Otrebor, le Vindsval américain ? La formule est aussi réductrice que discutable, celui-ci étant loin d'être le seul de ce territoire à aimer expérimenter. Pourtant, peu ont coupé autant de ponts dans leur objectif de prendre pour base le black metal comme une matière première à modeler, au point de la faire sienne. Otrebor, cet homme qui, plus souvent qu'ailleurs, m'a fait voir le twist qu'il apporte au genre (vous le savez depuis le temps, que ce ne sont pas des guitares que l'on entend ici, n'est-ce pas ?) comme une vision particulière, plus qu'avant-gardiste tant elle semble évoluer à part. Bonne chance pour le copier, celui-ci. Vous vous y casserez les dents comme ceux cherchant à copier Blut Aus Nord. Quant à savoir si l'un sera aussi important que l'autre ou s'il deviendra comme lui...
De toute façon, ces questions ne se poseront pas durant l'écoute de
The Shape of He to Come : on pense beaucoup à Blut Aus Nord, point barre. Celui des
Memoria Vetusta en particulier, mais surtout celui aussi identifié que barré, aussi austère que magnifique, aussi évocateur que unique dans ses hallucinations. Toujours la même matière, toujours le même discours, reconnaissables entre mille, et cependant une refonte totale : première réalisation écrite et interprétée collectivement, cet album de Botanist évoluant en dehors de la trame principale de sa discographie – le successeur de
VI: Flora se fait d'ailleurs un peu attendre – laisse en effet une grande place aux personnes accompagnant Otrebor lors des tournées de son projet. Une œuvre chorale, à plus d'un titre, où l'enchevêtrement de participations ne donne à aucun moment une impression d'incohérence.
Une coupure nette, précise. Une coupure dans l'évolution que l'on sentait chez Botanist, passant d'une exécution râpeuse, quasi-grind, à des mélodies allant vers plus de repos, d'atmosphères éthérées.
The Shape of He to Come est frénétique, vivant et résonnant à foison, au point de ne pas savoir où donner de l'oreille au départ. Certes, les quelques incursions plus minimalistes (« And the Earth Throws off Its Oppressors », par exemple) permettent de laisser respirer à la fois la musique et l'auditeur : le sentiment global reste celui d'une épopée vécue la poitrine sur le point d'exploser, à la façon des heures les plus épiques de Liturgy. Rythmes rapides et continus ; notes innombrables, les dulcimers se faisant harpes folles d'une rugosité apocalyptique ; voix pures, chœurs altiers, aussi fatidiques que ronds, comme une fin d'existence humaine accueillie les bras ouverts... Clairement, derrière ses élans plongeant dans une pop assumée, Botanist exprime une nouvelle fois une victoire de la flore sur l'Homme, dans un
Dies iræ verdoyant, immaculé de blanc, d'eau et d'oxygène, où l'humain périt et le végétal envahit.
Ce qui, dans un cerveau peinant à trouver des références justes à ce qu'il entend ici, à la fois si calibré, réfléchi et inédit, « viral », fait rapprocher ce longue-durée des belles horreurs qu'ont commis récemment Sink (
Ark of Contempt and Anger) et The Body (
No One Deserves Happiness). D'abord enthousiasmé par ces morceaux de bravoure que sont le titre éponyme et « The Reconciliation of Nature and Man », par les joliesses progressives de « Upon Veltheim's Throne Shall I Wait » et sa basse aux motifs en train de se faire, on finit acculé par une ambiance irréelle, aussi triste que fantastique, des branches s'accrochant à nous, caressant nos veines, pliant notre peau à leur écorce. L’écoterrorisme comme nouvelle mystique, où les dissonances et hurlements (typiquement black metal, impressionnants de douleur) se font les témoins de notre corps en pleine mutation. Autrefois au mieux dévastateur, au pire uniquement figuratif, Botanist est devenu un de ces fous dans la montagne, dessinant cantiques, rites et chemins spirituels vers son rêve de plantes.
Car
The Shape of He to Come est beau comme un rêve, un rêve vécu à travers les yeux empoisonnés de son rêveur. Si les écoutes répétées – ô combien répétées ! – qu'il entraîne montrent quelques signes de flou, là un final un peu long sur « Upon Veltheim's Throne Shall I Wait », ici un départ un peu lourd sur sa deuxième partie (« Praise Azaela, the Adversary »), il enchante avec une telle force qu'il devient la plus merveilleuse des transgressions, donnant à ses élucubrations totalitaires une aura totale.
...Quant à ces moqueries que j'ai toujours un peu laissées transparaître dans mes écrits au sujet de Botanist et ses histoires, croyez bien qu'elles n'ont plus lieu d'être. Votre occultisme est bien peu de choses, face à ces jardineries.
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