[ A propos de cette chronique ] Autant le dire de suite,
"Solarité" m'ennuie. Parce qu'il me pose un cas de conscience auquel je n'avais encore jamais été confronté. Des albums
tendancieux (pour parler pudiquement) de qualité, il en sort chaque année. Pourtant, ils sont toujours éclipsés par d'autres disques, au PH politique bien plus neutre, et à la qualité nettement supérieure. Pas de quoi en faire toute une histoire, j'ai l'habitude, on a tous l'habitude, ce qui nous permet de faire la paix avec notre conscience et de ranger ces albums douteux dans la catégorie des
"petits plaisirs coupables", ceux que l'on ressortira simplement de temps en temps, ressentir le frisson de l'interdit, nous permettant de garder des relations cordiales avec notre conscience.
Mais pas avec Nécropole. Du moins, plus maintenant. Ce bougre d'Amertume ne peut décidément rien faire comme ses collègues crampés du bras. Parce que
"Solarité" n'a pas d'équivalent dans les sorties Black Metal de cet année. L'album entier est d'une telle qualité, représente une telle somme de travail et de progrès qu'il risque fort de truster la tête de tous les classements de ceux qui aiment le genre quand il est authentique, sincère et poignant. Peut-on décemment, en toute conscience, encenser un disque avec un tel propos ? La question est épineuse, et risque d'en faire jaser plus d'un.
Bref. L'album était attendu, surtout après le départ de deux des trois musiciens qui composaient le groupe - ces derniers étant partis former Cénotaphe, excellent projet qui doit d'ailleurs sous peu sortir un split avec les non moins talentueux Circle of Ouroborus. Il a donc fallu remplacer Déchéance, dont la voix arrachée était ce qui donnait à Nécropole une bonne partie de son aura, de sa sincérité poignante - de ce côté-ci, nous connaissions le potentiel d'Amertume qui, au travers de Caverne, avait déjà fait ses preuves. Mais il a surtout fallu assurer l'intérim de Brume, ancien batteur de Nécropole, et de ce côté-ci, le doute était permis : aussi envoûtant que soit Caverne, ses lignes de batterie étaient d'une simplicité presque austère (quand les ponts et les
breaks avaient parfois bien du mal à suivre le rythme). Une courte démo de deux titres, pompeusement intitulée
"Sisyphe Couronné" et sortie il y a quelques mois via Résilience, donnait à voir un Nécropole pourtant beaucoup plus construit, complexe, presque technique, comme pour donner tort aux sceptiques qui, comme moi, doutaient qu'Amertume, seul, puisse ne serait-ce qu'égaler ce qui avait pu être produit auparavant. Pari remporté haut la main, le bonhomme a décidément bossé sa copie.
Parce qu'objectivement, Nécropole franchit un cap en sortant ce qui s'impose comme le meilleur projet de sa discographie. Pas un instant de faiblesse ou de vide à déplorer dans chacun des six titres de l'opus.
Un
feeling dévastateur, conquérant, à l'image de la gravure de couverture, empruntée au peintre Russe Sascha Schneider et illustrant à l'origine le deuxième volume de
"Im Reiche des silbernen Löwen" de l'auteur Karl May. La lumière foudroyante, la seconde jeunesse de Nécropole l'emporte sur son passé diabolique - point d’œillères chez moi, c'est simplement ce que je veux y voir, nul doute que le message que sert cette œuvre est, pour Amertume, tout autre.
Mention doit être faite du travail remarquable effectué sur le son, qui n'a jamais été aussi bon pour un projet estampillé du sceau Résilience. Dans son jus, mais sans jamais en mettre partout, il laisse sa juste place aux guitares lead, instruments qui portent à eux seuls toute la puissance de
"Solarité", et aux cymbales qui viennent habiller de leurs étincelles des compositions tantôt explosives, tantôt plus contemplatives (tirant presque vers Caverne). La voix reste presque en retrait (vu les paroles, c'est pas plus mal ainsi), et Amertume semble avoir dompté son organe : moins brisé, criard que dans son autre projet. Il n'égale pas la puissance vocale de Déchéance, certes, mais se défend plus qu'honorablement, et ses quelques envolées en chant clair restent toujours aussi efficaces. L'on passe des charges menées tambour battant, à la manière de l'ouverture "Aurore" et de ses montées en puissances qui font mouche, à des morceaux plus calmes, presque contemplatifs - la piste instrumentale "L'Orbe du Monde" et ses arpèges qui se répondent agit en effet comme un repos bienvenu pour l'auditeur. Les influences passées de Nécropole, entre Finlande et Toulon, sont plus discrètes mais toujours présentes, et je ne risque pas de passer sous silence les incursions presque Heavy Metal fort bienvenues de "La Voie est la Vertu", qui me rappellent furieusement
"L'Amorce du Déclin" des regrettés Orthanc. C'est cependant, à mon sens, le titre "Le Culte du Héros" qui remporte mon adhésion la plus totale, un sommet de puissance épique, de son démarrage mid-tempo dévastateur jusqu'aux envolées de sa guitare lead qui, comme je le ressentais déjà chez Caverne, donnent plus que jamais envie de bomber le torse en fixant le ciel, à l'image de la gravure (de Schneider, toujours) ornant le livret. Gardant pour point d'orgue la lumière, toujours la lumière,
"Solarité" construit un univers varié, grandiose sans jamais être grandiloquent, domptant son Black Metal - qui n'aura jamais été aussi peu Noir, finalement.
L'album est solaire, oui, mais l'on se situe malheureusement bien plus du côté de Germania que d'Astora. Si
"Leçon fut prise de Promethée", l'Histoire avec un grand H n'aura pas vraiment servi à Amertume. Je ne sais pas si le départ de ses deux acolytes a fait grandir le propos politique rance du projet, ou bien si c'est l'inverse, quoiqu'il en soit, si
"Solarité" franchit effectivement un cap supplémentaire dans la qualité des compositions, il révèle plus que jamais l'antisémitisme maladif du désormais seul maître à bord, particulièrement dans le titre "Ferments de Corruption", qui est d'ailleurs le morceau le plus "bêtement" agressif du disque. L'ensemble de l'album n'est pas épargné. Dans un salmigondis de mots compliqués et de tournures de phrases ampoulées à en faire vriller Maître Capello, on y suit les délires enfiévrés d'un paranoïaque qui aurait mieux fait de laisser de côté les Ryssen et Serrano (pas de Bergerac,non) pour relire ses textes et éviter les coquilles à l'impression (mention spéciale au savoureux
"Qui ouvre béantes les potes [sic] de la mort" du titre "La Voie est la Vertu"). Il est loin, le temps où les allusions à l'étoile à six branches tenaient plus du sous-entendu que de l'obscénité.
Vous comprenez mieux, à présent, la position délicate dans laquelle je me trouve. On attendait ce
full-length au tournant, connaissant la qualité des démos précédentes, et pourtant,
"Solarité" réussit la prouesse d'être encore meilleur que tout ce qu'on pouvait s'imaginer. D'autant plus impressionnant que le projet est maintenant un
one-man band... Et pourtant, le propos qu'il défend est des plus nauséabonds. Que dire... Soyez à l'aise avec votre conscience, téléchargez-le, volez-le, pincez vous le nez, que sais-je, mais ne vous privez pas de ce qui s'impose comme LA sortie Black Metal de 2018, une vraie pépite qui sent le soufre mais reste ce qui s'est fait de mieux en France ces dernières années. En espérant que Caverne reste purement et simplement romantique, nationaliste vaguement franchouillard, et ne prenne pas le pli des obsessions malsaines de son géniteur.
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