Brutality - Sea Of Ignorance
Chronique
Brutality Sea Of Ignorance
Ah il est beau le "webzine metal à tendance brutale"! Aucun album de Brutality chroniqué! C'est limite de la publicité mensongère! Mais ça c'était avant. Parce que maintenant il y en aura au moins un, en attendant de s'occuper peut-être un jour des oldies que sont Screams Of Anguish et When The Sky Turns Black. 2016 était décidément l'année du retour pour pas mal de formations death metal. Même si Brutality s'est reformé en 2012 et avait déjà sorti l'EP 2-titres Ruins Of Humans en 20013, l'année dernière a vu le premier album des Floridiens depuis In Mourning. C'était il y a vingt ans. Ce Sea Of Ignorance était donc un événement dans le microcosme death metal. Du moins pour les mieux renseignés. Oui car le combo de Tampa Bay souffre d'un manque de reconnaissance injuste. À l'image des excellents Diabolic, Brutality n'est en effet jamais le premier nom cité quand il s'agit de lister les grands classiques de la scène floridienne, le combo passant bien après les Death, Morbid Angel, Deicide, Cannibal Corpse, Obituary, Malevolent Creation ou même Monstrosity. La preuve de ce désintérêt, Sea Of Ignorance est sorti en Europe sur Repulsive Echo Records, obscure maison de disques grecque et aux États-Unis via Ceremonial Records, le propre label du groupe qui a préféré l'auto-promotion. La formation n'a certes pas eu le même impact que la plupart de ses comparses de la fameuse et prolifique scène floridienne mais la qualité de ses trois albums dans les années 1990 n'est plus à démontrer. Je n'ai moi-même pas été très bon puisque je chronique l'opus seulement maintenant, plus d'un an après sa sortie. À ma décharge, je l'ai quand même inclus dans mon bilan de fin d'année.
C'est que Sea Of Ignorance s'avère en effet très bon. Rien d'étonnant après tout. Car si on pouvait douter de la pertinence de sa reformation en 2012 après quelques tentatives peu concluantes, Brutality avait fait comprendre qu'il n'était pas revenu pour faire de la figuration sur un Ruins Of Humans tout à fait convaincant. Seulement deux morceaux mais le style, la patte du groupe, était bien là. Brutality n'avait rien perdu de sa verve, semblait-il. Sea Of Ignorance est venu confirmer le retour en forme du combo, toujours mené par le bassiste Jeff Acres, seul membre d'origine, épaulé par les vieux de la vieille Jay Fernandez (présent sur Screams Of Anguish) à la guitare et Scott Reigel (la voix sur tous les disques) au chant. Le batteur de quasi toujours Jim Coker (Nasty Savage) ayant quitté l'aventure en 2014, c'est Ruston Grosse (session live pour Master, Insatanity, Kult Ov Azazel entre autres), depuis remplacé par Ron Parmer (Amon, Kerasphorus, ex-Angelcorpse et Perdition Temple), qui a enregistré les parties de tam-tam. Bref, Brutality a su conserver un line-up légitime aux trois quarts constitués d'anciens. La base indispensable pour invoquer l'esprit du groupe et composer un nouvel album à la hauteur de ses illustres prédécesseurs. Chose faite avec ce Sea Of Ignorance qui fleure bon le Brutality pur jus. Quel plaisir de réentendre la musique des Américains, à la fois unique et profondément ancrée dans le death metal floridien des années 1990. La force de Brutality a toujours résidé dans deux choses principales, symboles d'une époque où le feeling était plus important que la production, la pochette ou le merchandising. D'abord le riffing. Le death metal du combo d'outre-Atlantique, c'est avant tout des putain de bons riffs inspirés en tremolo aux mélodies sombres. Et Sea Of Ignorance en propose une riche panoplie, de son ouverture sur un "Sea Of Ignorance" dévastateur qui met d'entrée à genoux à sa clôture sur "End Of Days" qui enchaîne les bons plans avec une classe folle, en passant par le viril "Fatal Cure" ou l'excellent "Tribute". Tous les morceaux de toute façon contiennent leur lot de riffs affûtés, véritable plaisir pour n'importe quel fan de death metal old-school. L'autre grande force de Brutality chez qui le feeling reste une notion primordiale, ce sont les solos. Mélodiques, inspirés, virevoltants, souvent longs et développés, ils enrichissent des titres déjà bien chargés en bonnes trouvailles. L'orgie commence sur "Sea Of Ignorance" qui finit carrément sur un solo divin d'une minute. Puis ça continue sur "48 To 52" à partir de 4'48 agrémenté d'un riff plombé bien sombre derrière, "Fatal Cure" qui malgré sa courte durée (3'00) n'est pas avare en gourmandises solitaires, "Tribute" qui se termine de façon posée, "Perpetual Resolution" dont le début fait craindre un titre moyen mais qui revit après la première minute grâce à un solo flamboyant, ou encore "Barbarically Beheaded" et sa mélodie superbe vers 2'15 qui reste en tête. Et ça finit sur "End Of Days", en fade out, sur un solo et du mid-tempo (*clap clap*).
Comme si la démonstration de riffs et de solos ne suffisaient pas, Brutality a d'autres atouts à faire valoir. Il est rare de souligner les performances vocales en death metal pourtant il va bien falloir le faire avec Scott Reigel. Bien plus qu'un growler lambda comme il en existe des centaines, le frontman, dans un registre évidemment guttural mais relativement varié, éructe avec force et conviction ses paroles intelligibles et intelligentes, critiques sur la société moderne. Convaincu et convaincant, Reigel constitue le troisième pilier de Sea Of Ignorance qui n'en finit plus d'empiler les qualités. On pourra rajouter aussi un groove certain qui se dégage de ces riffs sombres mélodiques sur des rythmiques entraînantes, sans oublier une basse bien présente. Et si Brutality s'appelle ainsi, ce n'est pas non plus pour rien. Certes, il y a des groupes bien plus brutaux puisque le quatuor de la vieille école préfère composer des morceaux aux rythmiques variées avec des vrais riffs et des vraies mélodies mais il n'est pas là non plus pour enfiler des perles. La formation balance ainsi régulièrement des blast-beats. Ceux-ci manquent cela dit de puissance car la production de la batterie s'avère un peu faiblarde à ce niveau, alors qu'elle se fait très convenable pour le reste, avec même ce côté naturel plaisant. Rien de fâcheux néanmoins, les blasts sonnant tout de même plutôt bien sans ce côté surmixé et surproduit artificiel.
Mais oui, cela veut dire que Sea Of Ignorance connait quelques petites faiblesses. Outre ce son de batterie chétif, certains morceaux se finissent un peu trop abruptement. "Fatal Cure" ou "End Od Days" aurait ainsi pu être développés davantage, d'autant qu'ils s'avèrent très bons. On se retrouve ainsi assez frustrés de les entendre se couper aux alentours des trois minutes alors qu'il y avait matière à pousser plus loin le plaisir. Je ne suis pas non plus fan de l'intro samplée de "48 To 52" qui fait un peu trop documentaire historique sur la peste à Londres. Et je déteste l'accent british. Heureusement que la suite s'avère plus enthousiasmante, notamment cette ambiance pesante, menaçante, avec ces arpèges dark typiques. Bon là aussi, on a vu pire niveau défaut. Mais il faut bien que je trouve quelque chose! Non, ce qui me turlupine vraiment, c'est plutôt le seul morceau dont je n'ai pas encore parlé, "Shores In Flames". Si ce titre vous dit quelque chose, c'est normal, il s'agit d'une reprise de Bathory sur Hammerheart, donc de la période viking de Quorthon. Alors pourquoi pas. Le Suédois était un compositeur précurseur hors pair après tout, même si je préfère sa période black (les trois premiers albums ultimes). "Shores In Flames" est un super morceau ultra épique, prenant et poignant sur un mid-tempo entêtant, limite hypnotique. Il donne envie de partir conquérir des pays en bateau et d'y violer les petites paysannes catholiques. Brutality se l'est bien approprié en y insufflant son style tout en respectant l'esprit originel. On y retrouve même le chant clair viking après les vagues qui viennent mourir sur le rivage. Mais le titre dure onze minutes, qui plus est sur une rythmique lancinante. Il casse le rythme et occupe près d'un tiers de la durée du disque. Je l'aurais dès lors plus vu en titre bonus avec à la place une ou deux compositions originales de Brutality dont, faut-il le rappeler, Sea Of Ignorance reste le premier album des Américains en vingt ans.
Ne vous fiez pas à la pochette moche qui illustre toutefois très bien les thématiques abordées dans les paroles, Sea Of Ignorance se révèle une réussite. Brutality n'a rien perdu de son feeling mélodique, que ce soit sur ces riffs inspirés ou ces solos brillants. Les Américains régalent pendant près de quarante minutes d'un death metal racé qui dégage une classe folle, de celle que seuls certains vétérans possèdent. Mis à part quelques broutilles comme ce son de batterie qui aurait mérité plus de puissance sur les blast-beats, ces deux-trois passages un peu en-dessous ou cette reprise remarquable de Bathory mais presque déplacée, le retour d'un des fleurons de la scène floridienne fait plaisir à entendre. Si je ne le mettrais pas au même niveau que Screams Of Anguish et When The Sky Turns Black mais au-dessus de In Mourning, Sea Of Ignorance n'a pas à rougir face à ses grand frères. Il peut même se targuer de faire partie des meilleures sorties death de l'année passée. Une nouvelle preuve qu'il faut absolument s'intéresser à ce groupe trop souvent négligé. Bien joué messieurs et à bientôt j'espère!
| Keyser 12 Février 2017 - 1182 lectures |
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