On a ces derniers mois beaucoup parlé, ici ou ailleurs, de Blood Incantation. Si certains continue d’y voir un groupe surestimé, je reste pour ma part convaincu que le Death Metal des Américains a su apporter un soupçon de fraîcheur à un genre qu’il n’est pourtant pas évident de bousculer. Déjà parce qu’on n’a pas nécessairement envie de le voir un tant soit peu évoluer mais aussi parce que la marge de manœuvre pour y arriver et ainsi tenter d’y apporter sa touche personnelle est réduite à peau de chagrin. C’est donc justement dans cet esprit de respect des traditions et des préceptes établi par d’autres depuis déjà quelques décennies qu’est né Spectral Voice, groupe composé à 75% par des membres de Blood Incantation puisque seul manque à l’appel le batteur Isaac Faulk (remplacé ici par Eli Wendler (ex-Nekrofilth)).
Formé en 2012 et comptant déjà derrière lui toute une série de démos ainsi que quelques splits en compagnie de Blood Incantation et Phrenelith, Spectral Voice vient conclure cette année 2017 avec la sortie d’un premier album intitulé
Eroded Corridors Of Unbeing paru tout récemment via Dark Descent Records.
Si vous aviez lu mes quelques gribouilles à leur sujet ici-même, sachez que ce premier essai longue durée s’inscrit en toute logique dans la continuité de ces quelques sorties. La seule véritable différence est plutôt à chercher du côté de la production désormais beaucoup plus imposante qu’autrefois. Car si le statut de démo porté par
Necrotic Doom était rendu évident par un son nettement plus rachitique et crasseux, ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Produit par Pete deBoer avec qui le groupe (enfin les ¾ du groupe) avait déjà collaboré dans le cadre du premier album de Blood Incantation, on se trouve aujourd’hui face à une production relativement similaire capable de se jouer des fortes nuances portées par les compositions de Spectral Voice tout en servant au mieux l’atmosphère poisseuse, plombée et fataliste qui s’en dégage.
Sujet à bien peu d’excentricités de par sa nature, le Death/Doom des Américains répond à un cahier des charges relativement standard et dont chaque point est ici scrupuleusement respecté. Growl abyssal, rythme lent, compositions qui s’étirent dans le temps (ici de manière raisonnée puisque comprises entre cinq et treize minutes) et production écrasante font ainsi d’
Eroded Corridors Of Unbeing un disque relativement classique qui n’entend pas bouleverser les fondements d’un genre peut-être encore plus immuable que ne l’est le Death Metal.
Pourtant, Spectral Voice a su à sa manière s’extraire à minima de ces carcans afin de proposer quelque chose de plus personnel. Cette quête d’identité déjà largement exprimée tout au long de ses précédentes réalisations passe en premier lieu par un équilibre très bien construit entre séquences mid-tempo plombées et passages au rythme beaucoup plus soutenu. Certes, ces accélérations ne constituent pas l’essentiel, ni même la moitié d’ailleurs, de ce premier album mais le dosage est ainsi fait que l’on n’en vient jamais à se poser la question du rythme. D’autant que lorsque Spectral Voice se décide à passer la vitesse supérieure, il ne fait pas semblant. C’est ainsi bien souvent à coup de blasts punitifs ("Thresholds Beyond" à 2:38, "Visions Of Psychic Dismemberment" à 4:09, "Dissolution" à 4:10) ou de séquences pleines de groove ("Thresholds Beyond" à 1:45 puis à 4:58, "Visions Of Psychic Dismemberment" à 1:41) que les Américains prennent l’auditeur à contre-pied. Une valse sadique qui éreinte le corps et fatigue les nerfs jusque-là endolori par le poids de ces riffs sournois.
Le groupe affirme également sa personnalité à travers de petites choses subtiles mais très intéressantes à commencer par ces notes mélodiques dispensées avec parcimonie et qui ne sont pas sans faire écho à un groupe tel qu’Evoken. Fugaces, elles amènent pourtant avec elles un fort sentiment de désarroi et de fatalisme en faisant résonance à cette sensation de vide qui nous attire inéluctablement tout au long de l’album. Le travail effectué sur le chant n’est, lui non plus, pas si anodin qu’il y parait. Si le growl profond d’Eli Wendler concours lui aussi à cette sensation de lourdeur qui pèse sur ses quarante-cinq minutes, ses différents cris nourrissent quelque chose de plus sournois et maladif. Tout aussi soudains que ces notes mélodiques d’où émane une lumière blafarde étincelante, ces derniers expriment tour à tour la peur, la folie et la solitude donnant ainsi davantage de relief à une ambiance générale qui, déjà, ne prête pas trop à sourire.
Si les liens de parentés avec Blood Incantation semblent aujourd’hui plus évident que jamais, notamment à cause de cette production signée Pete deBoer, un format d’album relativement identique (cinq titres dont un instrumental) ainsi qu’une approche de la mélodie naturellement similaire, Spectral Voice poursuit pourtant sa voie avec beaucoup de succès. Plus classique dans sa forme et son interprétation qu’un
Starspawn,
Eroded Corridors Of Unbeing n’en demeure pas moins un album plein de personnalité qui a même d’ailleurs tendance à se bonifier au fil des écoutes. Encore une de ces sorties estampillées Dark Descent Records sur laquelle il ne faudra pas faire l’impasse.
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