concept qui entoure cet album vous ont été présentés, coupons court à toutes discussions à propos de la durée de cet album. Oui, c’est très clairement son plus gros défaut. Le seul même. Quatre-vingt-dix-sept minutes c’est en effet beaucoup trop long, surtout à une époque où la musique se consomme dans les transports en commun (je ne jette la pierre à personne, je suis le premier à en écouter dans le métro) plus souvent qu’elle ne s’apprécie au fond de son fauteuil, le livret à la main. Le plus dur est donc bel et bien de conserver le même niveau de concentration et d’intérêt face à ces cinq pièces allant de onze à vingt-huit minutes. Ainsi, si Cultes Des Ghoules a toujours aimé développer son univers à travers des titres à rallonge,
Coven, Or Evil Ways Instead Of Love n’est toutefois pas à aborder de manière désinvolte. C’est en effet le genre d’album qui nécessite avant même de s’y plonger un investissement sans faille. Abordez-le à la légère et vous passerez assurément à côté de l’essentiel. Si vous faites cependant le choix de vous y engouffrer en vous coupant du monde extérieur alors ces quatre-vingt-dix-sept minutes ne se feront même pas sentir ou alors si peu...
Une plongé en eau trouble néanmoins facilité par une production plus évidente toujours signée des mains du leader de MGLA. Certes, le Black Metal des Polonais conserve cette âpreté qui caractérisait déjà ses précédentes réalisations, notamment dans le son des guitares, mais l’ensemble se montre désormais plus facile à appréhender grâce à une production plus en rondeurs (la basse ne s’est jamais aussi bien fait entendre chez Cultes Des Ghoules) offrant d’une manière générale davantage de puissance à une musique pourtant toujours très abrasive. Cette nuance, si elle ne saute pas forcément aux oreilles, devient cependant très vite perceptible dès l’instant où l’on décide d’y prêter attention. Une évolution intéressante qui, sans sacrifier à la personnalité et au propos des Polonais, propose de franchir un cap en matière de compréhension et d’assimilation (il suffit de reprendre les commentaires postés ici-même sous les quelques chroniques de Cultes Des Ghoules pour comprendre que la production a souvent été un frein à la découverte pour un certain nombre d’auditeurs).
Enfin, d’un point de vue strictement musical,
Coven, Or Evil Ways Instead Of Love ne diffère presque pas de ses prédécesseurs. La seule véritable différence (et encore, car le groupe ne s’est jamais privé pour nous proposer des compositions dépassement allègrement les dix minutes) concerne le format des compositions qui, dans le cadre du concept qui entoure ce troisième album, se sont donc largement étirées afin de mieux répondre au cahier des charges imaginé par Mark Of The Devil. On trouve donc exactement le même type de compositions à l’architecture imprévisible. Des compositions faites de séquences mid-tempo répétées le plus souvent jusqu’à écœurement ("Strange Day, See The Clash Of Heart And Reason... (Scene III)", "Storm Is Coming, Come The Blessed Madness... (Scene IV)") auxquelles viennent se greffer des passages Punk plus soutenus. Ces points de ruptures délivrés toujours en toute simplicité (riff à trois notes, basse vrombissante, patterns de batterie tout ce qu’il y a de plus binaires...), apportent un contraste nécessaire à l’album afin de ne pas le rendre totalement impénétrable.
Sur ces compositions à tiroirs et à rallonges vient se poser la voix toujours aussi incroyable de Mark Of The Devil. Il y interprète sans distinction particulière plusieurs caractères prenant place dans cette intrigue en cinq actes. Du paysan à l’épicier en passant par le maçon, le forgeron, la femme de l’épicier, le vicaire, les spectres de la nuit... Une galerie complète de personnages, certains apeurés à la simple évocation du Diable et de ses manifestations (le vicaire, Jonathan...), d’autres présentés à nous comme des gitans adeptes de voyance/sorcellerie (Jaelle, Vadoma...) et enfin d’autres personnages plus obscurs et moins concrets comme ces spectres de la nuit ou encore ce "Vieux Georges" qui apparaît dans la scène finale ("Satan, Father, Savior, Hear My Prayer... (Scene V)"). Bien que les voix demeurent sensiblement identiques d’un personnage à un autre, Mark Of The Devil nous dévoile une fois de plus l’étendue de ses talents à travers des intonations/gimmicks à vous filer la chair de poule. Habité par son rôle et ses croyances, le Polonais nous transporte dans cette histoire étrange et inquiétante faite de sorcellerie et de mystères, laisse entrevoir à l’auditeur les montées en tension d’une intrigue venimeuse ainsi que tous les soubresauts d’un conte empreint d’un romantisme comme on peut en trouver dans la littérature anglaise du 19ième siècle. Sa voix est ainsi un vecteur d’émotions intenses et puissantes exprimées par chacun des personnages de cette intrigue. Quelque part entre folie, peur et dévotion aveugle.
Sur le fond,
Coven, Or Evil Ways Instead Of Love n’est donc pas vraiment différent d’un
Henbane ou d’un
Häxan. On retrouve en effet tous les éléments qui ont fait de Cultes Des Ghoules un groupe particulièrement captivant et à la personnalité particulièrement marquée. Sur la forme par contre, les Polonais ont pris de très gros risques et notamment celui d’exclure l’auditeur par une durée excessivement excessive. Cette prise de risque ne sera certainement pas du goût de tous et cela peut se comprendre. Difficile de s’enfiler un album de Black Metal de quatre-vingt-dix-sept minutes fait de longues séquences mid-tempo répétées ad nauseam. Malgré tout, et même si certains passages auraient très probablement pu être raccourcis, je reste bluffé par la capacité de Cultes Des Ghoules à sortir des sentiers battus, à se mettre en danger, à se réinventer alors qu’il est déjà l’un des groupes les plus intéressants dans le genre. En dépit de quelques longueurs donc,
Coven, Or Evil Ways Instead Of Love est pour moi une folle réussite, celle d’un projet audacieux mené de front par un groupe qui l’a toujours été. Certes, cet album est probablement le plus difficile d’accès des Polonais mais il n’en est pas moins la démonstration d’un talent toujours aussi évident. A écouter dans les meilleures conditions possibles, seul chez soi, la lumière tamisée et surtout loin de tout écran et autres distractions. Un album qui se mérite.
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