Les Allemands de Venenum avaient fait très forte impression en sortant il y a près de six ans un premier EP qui puait la sorcellerie et l’occultisme. Sans en faire des tonnes, le groupe bavarois avait en effet réussit à créer à l’aide de quelques titres (dont trois instrumentaux) une atmosphère incroyablement saisissante, de celles capables de plonger par l’imaginaire l’auditeur dans d’effroyables cryptes humides et poussiéreuses, lieux de rites occultes ancestraux. Alors naturellement, lorsque le groupe a annoncé en début d’année la sortie prochaine de son premier album, tous ceux qui avaient déjà posé leurs oreilles sur cet excellent EP ne pouvaient que se montrer enthousiaste face à une nouvelle jugée presque inespérée.
Sorti ce mois-ci chez Sepulchral Voice, ce premier album marque officiellement l’arrivée du guitariste David Pscheidt (Horns Of Domination, ex-Obelyskkh) au sein de la formation allemande. Pour l’artwork, le groupe a fait appel aux services de Timo Ketola pour un résultat somptueux à la force d’attraction évidente (ces vapeurs en forme de spectres qui semblent dessiner une sorte de spirale infernale convergeant vers ce point rouge central). Autant d’éléments qui me laissait particulièrement confiant quant au contenu de ce
Trance Of Death.
Pourtant, ce n’était pas forcément gagné d’avance car un peu à la manière du
Hero de Bôlzer, c’est un étrange sentiment de déception qui a animé mes premières écoutes. Et il ne m’a pas fallu bien longtemps pour mettre le doigt sur son origine. Ce qui d’emblée m’a gêné à la découverte de
Trance Of Death c’est ce changement d’atmosphères évident. Là où l’ambiance du premier EP à la fois sombre et cryptique respirait la sorcellerie et le mystère, celle de ce premier album se fait à la fois plus lumineuse et romantique (beaucoup de passages instrumentaux, l’apport d’instruments tels que le piano, le violon, le synthétiseur...) et en même temps plus générique. En effet, on ne retrouve plus ce qui faisait une partie du charme de la musique de Venenum et en dépit d’un rythme qui ne faiblit pas, les incartades mélodiques et progressives à la Tribulation et Morbus Chron sont désormais de la partie (l’exemple le plus frappant étant très certainement l’instrumental "Trance Of Death Part II - Metanola Journey"). Une approche particulièrement ancrée dans l’ère du temps qui semble presque inévitable après autant d’années d’absence.
En dépit de ce virage mélodique/progressif relativement marqué (la longue et menaçante introduction qu’est la bien nommée "Entrance", le pont instrumental de "Merging Nebular Drapes" suivi par cette longue conclusion au piano, la séquence plus groovy de "The Nature Of The Ground", "Trance Of Death Part II - Metanola Journey", sans compter ses innombrables leads qui étaient déjà de la partie auparavant), ce premier album conserve l’essentiel des éléments qui caractérisaient déjà le précédent EP des Allemands (riffs sinistres à l’ancienne, growl rugueux et arraché, production abrasive...). J’aurai toutefois tendance à dire, et c’est plutôt paradoxal vu la tournure des choses, que Venenum se montre aujourd’hui plus agressif dans ces moments de rage. Il n’y a qu’à écouter un titre comme "The Nature Of The Ground" pour s’en rendre compte. Jamais les Allemands ne s’étaient montrés aussi remontés.
Mais cette agressivité aujourd’hui exacerbée est contrebalancée par un sens de la composition plus riche et fouillé qu’autrefois (compositions à tiroirs, leads et solos qui se superposent, variations rythmiques plus marquées...). En laissant davantage de place aux instruments, Venenum enfonce des portes jusque-là entre-ouvertes. On peut alors y voir pour les Allemands un moyen d’amener ces passages instrumentaux qui lui ont toujours été chers d’une manière aujourd’hui beaucoup plus aboutie et intéressante. Car si
Trance Of Death est dénué de tout interludes, les séquences purement instrumentales tiennent ici une place de choix et un rôle majeur. Il s’en dégage effectivement un feeling Rock/Prog psychédélique tout droit sorti des années 70 (le triptyque de fin en est probablement la preuve la plus parlante) qui apporte quelque chose de différent à la musique de Venenum. Certes, après un Tribulation qui peaufine sa recette/mutation depuis déjà deux albums, le propos des Allemands peut sembler moins marquant et novateur. C'est vrai mais en toute honnêteté, c’est une fois de plus extrêmement bien composé, senti et exécuté.
Ainsi, à travers cette ambivalence et malgré certaines similitudes avec les derniers albums de Tribulation, Morbus Chron ou Necrovation, Venenum continue de cultiver sa différence (un beau slogan de campagne vous ne trouvez pas ?) pour un résultat toujours particulièrement convaincant mais qui, en ce qui me concerne, me transporte beaucoup moins que leur excellent premier EP. Ici les atmosphères développées ne sont pas les mêmes et le voyage proposée par Venenum n’a pas cette puissance évocatrice qui rendait chaque écoute de
Venenum particulièrement délicieuse. On saura s’en contenter même si, sans parler de déception, j’aurai préféré voir le groupe emprunter le chemin tracé sur son EP plutôt que de s’engouffrer sur une voie déjà prise par d’autres avant lui avec d’ailleurs davantage de réussite à mon goût (et oui, les derniers albums de Tribulation sont de vrais petits bijoux).
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