Voilà l’album que j’espérais d’Uniform, un espoir qui me poussait à écouter chacune de ses créations, celles-ci me laissant toujours un peu déçu, frustré, mais acharné, attendant le disque où le potentiel entrevu se concrétiserait enfin de façon complète.
Ce qui est chose faite avec
The Long Walk. Bien sûr, au-delà de fréquentations de choix me faisant voir Ben Greenberg et Michael Berdan d’un bon œil (tout le monde n’a pas collaboré avec The Body ou encore David Lynch), le duo avait déjà su me convaincre suffisamment avec l’EP
Ghosthouse, me mettre quelques jolies balayettes sur
Wake in Fright et ses morceaux aux allures de croc-en-jambe malgré un ensemble trop éclaté et inconstant, m’époustoufler le temps de trois titres sur
Mental Wounds not Healing. M’émoustiller en somme. Mais rien de comparable avec le déballage incandescent qu’est ce nouveau longue-durée, au patronyme faisant référence à une nouvelle célèbre de Stephen King et indiquant clairement le sentiment général parcourant ses trente-sept minutes. Désormais, il va falloir marcher avec Uniform ou crever, tant l’autorité dont la formation fait preuve étouffe autant qu’elle accroche.
Ho, elle ne tient pas à grand-chose. Une raideur, une énergie, où l’industriel retrouve ses racines punk, où le noise rock et ses riffs à la dérive se font étrangement mentaux sous leur apparente sauvagerie de petites frappes alcooliques. Où les noms de Godflesh, Amebix, Big Black ou Pop. 1280 ne suffisent pas à circonscrire une entité devenue plus limpide et pourtant plus étrange qu’auparavant dans ses décharges aussi masochistes que libératrices, ses compositions constamment marquantes (vous allez vous souvenir du sens de l’expression « power of the riff » avec « Found », « Anointing of the Sick » ou encore « Alone in the Dark ») mais qui nous font déguster pleinement prises ensemble. Pas grand-chose, mais qui donnerait presque envie de sortir le mot « maîtrise » s’il ne faisait pas autant sourire au sujet de musique aussi arrachée, jouant d’une terreur qui semble faire claquer les dents-mêmes de ses transmetteurs. Une terreur bien actuelle, jusqu’à une production granuleuse et lourde, frôlant aussi bien le crust que le drone, la voix de Michael Berdan semblant batailler à chaque instant avec les autres instruments pour faire entendre ses prêches dégueulasses.
Oui, Uniform est devenu exactement ce que je voulais qu’il soit, dès que j’ai découvert son esthétique sombre et sa musique se réclamant de l’industriel et des névroses glauques : non pas uniquement un énième référenceur de ce qui peut se produire en terme d’œuvres pour anxieux modernes, mais un groupe de sludge qui n’en joue pourtant pas, qui fait vivre tout cela à travers ses yeux et son cœur qui bat comme on est atteint de spasmes, toxique car intoxiqué. En cela, l’embauche du batteur Greg Fox (dont on a déjà pu constater les talents dans
Liturgy) est une des très bonnes idées à mettre au compte de
The Long Walk, tant son jeu, à la fois mécanique et humain, situé sur la fine crête entre répétitivité industrielle et sueur punk, renforce cette ambivalence qui est désormais l’atout principal des Ricains.
Simplement écorché, remplaçant la provocation dont
Wake in Fright pouvait abuser par une observation enfiévrée de ce qui l’entoure (ce qui pourra rappeler
un certain autre disque, auprès duquel
The Long Walk ne souffre pas la comparaison), Uniform a clairement créé ici une surprise comme je n’en ai rencontré que trop peu cette année. Certes, son parti-pris de se situer constamment au centre des choses peut donner un léger sentiment de regret, surtout pour qui a entraperçu les beautés effleurant new et cold wave de
Mental Wounds not Healing. Mais l’heure n’est pas ici à prendre du recul, à chercher l’enivrement dans la mélasse d’une vie urbaine. Non, pour l’instant, il s’agit avant tout de parcourir les rues, sans arrêt, les pulsations tambourinant jusqu’à nos pieds, le regard à la recherche de quelque chose à couper. Qu’on nous arrête, pour voir.
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